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Le devis d'Éric pour son nouveau toit passe de 26.500€ à 40.000€ en un an: il veut tout annuler et récupérer son acompte, mais...

Depuis plusieurs mois, les prix augmentent, et tous les secteurs sont touchés, nous en parlons régulièrement. Celui de la construction ne fait pas exception. En cause : le coût des matériaux, qui atteint des prix records, ainsi que la difficulté à trouver des matières premières. Plusieurs sociétés de construction revoient alors leurs tarifs à la hausse. Une différence de prix qui se répercute directement sur les devis. Beaucoup de clients doivent revoir leurs projets. C’est le cas d'Éric, jeune papa de 36 ans. En quelques mois, son devis a doublé. Dans l'incapacité de payer, il essaie de se rétracter et de récupérer son acompte. Mais pas de réponse du côté de la société de toiture. Une situation intenable, qu’il a tenu à dénoncer via le bouton orange Alertez-nous.

Il y a un an, Éric (prénom d'emprunt) était encore un jeune papa avec des rêves plein la tête pour sa famille. L’un de ses premiers projets : investir dans l’achat d’un bâtiment. Mais avant de pouvoir se projeter, il doit encore effectuer quelques travaux de toitures : "Une partie de la maison était dans un état insalubre. Ce n’était pas un luxe, ces travaux. J’en avais besoin". Il établit alors un devis avec une société : "Le patron m’a fait un devis à hauteur de 26.500€ pour la totalité de ma toiture. J’ai aussi versé un acompte de 5.300€. Je leur faisais confiance. Pour moi, tout avait l’air de rouler."

Pour pouvoir entamer ses travaux, Éric doit alors d’abord demander un permis d’urbanisme à la commune. En général, la procédure prend du temps. Dans le cas d'Éric, l’attente a duré plus d’un an. Entre temps, plusieurs éléments ont changé : "Je suis passé au chômage du jour au lendemain à cause d’une restructuration dans mon entreprise. Même si j’ai quelques économies pour m’en sortir, j’ai tout naturellement commencé à regarder de plus près mes dépenses. Avec la naissance de mon enfant, j’ai dû revoir beaucoup de choses."

On m’avait promis que la différence n’allait pas dépasser 1500€

Après l’obtention de son permis, Éric s’empresse alors de contacter la société qui gère ses travaux : "J’appelle pendant une semaine, je laisse des sms, et pas de nouvelles. Quand ils décrochent enfin, le patron me prévient que les matériaux ont augmenté depuis la période où on a fait le devis. Je n’ai pas vraiment réalisé sur le moment et je lui dis qu’il n’y avait pas de soucis s’il souhaitait recalculer le devis de baseOn m’avait promis que la différence n’allait pas dépasser 1500 euros".   

Après une réunion avec un employé de la société pour analyser la situation, Éric doit alors attendre d’avoir une estimation. Mais il sent très vite que la situation commence à lui échapper : "J’ai dû le rappeler à plusieurs reprises après notre entrevue pour qu’il m’envoie enfin le devis final. Quand j’ai vu la somme, j’ai vite déchanté. Je ne peux tout simplement pas suivre. Je me suis demandé comment il avait fait pour monter à 40.000 euros. Ça m’a directement freiné. J’ai voulu voir le détail pour savoir quelle était la différence entre les coûts de la marchandise et de la main d’œuvre. Mais les calculs ne tenaient pas la route."

Éric prend donc la décision de ne pas accepter le nouveau devis proposé par la société et compte bien récupérer son acompte de 5.300 euros : "Dans ma situation, je ne peux pas fermer les yeux sur cette somme. Je n’ai même pas de quoi réparer ma voiture qui est tombée en panne. Je leur ai donc demandé de me rembourser mon acompte. Au téléphone, on m’a laissé croire que c’était possible. J’ai voulu avoir du concret, je les ai rappelés. Et là, plus de nouvelles". 

Je n’en dors plus

Le jeune papa essaie donc de résilier son contrat par écrit via un mail : "Quand le patron m’a enfin répondu, c’était pour me dire de stopper tout contact avec lui et de passer par son avocat. J’ai essayé de le contacter mais encore une fois, silence radio.", déplore-t-il. "Je n’en dors plus. Si j’arrive à m’assoupir quatre heures c’est déjà bien. Tout ça tourne dans ma tête. Je suis pieds et mains liées parce que je n’ai pas de réponse, c’est surtout ça qui me rend malade". 

