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Bret Easton Ellis écrit "sur les riches" car "c'est marrant de les voir merder", dit l'écrivain américain qui publie son septième roman, critique douce-amère d'une jeunesse dorée inconsciente de ses privilèges.
"Les Éclats" (éditions Robert Laffont) paraît jeudi en français, deux mois après la version originale, qui a reçu un accueil mitigé aux États-Unis.
"Je suis un écrivain américain très clivant", constate l'auteur, interrogé par l'AFP à Paris.
L'auteur du best-seller "American Psycho" (1991) l'explique par un positionnement qui ne plaît ni aux lecteurs de gauche, ni à ceux de droite. Dans son livre précédent, "White", il a vivement critiqué l'orientation prise par les uns, l'idéologie "woke". Pour les autres, il reste irrécupérable, le romancier des drogues et d'une bisexualité sans entrave.
L'Europe se soucie moins de le mettre dans des cases et il s'avoue même "gêné" d'y être comparé à des classiques comme Marcel Proust ou Thomas Mann, lui qui expose les bassesses des couches supérieures de la société.
- Lycée de Kim Kardashian -
Au vu de ces critiques flatteuses, "on se moque de moi en Amérique. En Amérique je suis partagé. J'ai mes fans, des gens qui m'aiment, et j'ai beaucoup de gens qui ne m'aiment pas", explique l'écrivain.
"Les Éclats" est un roman d'apprentissage qui illustre on ne peut mieux le célèbre vers de Rimbaud: "On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans".
Le narrateur, Bret, est un homme mûr qui revient sur sa dernière année de lycée, dans un établissement huppé de Los Angeles, en 1981-1982. L'auteur a gardé le nom: Buckley, qui a vu passer d'autres célébrités mondiales comme l'acteur Matthew Perry ("Friends") ou Kim Kardashian.
Bret et ses condisciples vivent dans de grandes villas avec piscine, viennent en cours au volant d'une voiture de sport, et leur argent leur ouvre toutes les portes. Sexe et drogues rythment leur temps libre.
Si le récit est parsemé des films et chansons de l'époque, ces jeunes Californiens restent parfaitement incultes. Y compris Bret, qui veut devenir écrivain en décrivant les aventures de ses congénères.
La culture classique, la littérature? "Moi ça m'importe. Mais pour mes personnages, non", reconnaît Bret Easton Ellis.
- "Détraqués" -
"Nous étions privilégiés. Bien plus privilégiés que je l'ai jamais pensé", se souvient-il. "La première fois qu'on commençait à avoir un peu d'acné, hop! Dermatologiste hors de prix. À Beverly Hills, il n'y a aucun de mes amis qui avait de l'acné."
"J'écris sur les riches et je l'ai toujours fait. Je n'ai jamais fait autre chose que d'écrire un roman sur les riches, et comment ils sont détraqués, et ce pour quoi ils restent impunis."
Le lisant au premier degré, certains lecteurs peuvent admirer ses personnages. Même le tueur en série sadique d'"American Psycho" a ses fans: "Patrick Bateman est devenu un mème! (image virale sur internet, NDLR)", dit avec consternation son créateur.
Mais, ajoute-t-il, "je ne vais pas leur faire la leçon. Si les gens apprécient simplement le plaisir de lire sur les riches (...) C'est marrant de les voir merder, c'est sympa de les voir dans leurs belles maisons".
Pour lui, l'enjeu était de faire revivre un monde disparu. En recherchant le nom de ses anciens camarades de lycée pendant le confinement de 2020, il n'a "rien trouvé, comme s'ils étaient évaporés".
"Il y a très, très peu de souvenirs gravés de toute cette époque", relève Bret Easton Ellis. "Tellement de choses ont changé, ces endroits sont maintenant des grands immeubles, des centres commerciaux, etc. Ça me hantait."