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Karim, un Belge devenu champion du monde de kick-boxing: "La douleur, elle se gère mentalement"

Le kick-boxing est un sport parfois méconnu. Perçu comme violent par certains, il est aussi considéré comme un sport positif par ses pratiquants. Karim Taquet, champion du monde en titre, a décidé de le prouver dans un club fondé à Colfontaine.

Karim Taquet est un homme occupé. Le combattant de Saint-Ghislain cumule son emploi d’ingénieur informatique avec une passion presque dévorante : le kick-boxing. Une vie rythmée, faite de sacrifices et de concessions, qui l’a amené à devenir champion du monde en -81kg le 16 novembre dernier à Rome. Quelques mois plus tôt, en avril, Karim Taquet décrochait le titre européen devant son public au Palais 12, la célèbre salle de Bruxelles. Sa carrière dans le kick-boxing a des allures de blockbuster, avec 75% de victoires et des sacres à répétition. Un exploit, plus encore dans un sport aussi physique et exigeant.

Champion du monde sans être reconnu comme combattant professionnel. Voilà la situation à laquelle fait face le combattant belge. Ce dernier est forcé de cumuler ses activités professionnelles avec la pratique d’un sport de haut niveau. "J’essaye de mettre la priorité sur le kick-boxing mais c’est dur, j’ai déjà 29 ans et je sais qu’il ne me reste plus dix ans de carrière", regrette Karim Taquet. "Je fais des concessions. J’ai de la chance d’avoir un employeur qui me permet de prendre des congés assez facilement, c’est une grande aide. Pour le Mondial, j’ai pris quelques jours de congés par exemple. Pareil quand je dois faire de grosses préparations. J’essaye de favoriser ma préparation, mais ce n’est pas simple", précise-t-il ensuite.


Les trophées et ceintures commencent à s'accumuler.

C’est pourtant avec des rêves plein la tête que Karim Taquet a débuté dans ce sport. C’était il y a 16 ans, lorsqu’il a pratiqué le kick-boxing avec un ami, un petit peu par hasard. Il y a découvert une discipline particulière, qui mélange le combat et le respect de l’homme. Les victoires se sont enchaînées, mais rapidement, le Saint-Ghislainois a dû faire une croix sur son rêve de devenir professionnel.

"En Belgique, c’est quasiment impossible de vivre de ce sport, vu qu’il n’est pas médiatisé", regrette le boxeur. "Ce qui veut dire manque de sponsors. Notre fédération vient de rentrer dans l’ADEPS, on a fait une demande pour devenir sportif Elite, ce qui est un pas en avant, pour moi et pour le sport", tempère-t-il cependant. Jusqu’ici, rien n’a encore été confirmé et le statut de combattant professionnel ne lui est pas garanti. Ce qui ne l’empêchera pas de s’imposer comme référence à l’échelle mondial. Un fameux accomplissement.

"Ma mère n’aime pas me voir souffrir"

Kick-boxing. La lecture de ce mot fera naître des images parfois violentes dans nos esprits. Ce sport doit composer avec une image négative. Le kick-boxing est perçu comme un sport violent, profondément gratuit et peu recommandable.

Karim Taquet le sait. Mais s’il admet volontiers la présence de violence dans sa discipline, il tempère et préfère y voir un vecteur de valeurs importantes. "C’est vrai que certains combats peuvent être choquants", admet-il. "Même nous, sur le ring, lorsque l'on voit un KO, on est mal à l’aise. On a toujours de la peine pour le boxeur concerné. Mais il y a un grand respect entre les boxeurs. Il y a du show à la pesée, à l’entrée sur le ring, mais une fois que c’est passé, on devient ami. Exemple avec ce Mondial, après la victoire, j’ai envoyé des SMS à mon adversaire pour savoir comment il allait, il a pris de mes nouvelles aussi. Il y a une bonne entente entre les combattants. On n’est pas là juste pour se tuer, il y a un aspect humain très important".

Une violence parfait insoutenable pour ses proches, en particulier sa maman. "Ma mère n’est pas venue me voir souvent. Elle n’aime pas trop ce sport, c’est une maman, elle n’aime pas voir son enfant prendre des coups et souffrir. Elle a plus de craintes, plus de stress et c’est compréhensible. Je ne peux pas lui en vouloir", explique d’ailleurs le boxeur. Son père, lui, le suit assidument, "fier quand je monte sur un ring, quand je lui envoie les vidéos", relate-t-il.

Comme ses proches, Karim doit faire abstraction de la douleur. "Elle se gère mentalement, c’est une grande qualité chez un boxeur. Il ne faut pas la montrer, elle est là, elle existe, mais si on montre à l’adversaire qu’elle est présente, il va vouloir en profiter. Il va frapper là où vous souffrez pour en finir. C’est important de ne pas montrer le moindre signe de faiblesse sur son visage pendant un combat".

Mais Karim Taquet insiste : le kick-boxing est avent tout un vecteur de valeurs. Pour le prouver, il a fondé, avec son coach, un club de kick-boxing. La Team MK permet à des enfants, âgés de 6 à 12 ans, de pratiquer ce sport, en compagnie du désormais champion du monde de la discipline. Des adultes sont également inscrits, certains atteignant presque les 60 ans.

L’occasion de transmettre ces fameuses valeurs. "Le respect de l’adversaire, c’est quelque chose de très important", affirme Karim. "Ne jamais l’insulter,  toujours le saluer. Une fois qu’on est sorti du ring, on crée une amitié. Il y a aussi de la discipline. Pendant les entraînements, les élèves vont vers le coach, qui est comme un père. On le respecte et on suit à la lettre ce qu’il dit. La discipline et le respect, ce sont les deux plus grosses valeurs de ce sport".

