"Je trie tout et je ne vais pas passer mon temps à me balader dans les rues pour trouver un endroit où cacher mes déchets", dit-elle, après avoir contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous.
"Je me sens harcelée, c'est n'importe quoi. Je dois me justifier tout ça parce que je n'ai pas de déchets. On me menace d'une amende, si je ne me justifie pas. Je suis hors de moi. C’est à eux de voir si c’est vrai. Ce n’est pas à moi de me justifier. On fait de notre possible et c’est très désagréable. C’est de l’injustice, c’est insupportable. J’ai tout trié, j’ai un compost dans mon jardin, je fais de mon mieux. Je n'ai pas de déchets parce que je trie tout simplement", insiste-t-elle.
Une lettre remet en question son tri de ses déchets
Mais quel est ce courrier de la commune liégeoise qui a mis Marie-Chantale en colère? Voici son contenu:
"Après vérification, nous constatons que vous n’utilisez pas ou très peu le(s) conteneur(s) dont vous êtes titulaire. Dans ce contexte, la question se pose inévitablement de savoir comment vous procédez à l’évacuation régulière de vos déchets. Afin de répondre à cette question, nous vous demandons de bien vouloir prendre contact avec le service de l’environnement par téléphone.
Pour rappel, vous payez un service minimum (taxe annuelle) qui comprend, sans aucun supplément : un quota de 55kg par habitant et par an pour les déchets résiduels, un quota de 60 kg par habitant et par an pour les déchets organiques, un quota de 30 levées par an.
Nous vous rappelons que tout abandon de déchets constitue une infraction et est passible d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 350 euros, outre le coût réel de l’enlèvement du dépôt par les services communaux."
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Si Marie-Chantale a mal accueilli ce courrier, elle peut être rassurée, elle ne recevra pas d'amende. Elle nous a dit quelques jours plus tard avoir eu une discussion constructive (dont elle n'a pas souhaité dévoiler le contenu) avec la commune d'Ans. Cette dernière nous explique que cette lettre fait partie d'une campagne de sensibilisation.
C'est la première fois que ce courrier est utilisé
"C’est la première fois que ce courrier spécifique est utilisé dans le cadre de ladite campagne. 1300 courriers ont été envoyés et plus ou moins 750 réponses nous ont été adressées", précisent les autorités. "Dans certains endroits de la Ville, les déchets clandestins sont récurrents. Nous avons donc décidé d’envoyer une lettre aux citoyens ne produisant pas plus de 5kg/an/habitant de déchets ménagers résiduels (feuille d’aluminium, emballage composé de deux matières inséparables, poussières d’aspirateur, vieux objets cassés / usés qui ne vont pas dans une fraction recyclable des écoparcs… à mettre dans les conteneurs noirs) afin de nous expliquer, comment ils évacuaient ce type de déchet."
"Certains sont les champions du tri", reconnait la commune
La Ville, qui n'a pas commenté la situation de Marie-Chantale, dit avoir tiré de "riches enseignements" de cette action menée auprès de ses habitants.
"Certains sont les champions du tri et doivent être félicités. Trier efficacement est possible", souligne-t-elle. "D’autres expliquent par contre utiliser, par exemple, les poubelles publiques, y compris pour les déchets organiques. Cette pratique doit cesser car les poubelles publiques ne sont évidemment pas destinées à recevoir les déchets organiques ou résiduels des ménages. Des situations particulières ont pu être régularisées. Des nouveaux habitants découvrent la formule du tri et doivent s’y adapter…"
Des amendes sont-elles parfois données ? La commune répond qu'il n’y aura pas d’amende suite à ce courrier car ce n’est pas son objectif. "Toutefois, régulièrement les agents constatateurs en environnement sont envoyés sur les lieux de dépôts clandestins afin de fouiller les sacs, trouver des preuves et identifier les personnes à l’origine de cet acte. Un PV n’est adressé qu’aux personnes clairement identifiées dans le respect de la loi sur les sanctions administratives."
Comment fonctionnent les poubelles à puces à Ans? Depuis le 1er janvier 2021, la Ville est donc passée au système des conteneurs à puce et il existe deux conteneurs différents.
