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De la gloire au ringard : le film "Blackberry", en compétition vendredi à la Berlinale, porte un regard ironique sur la saga d'un téléphone devenu l'emblème du cadre sup' des années 2000 avant de tomber dans l'oubli.
Après le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg, joué par Jesse Eisenberg dans "The Social Network" (2010), ou celui d'Apple Steve Jobs (2015), interprété notamment par Michael Fassbender dans le film éponyme de Dany Boyle, une saga du numérique inspire une nouvelle fois le cinéma.
"Blackberry", en lice pour l'Ours d'or, a choisi de retracer l'histoire d'une icône déchue, dont les fondateurs ont révolutionné le marché des téléphones au tournant des années 2000, avant de se brûler les ailes à la fin de la décennie.
Le réalisateur lui-même, Matt Johnson, joue dans le film le rôle de Doug, l'un des ados attardés aussi doués en informatique et en bidouillage que privés de sens des affaires, qui bricolent des appareils téléphoniques dans la banlieue de Toronto.
"Blackberry ne vient pas de nulle part, le smartphone ne vient pas d'une personne qui aurait eu par hasard l'idée que tout monde ait un téléphone pour pouvoir joindre les autres" en permanence, a souligné le cinéaste canadien en présentant son film à Berlin. "Ils ont regardé Star Trek, et ils se sont dit, ce serait cool si on avait ça".
D'une manière générale, "les gens qui allaient être à l'avant-garde de la technologie étaient aussi les gens qui étaient de vrais nerds, fans de science-fiction".
Les filmer est une façon de rappeler que l'on "vit dans un monde que l'on a hérité de jeunes férus de technologies, qu'ils ont bâti à partir des films qu'ils regardaient".
- "Rien de cool" -
Adapté d'un livre-enquête sur l'histoire du Blackberry, le film, qui évite les écueils du biopic et prend parfois des allures de faux documentaire, remonte aux origines de l'entreprise canadienne Research in Motion (RIM), qui a lancé le produit.
L'ascension fulgurante commence lorsqu'un génie de l'informatique, Mike Lazaridis (Jay Baruchel) rencontre un businessman sans scrupules, ruiné et décidé à se refaire, Jim Balsillie (Glenn Howerton).
Avec son large clavier permettant d'envoyer facilement des courriels, en tapant avec deux pouces, Blackberry fait un tabac chez de nombreux chefs d'entreprises, célébrités mais aussi hommes politiques. L'ancien président américain Barack Obama, avait même tenu à conserver le sien à la Maison Blanche après son élection en 2008.
Derrière le succès commercial, le film montre aussi le conflit entre une culture potache et cool des débuts, et l'exigence de rentabilité qui vient la corrompre. Peu à peu, s'installe un environnement de travail toxique et sans pitié, dans un univers ultra-machiste, dont les femmes sont quasiment absentes.
C'est "un monde que je connais très bien, il y une culture de vestiaire de garçons, de compétition masculine, que je connais très bien pour avoir grandi dans les années 1990", a expliqué le réalisateur.
La chute sera aussi fulgurante que le succès, avec notamment la sortie en 2007 de l'iPhone d'Apple et son écran tactile qui ringardise immédiatement le Blackberry.
Comme le résume cruellement l'un des personnages du film, Blackberry passe de l'appareil que tout le monde veut avoir, à celui que tout le monde a possédé avant d'acheter un iPhone.
Tout le monde ? Sauf quelques réfractaires, comme l'acteur Glenn Howerton, qui a confié à Berlin n'avoir "jamais voulu de Blackberry pour la raison qui justement faisait que tout le monde en avait un : être joignable à tout moment pour communiquer".
"Je voulais juste qu'on me laisse tranquille la plupart du temps! Voir ce maudit truc biper tout le temps, c'était un vrai cauchemar !", a-t-il lancé. "Pour moi il n'y avait rien de cool dans le Blackberry".