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Près de Paris, bataille contre la reconstruction du plus grand incinérateur d'Europe

"Inutile" et "dangereux" pour les habitants et associations environnementales, mais "d'intérêt général" pour les autorités : la contestation, d'abord citoyenne, de la reconstruction à Ivry-sur-Seine du plus grand incinérateur d'Europe, se joue désormais sur la scène politique et judiciaire, quinze ans après les premières consultations.

Début juin, dans un énième rebondissement, la préfecture du Val-de-Marne a annoncé saisir la justice pour demander l'annulation d'un scrutin organisé par la mairie, qui prend la forme de la question suivante : "Êtes-vous pour ou contre le projet de reconstruction du centre de traitement de déchets ?"

La contre-attaque du maire PCF de la ville, Philippe Bouyssou, a été immédiate. L'édile a, à son tour, indiqué saisir la justice en urgence pour demander le maintien du scrutin, prévu le 29 juin.

"Cette consultation est une action symbolique pour donner la parole aux habitants", explique l'édile à l'AFP, qualifiant la décision du préfet d'"inacceptable".

Porté par le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (Syctom), qui regroupe 84 communes d'Ile-de-France, ce projet, dont le coût avoisine les 2 milliards d'euros, comporte deux volets : la reconstruction d'une usine d’incinération, dont l'actuelle, construite en 1969, arrive en fin de vie, et la création d'une usine de valorisation organique (UVO), projet encore en gestation.

L'actuel incinérateur, qui brûle les déchets de 15 communes dont Paris, soit l'équivalent de 730.000 tonnes d'ordures par an, est le plus grand d'Europe. Le futur incinérateur, lui, aura une capacité réduite de moitié, soit 350.000 tonnes.

"Un pari ambitieux mais réaliste", se félicite le Syctom, qui table sur une baisse progressive des déchets franciliens.

"Insuffisant!" objectent les associations environnementales, pour qui ce projet "démesuré" est en décalage avec la loi de transition énergétique, qui demande 65% de recyclage d'ici 2025.

- 75% recyclables -

"On fait le choix d’investir dans une technologie passée et controversée alors qu'on pourrait mettre cet argent dans la prévention et le recyclage", tempête Anne Connan du collectif 3 R, pour qui actuellement, "75% du contenu de notre poubelle envoyé à l'incinérateur est recyclable".

Même constat chez les habitants, mobilisés dès les premières heures contre ce projet. En 2017, une pétition citoyenne avait récolté plus de 27.000 signatures. "J'ai deux enfants dont l'un est asthmatique. Donc la pollution de l'air, j'y pense tous les jours et ce projet m'angoisse", dit Sandra, une habitante.

"Je suis à 100% contre le projet mais ce qui me chiffonne le plus, c'est la méthode. On ne nous a jamais demandé notre avis et lorsqu'on ose émettre des doutes, on nous culpabilise et nous infantilise en nous disant qu'il faut être responsable et que les déchets ne vont pas disparaître comme par magie", fustige Eric, 33 ans, qui a grandi dans la ville.

Faux, rétorque la préfecture, qui rappelle qu'une enquête publique, menée l'année dernière, avait recueilli près de 2.000 observations. Et de souligner que les premières concertations remontent à l'année 2004 et que le projet a définitivement été validé à l'automne.

Pas de quoi décourager le collectif local 3 R et l'association Zéro Waste France qui ont décidé de poursuivre le combat devant les tribunaux. Au total, trois recours ont été déposés et devraient être jugés l'année prochaine.

Mais pour Pierre Hirtzberger, directeur général des services techniques du Syctom, le projet "d'incinérateur demeure plus que jamais indispensable pour assurer le bon fonctionnement du service public des déchets".

Selon des chiffres de l'Observatoire régional des déchets d'Ile-de-France (ORDIF), la quantité de déchets par habitant sur territoire du Syctom est actuellement de 328 kilos, contre 261 pour le reste de la France. Mais, précise l'organisme, ces déchets sont "en grande majorité" recyclables.

De quoi relancer un débat qui continue de déchaîner les passions. Dernier exemple en date : le revirement du maire, qui a toujours été favorable à la reconstruction de l'usine d'incinération, mais qui appelle dorénavant à voter non à la consultation citoyenne.

"Pendant qu'on tergiverse, déplore Eric, l'incinérateur est en cours de construction et il sera bientôt trop tard".

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