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Et si ChatGPT rédigeait des dictées et des QCM sur mesure ? Loin de vouloir l'interdire, l'Education nationale commence à former ses enseignants aux intelligences artificielles, tant pour enrichir leurs cours que pour développer l'esprit critique des élèves, a expliqué à l'AFP Marie-Caroline Missir, directrice du Réseau Canopé.
Opérateur du ministère pour la formation des enseignants, le Réseau Canopé, mais aussi des rectorats comme celui de Versailles, organisent des séminaires et ateliers sur l'IA pour les enseignants, qui sont d'ailleurs déjà nombreux à en explorer eux-mêmes les possibilités.
"ChatGPT se développe à grande vitesse dans le public et nous devons outiller les enseignants, sans approche binaire. L'arrivée des IA oblige à développer des compétences du XXIe siècle : la créativité, la collaboration et l'esprit critique", fait valoir la directrice générale du Réseau.
A l'inverse de certains établissements qui, comme Sciences Po, ont interdit ChatGPT par peur de la triche.
"Nous devons montrer aux enseignants que l'IA ne va pas les remplacer et que le besoin de médiation humaine reste nécessaire, mais que cet assistant peut les aider à gagner du temps pour des contenus pour leurs cours et être une source d'inspiration", renchérit Franck Bodin, directeur de l'Atelier Canopé du 93 (Seine-Saint-Denis), qui anime des ateliers sur l'IA.
Encore balbutiants, les usages semblent innombrables. "Des professeurs utilisent ChatGPT pour rédiger des dictées spécifiquement sur tel ou tel point de grammaire", détaille-t-il. "Les IA sont aussi performantes pour générer des champs lexicaux, élaborer des QCM à partir d'un cours, résumer des textes complexes, proposer des corrigés, descendre ou monter dans les niveaux de langage pour aider les élèves à les distinguer, ou encore reformuler des consignes pour que chacun puisse les comprendre".
- Reconnaître les oeuvres humaines -
Certains enseignants s'en sont servi pour générer des grilles de critères ainsi que des évaluations, avec le retour du professeur derrière, ou pour les aider à varier leurs commentaires dans les bulletins scolaires.
Les IA productrices d'images peuvent être utilisées pour générer des plans, matérialiser une idée en vue, produire des objets virtuels pour des cours de géométrie ou encore imaginer la salle de classe du futur.
Autre possibilité, apprendre aux élèves à reconnaître la production des IA. Par exemple, face à un texte "à la manière de", savoir distinguer l'original de l'imitation.
"Nous devons découvrir les opportunités éducatives, sans se limiter à une approche uniquement portée sur le risque", plaide Marie-Caroline Missir.
Les enseignants peuvent aussi proposer aux élèves de se servir de l'intelligence artificielle en encadrant son usage - sachant que le règlement sur les données personnelles empêche qu'ils créent un compte en classe. "Mais les élèves les ont chez eux", soulignait la médiatrice de Canopé Joanna Marques lors d'un atelier fin janvier sur l'écriture des +prompts+ (requêtes).
"La fracture ne se fera pas entre ceux qui l'ont ou non, car tous l'auront, mais entre ceux qui savent s'en servir, quoi lui demander, comment interpréter les résultats, et cette fracture numérique risque de s'intensifier", selon elle. "Les travaux écrits à la maison sont fortement questionnés avec ces IA". "Mais cela ouvre la porte à la créativité, pour le professeur comme pour les élèves".
Le sujet n'est que mentionné dans la "stratégie numérique pour l'éducation 2023-2027" présentée en janvier par le ministère. Elle prévoit cependant de "permettre à tous les élèves de comprendre le fonctionnement des outils numériques", dont l'intelligence artificielle, mais aussi de les sensibiliser aux manques de fiabilité des résultats.