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Retraites: à Paris, les poubelles s'accumulent et le débat enfle

Une table en terrasse pour profiter du redoux... en face d'une enfilade de poubelles posées à même le trottoir. A Paris, le volume de déchets non ramassés continue de monter, comme le ton entre le gouvernement et la mairie, au huitième jour de la grève des éboueurs contre la réforme des retraites.

Une semaine après le début de la grève reconductible enclenchée le 7 mars, la rue Montorgueil n'est pas "à l'arrêt", loin de là: à l'heure du déjeuner, cette artère piétonne et très commerçante en plein coeur de Paris grouille de riverains comme de touristes.

Mais çà et là, des tas de poubelles et cartons non ramassés viennent rappeler au passant le mouvement social en cours.

"C'est horrible", fulmine une vendeuse de boulangerie qui ne veut pas dire son nom. "Vous vous rendez compte, si des nuisibles rentrent dans une pâtisserie, ce que ça va faire?", ajoute l'employée.

Lundi, 5.600 tonnes de déchets restaient non ramassées, selon la mairie, un volume qui augmente chaque jour. Et "le conflit se durcit" avec le blocage du dépôt de Pizzorno, opérateur privé, prévient l'adjointe (PS) à la propreté Colombe Brossel.

La situation varie selon les secteurs, les plus touchés étant les dix arrondissements dont la collecte est assurée par les agents de la mairie.

Mais même dans ceux gérés par des prestataire privés, la collecte est perturbée puisque les trois usines d'incinération d'Ivry-sur-Seine, d'Issy-les-Moulineaux et de Saint-Ouen, aux mains du Syctom, l'agence métropolitaine des déchets ménagers, sont bloquées.

A Issy, dès 06H00 du matin, sous la bruine et dans les relents de déchets, une centaine de manifestants ont planté leurs drapeaux FO et CGT devant le site, qui brûle en temps normal 1.600 tonnes de déchets par jour.

Résultat, les déchets collectés sont réacheminés vers une quinzaine de sites extérieurs, indique le Syctom.

- "Je vivrai pauvre" -

Les grévistes restent déterminés à poursuivre leur action au moins jusqu'à mercredi, jour d'examen du texte en commission mixte paritaire.

"On est dehors tous les jours, on travaille qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente", décrit Nabil Latreche, éboueur de 44 ans. "Quand on est derrière la benne, on respire des choses volatiles, on a beaucoup de maladies professionnelles, de cancers. Le travail est pénible."

Murielle Gaeremynck, une femme menue de 56 ans dont 20 comme éboueuse, énumère les chutes de la marche du camion, les tendinites à répétition des balayeurs ou, comme elle, des conducteurs de petits engins "aux suspensions pourries".

A la retraite, "je sais que je vivrai pauvre", avec une pension de 1.200 euros grand maximum, se désole-t-elle.

La CGT rappelle que les éboueurs et les conducteurs peuvent pour l'heure prétendre à la retraite à 57 ans sans bonification, un âge repoussé à 59 ans en cas d'adoption de la réforme.

C'est aussi pour une revalorisation indiciaire que les éboueurs sont mobilisés, expliquent les grévistes sur place. Leur déroulement de carrière se négocie directement avec la mairie.

"Ils ont trouvé de l'argent pour nous envoyer en première ligne pendant le Covid, qu'ils nous disent pas aujourd'hui chez Hildago qu'ils n'ont pas d'argent", commente Nabil Latreche.

- Les agents réquisitionnés? -

La maire PS de Paris se retrouve dans une situation inconfortable, elle qui a décrété la mairie "solidaire avec le mouvement social".

"Ce n'est pas une situation totalement surprenante dès lors que la maire de Paris avait encouragé les agents à faire grève", a taclé sur France Inter le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, citant les réquisitions d'agents parmi les mesures possibles à prendre.

L'opposante LR Rachida Dati réclame "la mise en place d'un service minimum pour le ramassage des ordures" et, dans l'immédiat, "de faire appel à des entreprises d'insertion".

Service minimum ou prestations, "c'est interdit sur le plan juridique", a répondu le premier adjoint (PS) Emmanuel Grégoire pour qui les réquisitions sont "une initiative et compétence légale qui relèvent de l'Etat".

Au ministre des Transports Clément Beaune qui pourfend un "énième exemple d'inaction et de mépris des Parisiens", Emmanuel Grégoire accuse le gouvernement d'une "très grossière instrumentalisation".

"C'est une situation nationale à laquelle d'autres villes sont confrontées", souligne le bras droit d'Anne Hidalgo en citant Nantes, Antibes, Saint-Brieuc ou ... Le Havre, ville d'Edouard Philippe, l'ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron.

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