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Procès du "tueur de DRH": de l'accusé à son périple meurtrier

Les jurés de la cour d'assises de la Drôme ont découvert, au cours d'une première semaine de procès à Valence, la personnalité de celui que la presse a surnommé "le tueur de DRH", avant de plonger dans le récit du périple tragique de Gabriel Fortin.

Accusé d'avoir abattu de sang-froid trois personnes en janvier 2021, cet homme de 48 ans se montre attentif dans le box vitré. Carrure large dans sa chemise bleu clair, regard souvent fixé sur la cour, sous son large front, tête ronde aux cheveux rasés.

C'est un premier soulagement mardi, lorsqu'il apparaît devant la cour. Il est mutique depuis son arrestation: certains, parmi les familles et proches des victimes, craignaient qu'il ne refuse d'assister à son procès. Les nombreuses parties civiles remplissent une majeure partie de la petite salle d'audience.

Cet ingénieur de formation encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour les assassinats, en 2021, d'une cadre de Pôle Emploi dans l'ancienne agence où il était inscrit, et de deux responsables des ressources humaines qui avaient participé à ses licenciements plus d'une décennie auparavant. Il semble qu'il avait depuis nourri, au fil de ses échecs professionnels, un sentiment d'injustice.

Sa première prise de parole, mardi, donne le ton: "ah bah oui je souhaite réagir".

Il dénonce les "mensonges, dans la continuité des faits dont (il a) été victime". Il n'hésite pas à ordonner à l'avocat général Laurent de Caigny de se lever, interroge, ironiquement, le président de la cour: "Vous savez ce que c'est le CSM, le conseil supérieur de la magistrature?".

Les témoins interrogés, proches et amis pour la plupart quasi perdus de vue au fil des années - à l'exception de sa mère -, les enquêteurs et l'expert psychiatrique, confirment les impressions laissées par les prises de parole déroutantes de Gabriel Fortin.

"Personnalité paranoïaque", "parfois un peu ironique et un peu arrogant", "extrêmement difficile d'accès", décrit l'expert psychiatrique, qui a finalement renoncé à l'interroger après une demi-heure de face à face silencieux.

A la parole, Gabriel Fortin préfère l'écriture. Il noircit depuis des années des pages et des pages, informatiques et manuscrites, y compris en prison - il est détenu à l'isolement depuis son interpellation.

- Organisation minutieuse -

Evoquée superficiellement au cours de l'enquête de personnalité, cette documentation offre une fenêtre sur l'organisation minutieuse de "GF" - comme il se nomme souvent lui-même-, sur les surveillances et repérages visant ses futures victimes.

Vendredi, la cour s'apprête à véritablement se plonger dans l'examen des faits. Le président demande à Gabriel Fortin s'il veut s'exprimer. "Rien à dire", lance l'accusé, avant de lâcher en se rasseyant: "Je les conteste".

"C'est la première fois qu'il s'exprime sur les faits en eux-mêmes, et il a indiqué qu'il ne voulait pas parler mais qu'il les contestait. C'est nouveau et à la fois pas nouveau puisqu'il ne parlait pas, et quand on ne parle pas on ne reconnaît pas les faits", note Me Sophie Pujol, qui représente la famille d'Estelle Luce, une des victimes alsaciennes.

C'est par l'assassinat de cette dernière, dans le Haut-Rhin, que la cour commence à retracer le parcours meurtrier qui s'est poursuivi à 500 kilomètres de là, vers la Drôme.

Sur le parking d'une petite société de Wolfgantzen (Haut-Rhin), le 26 janvier 2021 peu après 18H00, Estelle Luce, 39 ans, est retrouvée au volant de sa voiture, ceinture attachée, moteur encore allumé, la musique joue à la radio. Ses collègues ont tenté en vain de lui porter secours. Elle a reçu trois balles au niveau de la tête, une au niveau du thorax.

A Valence, le 28 janvier au matin, une conseillère Pôle emploi est abattue dans l'agence où elle travaillait. Puis à quelques kilomètres, de l'autre côté du Rhône à Guilherand-Granges (Ardèche), Géraldine Caclin, qui avait signé une douzaine d'années plus tôt la lettre de licenciement de Gabriel Fortin, est tuée au sein de son entreprise.

Ce dernier est interpellé quelques minutes plus tard au volant d'une voiture de location, repérée par un témoin à Valence.

Le procès doit durer trois semaines, avec un verdict attendu le 30 juin.

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