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Vous connaissez la sublimation qui transforme la glace en gaz? C'est ainsi qu'on va sauver certaines archives inondées

C'est une autre conséquence des inondations : de nombreuses archives ont été inondées. Chez des notaires, dans des Palais de Justice, dans des administrations communales, dans des fabriques d'églises ou encore dans des CPAS, l'eau s'est infiltrée dans les réserves, là où de nombreuses archives sont stockées. Les archivistes des archives de l'État s'activent en ce moment pour y sauver les documents importants. Voici comment ils procèdent.

En pénétrant dans les caves du CPAS de La Roche-en-Ardenne, Vincent Pirlot, archiviste et chef de dépôt d'Arlon pour les archives de l’État, constate les dégâts. "Il y a eu de l’eau jusqu’au plafond en fait. Comme vous le voyez les tubes de néons sont remplis d’eau."

Il faut agir vite, car ces documents en papier risquent de pourrir rapidement s'ils restent en contact de l'humidité. "Regardez, ici c’est déjà couvert de moisissures. Ce sont les comptes de 2019 et ça on va tout faire pour essayer de les récupérer", explique-t-il.

Des documents congelés ...

Ces documents récupérés sont la plupart du temps envoyés dans les bâtiments des archives de l'État, où on procèdera à leur restauration. "Il y a plusieurs techniques. Soit du séchage naturel en trayant avec des buvards, et ça on peut le faire aux archives de l’État. Mais parfois les dégâts sont tellement importants que la seule solution c’est de mettre dans des congélateurs. En attente de trouver des financements pris en charge par des assurances pour récupérer ces documents", explique Vincent Pirlot.

Des congélateurs comme l'entreprise Capgel à Liège, où 18 palettes de documents en provenance du Palais de Justice de Verviers ou du CPAS de Limbourg sont conservés par -24°C, entre des gigots d’agneau et des civets de biche. "Nous avons été contactés par les archives de l’Etat et à notre grande surprise ils nous demandaient en urgence de placer des documents dans le congélateur", témoigne Laurent Janssen, le responsable administratif de Capgel / Viande de Liège.

Sur place, on y retrouve par exemple "des originaux de jugements", relate Michel Trigalet, le responsable des archives de l’État de Liège. "Certains documents, s’ils sont perdus, peuvent occasionner des coûts pour l’État donc il y a des documents qui ont vraiment une valeur immédiate. Si on les perd, on ne peut pas réclamer une dette, on ne peut pas prouver un droit. Donc ces documents-là sont ceux qu’on va sauver en priorité", précise-t-il.

... avant lyophilisation

Mais récupérer ces documents congelés est un processus coûteux. "On va les dégeler par un processus de sublimation. L’eau solide à -20°C va passer directement à l’état gazeux", détaille Vincent Pirlot. Il s'agit en fait de lyophilisation, soit la dessiccation d'un produit congelé par sublimation et évacuation sous vide de la vapeur. Une fois le processus terminé, "le document sera sec mais toutes les saletés, toutes les moisissures, seront sur le document abîmé et là il faudra tout nettoyer", ajoute Vincent Pirlot.

90% des archives seront détruites

Le choix des documents à conserver où à jeter est posé par les archives de l’État. Et en moyenne, 90% des documents inondés qui ne seront pas conservés. Ceux pour lesquels "ça n’aurait pas de sens d’aller mettre des grosses sommes d’argent pour essayer de récupérer l’information", précise l’archiviste.

Au CPAS de La Roche-en-Ardenne, cela représente 15 m3 de documents à évacuer puis à détruire. L’évacuation est un travail compliqué, souvent réalisé dans le noir, dans la boue et dans l'humidité. Ce sont aussi des poids à porter. Car les dossiers, une fois trempés, sont beaucoup plus lourds que le papier habituel. "L’humidité est encore fort ambiante en-dessous. C’est physique. Une fois que les documents sont gorgés d’eau, c’est assez costaud comme poids", témoigne Bernard Toussaint, un ouvrier d’une maison de repos voisine venu aider les archivistes.

Une fois évacués, ces documents ne seront pas jetés n’importe comment. "Le but d’un document, c’est de garantir des droits. Les documents contiennent des données à caractère personnel donc il est hors de question qu’un dossier social par exemple se retrouve sur un trottoir. Donc la destruction doit se faire dans les règles avec un PV de destruction également. S’assurer que ça ne va pas se retrouver dans des mains non-appropriées", ajoute Vincent Pirlot.

Vers des problèmes dans les 5 à 15 ans pour récupérer certains documents perdus

Parfois, des documents importants sont trop abîmés que pour être récupérés. Dans certains cas, il faudra donc les réécrire, redemander des preuves aux personnes ou entreprises concernées... "Ce sera lorsqu’il va falloir produire un dossier en cas de litige, ou pour continuer un dossier de construction de bâtiment, etc. Où il va falloir retourner chez les architectes, les bureaux d’ingénieurs, leur redemander des tirages de plans et ainsi de suite. Ça se verra à l’échéance 5, 10, 15 ans", précise encore l’archiviste.

Ceci-dit, dans de nombreux cas, les archives avaient déjà été digitalisées. "Il faut savoir qu’il y a beaucoup de choses qui sont informatisées donc ce n’est pas la fin du monde en soi", relativise Véronique Coutereels, la directrice du CPAS de La Roche-en-Ardenne. Il sera donc souvent possible de simplement réimprimer les documents directement là où leur version papier était entreposée.

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