Partager:
Dans l'est de la Hongrie, les ouvriers sont à pied d'œuvre pour bâtir la plus importante usine de batteries électriques d'Europe.
Au grand dam des habitants qui se mobilisent pour faire capoter ce projet chinois et les ambitions de Viktor Orban.
Des réunions publiques houleuses, des manifestations qui se succèdent: Debrecen, deuxième ville du pays d'Europe centrale, s'inquiète de voir pousser une énième fabrique sur son sol, pointant son impact environnemental.
Le Premier ministre nationaliste, qui courtise depuis des années avec succès les acteurs automobiles grâce à des ristournes fiscales et aux salaires maintenus très bas, n'est pas habitué à pareille résistance.
Les marques de luxe allemandes Audi et Mercedes y ont déjà élu domicile et reconvertissent actuellement leurs lignes d'assemblage à l'électrique. Leur compatriote BMW s'y installe aussi avec un investissement de deux milliards d'euros.
- Risques de pollution -
Le terrain est idéal pour le géant chinois de la production de batteries CATL qui a annoncé en août 2022 un projet surprise de 7,3 milliards d'euros, aux portes de Debrecen.
Cette méga-usine, qui doit sortir de terre d'ici trois ans, a de quoi impressionner: avec une capacité annuelle de 100 gigawattheures (GWh), elle pourra fournir des batteries lithium-ion pour un à deux millions de voitures électriques par an, loin devant les autres sites européens.
Problème: le mastodonte est très gourmand en énergie et en eau, dénoncent les militants écologistes. Ils redoutent aussi des déversements de substances toxiques dans le sol et les nappes phréatiques.
Contacté par l'AFP, le groupe CATL s'est dit "ouvert aux questions et commentaires de la communauté locale", assurant de ses efforts pour "le développement durable" de Debrecen.
La municipalité n'avait pas répondu dans l'immédiat.
Samedi dernier, plusieurs centaines de personnes se sont encore réunies dans ce bastion de M. Orban pour réclamer un arrêt des travaux.
"Les gens n'ont pas été correctement informés du projet, on ne leur a pas demandé leur avis", s'insurge Gabor Bogos, un ingénieur informatique de 42 ans.
"Nous avons besoin d'eau propre, d'air pur, pas de batteries", lance Julia Perge, 56 ans, co-organisatrice de la manifestation.
Les craintes environnementales ont été avivées par la sécheresse de l'été 2022, qui a tari un lac voisin dans cette vaste zone de plaines agricoles particulièrement chaude en été.
Le gouvernement, regrettant "la propagation de fausses nouvelles", a mis en avant jeudi des "normes très strictes".
- Pénurie de main-d'œuvre -
Devenir l'usine de l'Europe... d'autres dossiers suscitent la contestation en Hongrie sans toutefois menacer les plans de Viktor Orban, notamment l'extension d'un site du sud-coréen Samsung à God, au nord de Budapest.
Au total, plus de 20 projets sont dans les tuyaux, un des symboles des "Orbanomics", une stratégie mise en place après le retour au pouvoir du dirigeant en 2010.
Objectif à horizon 2030: faire de la Hongrie le deuxième fabricant de batteries de véhicules électriques de l'UE derrière l'Allemagne, alors que la production est aujourd'hui dominée par l'Asie.
Le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto se targue d'avoir su attirer les investissements malgré "une énorme concurrence", grâce à la politique d'ouverture à l'Est de Budapest et son rapprochement avec Pékin.
"C'est LE secteur industriel d'avenir", porteur d'espoir en période de morosité économique et d'inflation galopante, plaide le responsable, à l'unisson pour une fois avec Bruxelles. La Commission veut porter la part de marché européenne à 25% à la fin de la décennie, contre 3% en 2020.
Mais encore faut-il trouver les bras pour faire tourner l'usine, réagit-on à Debrecen, où l'on s'inquiète de voir affluer des travailleurs venus d'Asie pour occuper les 9.000 postes - faute de main-d'œuvre locale suffisante. La Hongrie en plein emploi manque cruellement d'ouvriers.
"On nous promet que la construction de sites industriels permettra de convaincre la jeunesse de rester" dans un pays marqué par la fuite des cerveaux, "mais c'est faux", déplore Dora Gyorffy, professeure à l'université d'économie de Corvinus à Budapest.
"C'est juste un désastre environnemental", assène l'experte.