- Un conteneur de couleur noire destiné aux déchets ménagers résiduels (DMR) : on y dépose les déchets qu’on ne sait pas trier (feuille d’aluminium, emballage composé de deux matières inséparables, poussières d’aspirateur, vieux objets cassés/usés qui ne vont pas dans une fraction recyclable des écoparcs…)
Lorsqu’il y a une plus grande concentration d’immeubles à appartements : des conteneurs collectifs enterrés (CCE) ont été installés. Les citoyens ont reçu un badge à la place du conteneur noir.
- Un conteneur vert destiné aux déchets organiques : déchets de cuisine, mouchoirs, serviettes en papier, carton souillé (ex carton de pizza),…
Un quota de kilos et de levées est par ailleurs prévu dans la taxe socle de la commune: DMR (55kg/an/habitant), Organique: 60kg/an/habitant, 30 levées par an pour les deux conteneurs. Pour les personnes utilisant un Conteneur Collectif Enterré (CCE) seul les kilos sont pris en compte.
La taxe socle comprend également le ramassage des sacs bleus, des papiers/cartons, l’accès aux bulles à verre, aux bulles à vêtements et à l’écoparc.
Ans organise également, chaque année, par quinzaine, le ramassage gratuit des déchets verts entre avril et novembre tandis que le ramassage des encombrants est confié à la Ressourcerie, entreprise de réinsertion par le travail. Les cinq premiers mètres cubes d’encombrants annuel/habitant sont ramassés gratuitement.
Presque moitié moins de déchets par personne dans les communes avec des poubelles à puce
En août 2022, nous avions fait le point sur l'impact de l'utilisation des poubelles à puces en Wallonie. Cela fait maintenant 17 ans qu'elles sont apparues. Actuellement, presque une commune sur deux les utilisent pour favoriser le tri des déchets. Ces poubelles mesurent exactement le poids. Le camion la pèse donc avant d'en récolter le contenu et le ménage paye selon sa production. Cela pousse donc les habitants à mieux trier leurs déchets via les sacs PMC ou les déchets organiques via les sacs ou d’autres poubelles à puces.
Une forte diminution globale des déchets
Dans le Brabant Wallon, par exemple, 8 des 19 communes ont mis en place ces poubelles à puce. La première, c'était Chastre en 2016. "On est passé de 135 kg de déchets par personne à 74 kg par personne", expliquait Jean-Marie Thiry, échevin de l'environnement. Son homologue de Grez-Doiceau avait partagé ce bilan. "De 140 kg à un peu moins de 90 kg", indiquait Laurent Francis.
Ce système permet à la commune de repérer les ménages qui produisent le plus de déchets. "Et d'être proche du système du pollueur-payeur", insistait l'échevin. "On a envoyé un message à ces ménages pour leur faire comprendre qu'ils partaient haut dans les quantités. Mais certains en ont quand même eu pour 500 ou 600 euros en plus par an que la taxe de base."
Plus compliqué dans les grandes communes
Dans la plus grande commune d'Ottignies Louvain-la-Neuve, l'application était un peu plus compliquée mais ce n'est pas le seul problème. "On regarde dans les autres communes où la taxation directe a augmenté", déclarait Philippe Delvaux, échevin de l'environnement. "On trouve que dans la situation économique actuelle c'est un peu compliqué d'augmenté la taxe déchets." Laurent Francis de Grez-Doiceau ne partageait pas cet avis mais "évidemment pour les ménages qui produisent en général moins, le forfait est probablement un peu plus haut que leur nécessité."
Autre conséquence négative dans d'autres communes, il y a plus de dépôts clandestins pour éviter de payer.
En chiffres (août 2022):
Sur les 262 communes wallonnes, 127 avaient recours l’an dernier aux poubelles à puce pour collecter les déchets (48%) soit quasiment une sur deux.
- 115 communes sur les 223 de moins de 20 000 habitants.
- 11 communes sur les 30 qui comptent entre 20 000 et 50 000 habitants.
- Et seulement 1 sur 9 de + de 50.000 habitants : Seraing
La répartition par provinces :
- 53 en province de Liège
- 30 en province de Namur
- 9 dans la région de Charleroi (TIBI)
- 8 en Brabant wallon
- 27 en province de Luxembourg
"Reine du zéro déchet", Marie-Paule a reçu un étonnant courrier de la commune de Rixensart: "J'étais sur mon derrière" :