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Rares images de Marioupol, ville ravagée par la guerre en Ukraine: "Je vis dans un bain public", témoigne Vladimir

Les autorités ukrainiennes se s'inquiètent d'une aggravation de la situation dans le port assiégé de Marioupol, où au moins 5.000 personnes auraient déjà péri, tandis que de nouveaux pourparlers entre négociateurs russes et ukrainiens se préparent à Istanbul.

Selon une conseillère de la présidence ukrainienne, Tetyana Lomakina, "environ 5.000 personnes ont été enterrées, mais les gens ne sont plus enterrés depuis dix jours à cause des bombardements continus". Elle a estimé qu'"au vu du nombre des personnes encore sous les décombres (...), il pourrait y avoir autour de 10.000 morts".

Plus d'un mois après le début de l'invasion russe, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait dénoncé dimanche un blocus total de cette cité portuaire stratégique sur la mer d'Azov, dont l'armée russe tente de s'emparer depuis fin février, et où environ 160.000 personnes sont toujours coincées, selon son maire Vadim Boïtchenko "Toutes les entrées et sorties de la ville sont bloquées (...), il est impossible de faire entrer à Marioupol des vivres et des médicaments", a affirmé dimanche soir M. Zelensky, accusant les forces russes de bombarder les convois d'aide humanitaire.

Vladimir, pensionné, est l'un des témoins de ce chaos sur place. "Il ne reste rien", affirme-t-il, face au paysage de ruines. "Je vous le dis, je vis dans un bain public. J'ai une petite maison et un poêle. Et c'est tout. Il n'y a pas de toit, il n'y a rien."

Genady, cordonnier, n'a plus rien. "J'ai fièrement travaillé comme cordonnier pendant 37 ans, et je me suis retrouvé sans rien. Pas d'atelier, pas de travail, rien. D'une manière ou d'une autre, je dois tenir le coup. Que faire d'autre ? Je dois le faire."

Irina, quant à elle, est designer. Chez elle, tout est complètement détruit. "Nous avons eu une belle vie, juste magnifique ! Excellentes pensions, les enfants avaient un travail formidable. Mes deux gendres ont travaillé à l'usine métallurgique. Maintenant, nous n'avons rien. Nous nous retrouvons sans abri. Ils ont tout cassé. Nous n'avons nulle part où aller."

Des crimes de guerre multiples, selon Amnesty International

Et avec l'annonce vendredi par Moscou d'"une concentration de ses efforts sur la libération" du Donbass, un conseiller de la présidence ukrainienne a dit redouter une "aggravation" de la situation dans cette ville située au sud de ce bassin minier.

Des médias russes ont affirmé lundi que le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, un proche de Vladimir Poutine, s'était rendu à Marioupol pour galvaniser ses troupes qui participent à l'assaut. En outre, l'Ukraine a annoncé avoir des "preuves" de l'utilisation par les forces russes de bombes à sous-munitions, des armes interdites par les conventions internationales, dans deux régions du sud de son territoire, celles d'Odessa et de Kherson. "Ce qui se passe en Ukraine est la répétition de ce qu'on a pu voir en Syrie", a déclaré à l'AFP la secrétaire générale d'Amnesty international Agnès Callamard, lors de la présentation mardi à Johannesburg de son rapport 2021-2022. "Nous sommes dans des attaques intentionnelles d'infrastructures civiles, d'habitations", des bombardements d'écoles, a-t-elle fustigé, accusant la Russie de permettre des couloirs humanitaires pour les transformer en un "piège mortel".

Irpin "libérée"

L'Ukraine a annoncé lundi soir qu'Irpin, théâtre de féroces combats dans la banlieue de Kiev, avait été "libérée" des forces russes. "Les occupants sont repoussés d'Irpin, repoussés de Kiev. Cependant, il est trop tôt pour parler de sécurité dans cette partie de notre région. Les combats continuent. Les troupes russes contrôlent le nord de la région de Kiev, disposent de ressources et de main-d'œuvre", a déclaré M. Zelensky dans une vidéo lundi soir.

Dans les régions de Tchernigiv, Soumy, Kharkiv, du Donbass, et dans le sud de l'Ukraine, "la situation reste partout tendue, très difficile", a-t-il souligné. D'autres combats se déroulaient par ailleurs dans plusieurs localités autour de la capitale. "L'ennemi tente d'effectuer une percée autour de Kiev et de bloquer les routes", a affirmé Ganna Malyar, vice-ministre de la Défense, à la télévision ukrainienne, soulignant que "la défense de Kiev" se poursuivait.

Des combats acharnés se déroulaient aussi dans l'est. A la périphérie nord-est de Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, proche de la frontière russe, Saltivka, quartier populaire de hautes barres d'immeubles pilonné quasi-quotidiennement par l'armée russe, n'est plus qu'une cité désertée balayée par les vents où ne survivent, terrés dans les caves, qu'une poignée de vieillards traumatisés, selon des journalistes de l'AFP.

Dans l'Est du pays sont aussi déployés des mercenaires russes du groupe Wagner, a indiqué lundi le ministère britannique de la Défense qui estime que plus de 1.000 combattants de la sulfureuse société paramilitaire pourraient être amenés à combattre dans le pays. Les soldats ukrainiens ont repris le contrôle de Mala Rogan, un petit village à environ quatre kilomètres à l'est de Kharkiv, a constaté l'AFP, qui a vu deux corps de soldats russes gisant dans une allée et plusieurs blindés russes détruits.

Dans le sud, l'étau russe semblait aussi se desserrer autour de certaines villes, comme Mykolaïv, une ville-verrou sur la route d'Odessa, le plus grand port d'Ukraine, dont les habitants semblaient retrouver un peu d'espoir, après des semaines terribles pendant lesquelles l'armée russe a tenté en vain de prendre leur cité. "L'ennemi est affaibli, désorienté, la plupart n'a plus de soutien logistique et se trouve coupé du gros des troupes", a affirmé l'état-major ukrainien en début de nuit mardi.

Le front a même sensiblement reculé, avec une contre-offensive ukrainienne sur Kherson, à quelque 80 km au sud-est, seule ville d'importance dont l'armée russe ait revendiqué la prise totale depuis le 24 février.

La défenseure des droits ukrainienne Lyudmyla Denysova a appelé sur Facebook dans la nuit de lundi à mardi la communauté internationale à prendre "toutes les mesures possibles" pour faire partir les troupes russes des alentours de la centrale nucléaire désaffectée de Tchernobyl. "En utilisant des centrales nucléaires comme abri et comme moyen d'influer sur le cours de la guerre, les troupes de la Fédération de Russie mettent délibérément en danger toute l'Europe", a-t-elle affirmé, évoquant le risque d'explosion de munitions pendant le transport et les manipulations.

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