Accueil Actu Vos témoignages

L'OxyNorm, puissant antidouleur de Cécile, est en pénurie en Belgique, mais pas en France: peut-elle se fournir chez nos voisins ?

Souffrir, voilà le quotidien de Cécile. Cette Belge vit un enfer : l'OxyNorm, le médicament qu'elle utilise pour apaiser la douleur de ses problèmes de santé, est en rupture de stock. Les produits censés servir de substituts le sont également, pourtant ce n'est pas le cas en France. Nous avons enquêté. 

Cécile (52 ans) est une habitante de Namur. Elle souffre de problèmes de dos depuis plus de 30 ans. Elle s'est fait opérer 4 fois, mais rien n'y fait, les douleurs perdurent et empirent, au point de l'empêcher de vivre décemment. "On vient de me reconnaître avec un statut d’handicapée. L’état de mon dos, les douleurs que j’ai 24 heures sur 24 : rien ne les apaise. Je ne suis même plus opérable." Elle nous souffle que selon son chirurgien, tout a déjà été tenté, et une autre opération reviendrait à la "tuer sur la table".

Pour supporter ses problèmes de dos, Cécile prenait de l'OxyNorm 10mg, un puissant antalgique (un type d'anti-douleur) qui appartient à la famille des opioïdes forts. Problème : il est en pénurie depuis janvier, comme nous vous l'expliquions dans un article il y a quelques mois. Son médecin lui a donc prescrit un autre médicament : l'Oxycodon Sandoz.

Edition numérique des abonnés

Il existe cependant une différence fondamentale entre les deux médicaments. "L’OxyNorm c’est un médicament qui soulage instantanément. Le médecin traitant m’avait prescrit l'Oxycodon de 20mg, 3x par jour au motif que c’est à libération prolongée. Au lieu d’apaiser la douleur immédiatement, la douleur est apaisée au bout de 12h. Pour les personnes qui ont vraiment mal, comme moi, avec des douleurs chroniques, ça ne passe pas, c’est un traitement qui ne va pas", poursuit-elle. Une alternative qui n'était donc pas idéale pour Cécile, et elle n'est pas la seule dans ce cas. 

L'effet boule de neige

Et comme si cela ne suffisait pas, l'Oxycodon Sandoz est lui aussi tombé en pénurie à cause de l'augmentation de la demande. Son médecin lui a alors prescrit du Suboxone 2mg, un médicament qui la met "dans le gaz total", chose qu'elle "veut éviter". Elle s'est enfin vu prescrire du MS Total, un autre opiacé, qu'elle a du mal à se procurer puisque lui aussi est en rupture de stock !

Cécile pourrait se fournir en France, mais...

Cécile a une amie qui vit à Givet, au nord de la France. Cette dernière lui a affirmé que l'OxyNorm était disponible en pharmacie chez eux. Hélas, Cécile n'y a pas accès :"Je ne peux pas me fournir en France car c’est considéré comme stupéfiant, et ils n’ont pas les ordonnances électroniques comme chez nous. Si je donne une ordonnance électronique belge, ils ne savent pas la scanner."

Une solution serait d'aller chez un médecin français pour se faire prescrire le médicament. Cela ne marche pas aussi facilement :"Le médecin en France ne connaîtra pas mes pathologies, il ne me délivra pas d’ordonnance d’un tel médicament... On parle quand même de stupéfiant."

Pénurie locale ou globale ?

Afin de vérifier si l'OxyNorm était effectivement disponible en France, nous nous sommes rendus sur le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui recense les ruptures de stock dans l'industrie pharmaceutique française. L'OxyNorm et l'Oxycodon n'y figurent pas. Pour en avoir le cœur net, nous avons contacté l'ANSM, ainsi que plusieurs pharmacies françaises. Conclusion : ces médicaments ne sont pas en pénurie chez nos voisins français. 

La France a plus de producteurs

Alors comment expliquer qu'il y a une rupture de stock en Belgique mais pas en France ? Nous avons posé la question à David Gering, directeur de la communication chez Pharma.be, l'association générale de l'industrie du médicament. De manière générale, "un pays peut connaître une hausse des demandes comparé à un autre pays, et cela peut mener à une pénurie locale. Un pays comme la France a plus de producteurs/distributeurs de ce médicament que la Belgique. Autrement dit, si on a 3 producteurs ou 15, cela a une influence sur la quantité de médicaments qui est disponible, en règle générale", explique-t-il. 

