Partager:
"Salut à la France! À ses beaux jours!": l'Orchestre de la Garde républicaine et le Chœur de l'Armée française interprètent cette semaine au Théâtre des Champs-Elysées un opéra qui a une résonance familière, "La Fille du régiment" de Donizetti.
Au Quartier de la Garde républicaine à Paris, des gendarmes traversent une cour où sont entreposés des ballots de paille, avant de rejoindre la salle de répétition.
A travers les fenêtres se glissent parfois des odeurs de foin et de crottin de cheval: les équidés ne sont pas très loin, certains le nez dans le fourrage, d'autres trottent dans une grande cour, cavaliers en selle.
- "L'habitude des cadences" -
Au pupitre, le chef d'orchestre Hervé Niquet exhorte les musiciens à faire attention au tempo, alternant blagues et ordres sur un ton quasi... militaire.
Face à lui, l'Orchestre à effectif plein, derrière lequel se tient le Chœur de l'Armée mais aussi un chœur féminin venu pour l'occasion de la Maîtrise de Notre-Dame.
"Les cuivres et les cordes, il y a trop de bruit!", lance le maestro, à quelques jours de deux représentations (3 et 5 avril) en version concert de "La Fille du régiment", une histoire d'amour située dans le Tyrol occupé par les troupes napoléoniennes.
L’œuvre populaire, un sommet du bel canto créé à Paris en 1840, est célèbre pour l'air "Ah! mes amis, quel jour de fête!", interprété par l'un des personnages principaux, Tonio.
Considéré comme "l'Everest de l'art lyrique", il exige du ténor de chanter neuf contre-ut (aigus) successifs.
Si cet air est interprété pour l'occasion par un jeune talent, le ténor (civil) malgache Sahy Ratia, les connotations militaires semblent l'écrin parfait pour les formations.
"Quand on aborde les parties un peu militaires, c'est pour eux d'une (grande) facilité car ils ont l'habitude des marches et des cadences", affirme à l'AFP Hervé Niquet, qui précise que "cette musique a l'air pimpante et rigolote, mais elle est terriblement difficile".
Si les différentes formations musicales de la Garde républicaine servent avant tout l'Etat, il ne faut pas croire que le métier de l'Orchestre et du Chœur, tous deux des unités de la Garde républicaine, se limite au cérémonial.
"Notre mission est +commémorer, honorer, divertir+", explique Emmanuel, membre du Chœur de l'Armée depuis 27 ans.
Un opéra, "c'est toujours un moment agréable, ça change un peu du quotidien", ajoute ce membre de l'unique chœur d'hommes professionnel en France.
Pour Arthur Lamarre, violoncelliste formé aux conservatoires de Caen et de Paris et à l'Orchestre depuis 14 ans, interpréter un opéra complet "arrive tous les trois, quatre ans".
"C'est assez sympa de toucher à d'autres répertoires", renchérit-il, précisant qu'il s'agit plus d'"une musique militaire d'opérette que d'"une musique militaire pure".
"On fait beaucoup de services officiels à l'Elysée, mais on a une saison musicale normale, beaucoup de concerts symphoniques que vient écouter le public lambda", explique la "gendarme-violoniste" Pauline Lavacry, qui a rejoint l'Orchestre il y a huit ans.
Soit un côté moins protocolaire que la Fanfare de la Cavalerie -qui défile aux grands rendez-vous nationaux comme le 14 Juillet ou lors de visites officielles de chefs d'Etat-, les Trompes de chasse ou encore la musique de la Garde républicaine.
Admis sur concours, ces musiciens et chanteurs ont quasiment tous été formés dans des conservatoires.
"Je me sens musicienne avant tout mais, bien sûr, on fait partie d'une institution et on a un grade", souligne Pauline Lavacry qui a souvent joué aux Invalides pour des hommages, dont celui dédié aux victimes des attentats de 2015 qui l'a beaucoup marquée.
"Quand on est dans la musique, on est discipliné ; on ne se sent donc pas forcément moins libre quand on est à la Garde républicaine", assure-t-elle.