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Comptant sur le "bon sens" des Français et assumant une "vérité qui fâche", Emmanuel Macron a défendu mardi depuis le marché de Rungis le recul de l'âge de départ à la retraite et amorcé un "débat sur le travail".
Le chef de l'Etat est arrivé aux aurores, mais avec une demi-heure de retard, à son rendez-vous avec les "Français qui travaillent tôt", dans le plus grand marché de produits frais au monde, en banlieue parisienne.
Il a ensuite arpenté pendant quatre heures les pavillons des carcasses, des volailles, des tripes et du fromage, parfois interpellé sur sa réforme très contestée des retraites. Une mise en jambes avant le Salon de l'agriculture qui l'attend samedi, au terme d'une semaine qui aura marqué son retour au contact des Français pour la première fois depuis le lancement du projet gouvernemental.
Vêtu d'une doudoune blanche, Emmanuel Macron a défendu le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ, au nom de la sauvegarde d'un système qui est un "trésor" et constitue "le patrimoine de ceux qui n'en ont pas".
"Tout le monde a du bon sens", a-t-il plaidé devant la presse. "Ce n'est pas vrai de dire qu'on peut garder les mêmes âges" de départ, "ça ne marche pas", a-t-il ajouté.
"On sait tous que, vivant plus âgés, il n'y a pas de miracle: si on veut préserver un système par répartition, il faut qu'on travaille plus longtemps", a encore plaidé le président. Et "si c'est un mensonge qui rassure, je préfère la vérité qui fâche", a-t-il lancé.
"C’est le bon sens qui fait refuser aux Français cette réforme brutale et injuste", a réagi dans la foulée le patron des députés socialistes Boris Vallaud.
Alors que la finalité de sa réforme a pu varier dans la communication gouvernementale, M. Macron a réaffirmé que le report de l'âge doit permettre "de créer plus de richesses pour le pays", ce qui contribuera à financer l'éducation ou la santé.
"La classe moyenne, on est en train de plonger", lui lance un professionnel, tandis que d'un autre évoque les "douleurs" liées à la pénibilité de son travail.
Le chef de l'Etat répond tenir compte "des différences", et tente d'expliquer les dispositifs de retraite plus précoce ou de reconversion.
Jusqu'ici en retrait, Emmanuel Macron a pris garde de ne pas critiquer les manifestants qui ont défilé en masse contre son projet phare, ou les députés qui ont débattu dans le chaos. Il a sobrement appelé au "calme" et au "respect" avant la grande journée d'action du 7 mars, une "mobilisation légitime" mais qui doit réserver "la possibilité à chacun et chacune de continuer à travailler et à vivre".
Avec cette figure imposée de Rungis, le clin d'oeil était clair à "la France qui se lève tôt", leitmotiv de Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007.
"J'assume toutes les comparaisons avec mes prédécesseurs. Le président Sarkozy est venu ici quand il faisait campagne. Le président Chirac aimait la tête de veau. Le président Hollande est venu aussi à plusieurs reprises", a dit Emmanuel Macron.
C'était aussi pour lui l'occasion de mettre au centre de sa communication la "valeur travail", décrite comme un fil conducteur de son action. "C'est un message de reconnaissance devant toutes celles et ceux qui permettent à la France de tourner, de vivre", a-t-il salué.
- "Trop de social" ? -
"Moi je crois dans le travail", a martelé le président à plusieurs reprises, "toutes les réformes que l'on fait vont dans ce sens-là".
Entre deux étals, un professionnel de la découpe du veau s'est plaint de la pénurie de main d'oeuvre, estimant qu'il y avait "trop de social". "Les gens, ils dorment, ils ne veulent pas se lever à 02h00 du matin", a grincé le boucher, provoquant une discussion avec la députée Insoumise Rachel Keke, présente dans la délégation.
"Je ne crois pas qu'il faille moins de social: il faut que le travail continue à payer davantage", lui a répondu le chef de l'Etat, avant d'affirmer que "le vrai débat que l'on doit avoir dans notre société c'est un débat sur le travail".
Ces derniers jours, l'exécutif a esquissé ce débat, à la recherche une sortie par le haut des tensions autour des retraites. Lundi, la Première ministre Elisabeth Borne avait fait valoir qu'il fallait "améliorer la qualité de vie au travail et trouver les conditions du +bon emploi+".
Quant à l'inflation, autre sujet d'interpellation à Rungis, Emmanuel Macron a estimé que "le pic" était attendu "ce semestre". Et il a mis la pression sur certains grands producteurs de carburant, comme Total, pour qu'il fassent un nouveau "geste" sur les prix.