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C’est une page d’histoire que les députés ont voulu refermer, lundi 3 juin, en adoptant à l’unanimité une proposition de loi visant à élever Alfred Dreyfus au rang de général de brigade. Ce texte, porté par le Premier ministre Gabriel Attal et adopté par les 197 députés présents, se veut un geste fort de reconnaissance, 130 ans après la condamnation injuste du capitaine.
Un rattrapage symbolique
« Par notre vote, la République va réparer une erreur », a déclaré le rapporteur Charles Sitzenstuhl (Renaissance), rappelant que la loi de 1906, bien qu’ayant innocenté Alfred Dreyfus, ne lui avait pas rendu le grade auquel il avait droit. À l’époque, Dreyfus avait été nommé chef d’escadron avec effet immédiat, une décision qui avait effacé cinq années d’avancement de carrière. Malgré ses demandes, cette injustice ne fut jamais réparée de son vivant.
La mesure adoptée lundi devra encore être examinée par le Sénat. Elle a reçu un large soutien transpartisan, salué par la ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants, Patricia Mirallès, qui a souligné son importance dans un contexte de recrudescence des actes antisémites.
Un geste fort
Ce vote intervient alors que plusieurs lieux liés à la mémoire juive, dont le Mémorial de la Shoah, ont été vandalisés le week-end dernier. Les présidents de l’Assemblée et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, se sont rendus au Mémorial lundi pour marquer leur solidarité.
Le symbole de Dreyfus, victime d’une machination antisémite en 1894 et envoyée à tort en exil sur l’île du Diable, reste puissant dans l’histoire républicaine. Son acquittement en 1906 n’avait pas effacé toutes les blessures, et son combat pour la justice résonne encore aujourd’hui.
Un consensus rare
Les différents groupes parlementaires ont apporté leur soutien, chacun rappelant l’importance de ce geste pour la mémoire collective. Thierry Tesson (RN) a souligné la nécessité de rappeler que l’antisémitisme « peut sans cesse renaître sous des traits nouveaux ». Gabriel Amard (LFI) lui a répondu sur un ton plus polémique, reprochant à certains leur « opportunisme mémoriel » et affirmant : « Dans ma famille, on descend des dreyfusards, pas dans la vôtre. »
Dans ma famille, on descend des dreyfusards, pas dans la vôtre
Le député PS Aurélien Rousseau est allé plus loin, proposant qu’Alfred Dreyfus et son épouse soient un jour accueillis au Panthéon. Pour l’heure, l’Élysée privilégie la valorisation des « valeurs du dreyfusisme » dans le débat public et l’éducation.
Une absence remarquée
Seul bémol dans cet élan d’unité : l’absence du groupe MoDem, qui a dénoncé une tentative de « récupération mémorielle » dans une tribune publiée dans Le Figaro. Une position isolée, dans un moment perçu comme un aboutissement historique.
Avec ce vote, la République franchit un cap symbolique. Elle affirme, plus d’un siècle après les faits, que l’affaire Dreyfus ne relève pas seulement de l’histoire, mais d’un combat toujours d’actualité pour la justice et contre l’antisémitisme.



