L'avis du laboratoire

Mundipharma, le laboratoire qui produit ce médicament, a répondu à nos interrogations sur le cas particulier de l'OxyNorm. "Malheureusement, nous avons connu une rupture d'approvisionnement. Nos équipes travaillent d'arrache-pied pour régler ces problèmes et nous nous excusons sincèrement pour les perturbations subies."

Edition numérique des abonnés

La pénurie ne devrait pas durer :"Nous avons mis en place des plans pour atténuer l'impact et nous prévoyons que l'approvisionnement sera rétabli dans les deux prochains mois. Nous sommes en contact régulier avec les autorités sanitaires de tous les pays concernés pour les tenir informées de la situation."

Les pays ont des habitudes de commande différentes

Le laboratoire a ensuite expliqué pourquoi certains pays subissent la rupture de stock et pas d'autres :"Les pays ont des habitudes de commande différentes et, en fonction de la demande des patients dans chaque pays, les stocks s'épuiseront à des rythmes différents. Au niveau central, nous avons des contraintes d'approvisionnement pour OxyNorm, ce qui entraîne malheureusement ces fluctuations."

La justification politique

Afin d'y voir plus clair, nous avons joint Sandrine Daoud, la porte-parole du cabinet du ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke. Elle explique que "de façon globale, la situation dans les différents États membres européens n’est pas la même (taille du marché, prix, productions). Certaines firmes pharmaceutiques mettent donc le minimum nécessaire sur le marché, puis vendent leurs surplus aux pays voisins qui payent plus cher pour les avoir. De plus, il y a des grossistes qui exportent des médicaments destinés à la Belgique, vers des pays qui payent plus chers."

Pour contrer cette pratique, "depuis quelques mois, l’exportation de certains médicaments peut être soumise par une décision du ministre de la Santé publique à une autorisation préalable de la part de l’AFMPS (l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé, NLDR) en cas de pénurie en Belgique." affirme Sandrine Daoud.

Elle poursuit : "Cette soumission peut s’appliquer aux médicaments catalogués comme « indisponibles » pendant au moins un mois, qui sont urgents et nécessaires, qui ont un impact majeur sur la vie du patient et pour lesquels aucun autre médicament autorisé ayant le même effet thérapeutique n'est disponible."

Se tenir au courant

L'AFMPS a justement a mis en place un outil qui permet de suivre les éventuelles pénuries de médicaments : PharmaStatut.be 

Selon Ann Eeckhout, la porte-parole de l'AFMPS, "les firmes se doivent de notifier dès qu’il y a un problème. Ensuite, une alternative est proposée pour les médicaments manquants. Et quand ce n’est pas le cas, la pénurie est notifiée comme ayant un impact critique. C'est dans ce cas-là qu'un groupe d’experts se réunit afin de trouver des solutions". 

Sans impact critique

Elle ajoute que "la majorité des pénuries sont considérées comme ayant une alternative possible, et donc sans impact critique", c’est le cas de la pénurie d'OxyNorm. Ainsi, Cécile doit prendre son mal en patience, le médicament devrait être de retour sur le marché belge dès le 14 juillet pour les versions 5mg et 10 mg, et le 15 août pour la version 20mg. 

À lire aussi

Sélectionné pour vous

Commentaires

2 commentaires

Connectez-vous à votre compte RTL pour interagir.

S'identifier S'inscrire
  • Elle pourrait peut-être penser à s'en sevrer selon la méthode "Dr House" pour savoir si elle en a autant besoin que ça.

    Jean Valjean
     Répondre
  • Où est l'Europe là dedans ? A quoi s'occupent ces fonctionnaires grassement payés ? Ils ne pourraient pas demander à un pays de fournir une quantité minimum provisoire à un autre pays ? Ne pourraient-ils pas normaliser les pratiques commerciales partout ? Voilà une circulaire qui serait utile, pour une fois.

    roger rabbit
     Répondre