Confronté au problème d’image de sa discipline, Karim Taquet aime répondre qu’il n’est pas plus violent qu’un autre sport, plus toléré habituellement. "C’est un sport de combat. Est-ce que le karaté est un sport violent ?", s’interroge-t-il. "C’est une vision personnelle, certains diront que oui, d’autres que non. En termes de violence, je vois peu de différences entre le karaté et le kick-boxing", clame-t-il enfin.

Les jeunes inscrits font ce que l'on appelle de la boxe éducative. Aucun contact, des entraînements disciplinés et une interdiction formelle de se montrer violent ou insultant envers les autres. Un moyen de se concentrer exclusivement sur les mouvements et les techniques en passant outre la violence des combats réels, qu'ils ne découvrent qu'après avoir atteint leur majorité. Un point essentiel à la culture pédagogique de ces cours. 

Dans sa catégorie, Karim Taquet a le droit de combattre avec les genoux. Les combattants se livrent un duel sans faille lors de combats variant de 3 à 5 rounds de trois minutes. Chaque sport de combat possède sa part de violence, mais Karim Taquet préfère retenir ce qu’apportent ces disciplines à leurs pratiquants.

Le kick-boxing progresse en Belgique

Depuis le mois d’avril, le kick-boxing est reconnu par l’ADEPS. Un pas en avant pour ce sport dans notre pays, première pierre vers une opportunité de professionnalisation de la discipline.  La LFKBMO, fédération francophone de la boxe thaï et des sports associés, s’en réjouit.

Selon son président, Gino Buonopane, ce sport rassemble de plus en plus d’adhérents. "Nous avons plus de 5.000 affiliés en Fédération Wallonie-Bruxelles», explique-t-il. «De plus en plus de médias s’intéressent à ce sport, notamment en France. Des exploits comme ceux de Karim donnent une image positive des sports de combat. C’est une très bonne chose"

Il y a le nombre d’affiliés, mais aussi les organisateurs de combats. Là-aussi, la fédération est stupéfaite de l’enthousiasme. «Nous devons refuser des galas, nous sommes presque débordés», affirme même Gino Buonopane. "Chaque weekend, il y a plusieurs galas. Cela nécessite des déploiements importants, en sécurité, en secours… Nous sommes parfois un peu débordés", poursuit-il en rigolant, heureux de voir ce sport susciter un tel engouement.


La Team MK enchaîne les prouesses.

L’objectif de la fédération est double : proposer un programme de boxe éducative aux enfants mineurs, qui ne peuvent dès lors procéder à des combats à base de contacts et dont les galas se terminent systématiquement par des matchs nuls, et poursuivre son développement pour professionnaliser les meilleurs combattants. Un projet titanesque, en bonne voie, bien que cela puisse prendre plusieurs années.

Un titre mondial attendu depuis 2014

Karim Taquet court derrière une couronne mondiale depuis 2014. A l’époque, le combattant de Saint-Ghislain s’était incliné lors du gala final. "Cela c’était joué sur plusieurs combats. J’avais gagné le premier mais j’avais reçu un coup aux côtes qui m’a handicapé sur le second combat. J’avais pris un deuxième coup au même endroit ce qui m’a poussé à abandonner sur blessure", regrette le boxeur.

S’il admet sa déception, Karim Taquet a vécu de bonnes choses depuis lors, enchaînant les victoires avant, cinq ans plus tard, de pouvoir prendre sa revanche. C’était le 16 novembre, à Rome, face à l’Italien Luca Carnevali, champion d’Italie en titre. Un duel pour une ceinture mondiale, apothéose d’une carrière déjà emplie de succès.

Sur le ring, la lutte fût âpre. "J’ai commencé à sentir de la fatigue après le troisième round", nous explique Karim, moins habitué au format de 5 rounds de 3 minutes. "Mon adversaire avait du punch. Je sentais au fur et à mesure qu’il montait en rythme, que ses coups étaient de plus en plus durs. A chaque fois que je prenais un coup, j’essayais de répondre en double. C’est encore plus important quand on combat à l’étranger, c’est normal, on sait que le local est poussé par le public, ça fait partie du jeu", précise-t-il.


Ce titre, Karim Taquet l'attendait depuis des années.

Au bout, il y a la victoire. Les juges, unanimes, ont permis à Karim Taquet de porter la ceinture WCTS au plus haut niveau possible. Un aboutissement, favorisé par une préparation intense et marquée par certains épisodes compliqués. "J’ai dû perdre 3 kilos en une semaine. Ce n’est pas facile, mais il faut de la discipline. Les entraînements payent, il faut être rigoureux", nous explique modestement Karim

Ce dernier n’a pourtant pu s’entraîneur qu’une fois par jour, soit moitié moins que son adversaire. La faute à cette obligation de combiner son emploi et sa passion pour le kick-boxing. Un manque de pratique comblé, en grande partie, par le soutien ressenti sur place. «Humainement, voir le club qui te suit, tes proches, tes amis… c’est incroyable, c’est rare de voir des choses comme ça. C’est devenu une vraie famille», explique, ému, le combattant.

Une réussite absolument brillante et une histoire exceptionnelle. Karim Taquet ne sera peut-être jamais professionnel. Mais il aura eu le plaisir et l’honneur de triompher dans les hautes sphères d’un sport sans en avoir les moyens théoriques. Il n’y a plus qu’une chose à faire à présent : applaudir.

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