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Après plus de 30 ans dans la musique classique, la contrebassiste britannique Chi-Chi Nwanoku a fini par dire à voix haute ce qui la taraudait depuis longtemps: pourquoi était-elle la seule musicienne noire sur scène ?
"Pourquoi n'ai-je interrogé personne? Pourquoi n'en avons- nous jamais parlé? Est-ce que j'étais juste tolérée ou les gens s'en fichaient et préféraient le statu quo?" sur la place des personnes noires, s'interroge cette femme britannique dans un entretien avec l'AFP à New York.
En 2015, Nwanoku prend le taureau par les cornes pour mettre sur pied un orchestre de musique classique plus divers, des musiciens aux chefs d'orchestre, dans un milieu traditionnellement dominé par les personnes blanches.
Elle a fondé Chineke!, le premier orchestre européen majoritairement noir, lequel se produit cette semaine au très prestigieux Lincoln Center de Manhattan dont la salle David Geffen abrite le Philharmonique de New York, le "Phil".
La pandémie de Covid a obligé l'orchestre à repoussé maintes fois sa tournée nord-américaine aux Etats-Unis et au Canada, à New York, Ottawa, Toronto, Boston, Worcester et Ann Arbor.
Dans la mégapole culturelle et économique américaine, Chineke! joue une symphonie composée par la pianiste américaine Florence Price (1887-1953) ainsi qu'un concerto de Mozart pour clarinette avec le premier clarinettiste du "Phil", Anthony McGill.
- Meilleure représentation -
Ce qu'est parvenu à réaliser Chineke! à Londres fait écho à ce qui a été déjà fait de ce côté de l'Atlantique avec l'organisation Sphinx de Detroit qui promeut une meilleure représentation des artistes noirs et hispaniques dans la musique classique.
En 2014, le syndicat des orchestres symphoniques professionnels et amateurs américains soulignait que seulement 1,4% de leurs musiciens étaient des Afro-Américains et personnes noires.
"Comme la grande majorité des orchestres américains manquent de transparence sur leurs statistiques raciales et ethniques, nous ne connaissons pas le pourcentage d'artistes noirs aujourd'hui", déplore le réseau des orchestres noirs, un collectif de musiciens de 40 formations lancé en 2022.
Il note toutefois "de petites avancées significatives".
Pour Nwanoku, "il semble que les seuls collègues de couleur qui gagnent leur place dans un orchestre dans ce pays sont celles et ceux qui sont exceptionnels".
Pour les personnes noires, "il faut être bien meilleures (que les blancs, NDLR) pour décrocher un job", critique la Britannique.
Alors que l'effet sur la jeune génération est immédiat: voir plus de diversité sur scène "ouvre immédiatement des portes", pense-t-elle.
"C'est la plus belle récompense que de se sentir représentée sur scène", s'enthousiasme la musicienne entre deux répétitions à New York.
"Quand on voit quelqu'un qui nous ressemble n'importe où -- au supermarché, à la gare, au concert, au cinéma -- on se sent immédiatement en confiance pour y aller!".
"On est ce qu'on voit", conclut la contrebassiste britannique.