Est-ce réellement possible de se faire rembourser son acompte et de se rétracter après un devis ?

Gilles Conoy est un avocat spécialisé dans les droits de la construction. Pour lui, le cas d'Éric est un classique : "On a ce genre de questions tous les jours. La crise actuelle n’aide pas, et avec les augmentations de prix, on assiste de plus en plus à une multiplication de ce genre de problèmes."

D’après lui, il y a plusieurs étapes à suivre et plusieurs points à vérifier pour voir s’il est possible d’être en mesure de demander un remboursement. Dans le cas d'Éric, c’est l’augmentation du montant du devis qui fait défaut : "Dans un premier temps, il faut d’abord voir si la société est en mesure ou est en droit de modifier le devis. Pour cela, il faut voir si le contrat contient une clause de révision, d’indexation ou d’imprévision."

Si ces trois mentions ne sont pas clairement stipulées dans le contrat, l’entreprise est alors tenue par l’article 1793 de l’ancien code civil : "Cet article stipule que l’entrepreneur en charge des travaux ne peut plus apporter de modification au devis de base. Même si le prétexte avancé est l’augmentation de la main d’œuvre ou du prix des matériaux. Cela ne peut se faire qu’avec l’accord du propriétaire par écrit."

Or, dans le cas d'Éric, le contrat ne mentionne en aucun cas ces trois critères : "Aucune condition n’a été stipulée sur le 1er devis", nous indique-t-il.

Autre critère à prendre en compte : le laps de temps écoulé entre le premier devis et le deuxième devis, revu à la hausse. Si l’augmentation du montant vient d’un retard pris par l’entreprise, vous êtes en droit de refuser le nouveau devis. Et si vous aviez déjà versé un acompte, vous êtes alors en mesure d’obtenir un remboursement et de résilier votre contrat.

Pour Éric, l’augmentation de son devis est surtout liée à l’attente pour son permis d’urbanisme. Cela ne relève donc pas de la responsabilité de l’entreprise. Il ne peut pas faire valoir ce critère pour demander un remboursement. Il ne peut s’en tenir qu’aux clauses du contrat entre son couvreur et lui.

Augmentation des devis : une réalité pour le secteur de la construction

Les coûts qui augmentent sont la réalité d’autres entreprises en construction : "Cela vient principalement de la difficulté de trouver des fournisseurs et des matières premières. Par exemple en toiture, on n’arrive juste plus à trouver des tuiles à des prix corrects. Nos fournisseurs d’avant, qui avaient des tuiles à des prix abordables, sont en rupture de stock. On est maintenant obligé de nous tourner vers des fournisseurs qui ont des prix beaucoup plus élevés, mais qui ont de la marchandise. Il y a aussi les coûts de déplacement qui sont plus chers maintenant", nous confie David Theom, patron d’une entreprise de toiture. Tout cela influence donc les montants des devis : "Le fait que le devis de ce monsieur ait été augmenté ne m’étonne pas plus que ça."

En Belgique, l’indice des prix dans la construction a augmenté de 3,6% au troisième trimestre de l’année 2022 par rapport au trimestre précédent. Au total, l’inflation annuelle pour ce secteur s’élève à 14,7%. Les prix des matériaux en augmentation semblent avoir un impact sur les avances demandées par les sociétés de constructions. De plus en plus d’entreprises demandent des acomptes pour pouvoir déjà se procurer des matériaux pour les chantiers. Mais lorsqu’un acompte est versé, cela devient évidemment plus compliqué de se rétracter par la suite. Mieux vaut y réfléchir à deux fois.

Quant à Éric, il ne compte pas se laisser faire : "J’ai pris contact avec un avocat pour faire valoir mes droits. Au moment où je vous parle, je viens tout juste d’avoir un entretien avec lui. Il m’a rassuré, tout en me mettant en garde sur la difficulté de ce genre de procédure."

Pour connaître tous vos droits, le site www.buildyourhome.be peut être également consulté. Il regroupe quelques conseils pour les consommateurs et permet même de vérifier si un entrepreneur peut être considéré de bonne foi.

 

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