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"Trop, c'est trop": fin houleuse de la concertation sur le projet de piscine nucléaire

"Irresponsable", "trop, c'est trop": le projet de vaste piscine nucléaire d'EDF à la Hague a été vivement contesté lors de la concertation publique qui prend fin vendredi soir, alors que les piscines de combustibles nucléaires actuelles sont menacées de saturation.

"On habite déjà au milieu de sites nucléaires. Cette concentration de dangerosité, on n'en peut plus, oubliez-nous!", a lancé mercredi soir Isabelle Charpentier, 59 ans, employée dans le secteur culturel, lors de la réunion publique de restitution de cette concertation à La Hague (Manche).

Le bassin envisagé, de 70 mètres de long pour 10 m de profondeur, aurait une capacité de 6.500 tonnes de combustibles. Il serait construit à côté des piscines actuelles d'Orano à La Hague, où refroidissent environ 10.000 tonnes de combustibles usagés dans les centrales nucléaires françaises, soit l'équivalent de 100 cœurs de réacteurs.

Le projet estimé à 1,25 milliard d'euros doit voir le jour en 2034, selon EDF. La saturation des piscines actuelles est prévue "à l'horizon des années 2030", a rappelé mercredi Guillaume Bouyt, du ministère de la Transition écologique.

"Je ne remets pas en question le nucléaire mais trop c’est trop", a estimé Simon Cervantes, un maire délégué de La Hague, à une vingtaine de kilomètres de la centrale nucléaire de Flamanville et de l'usine de sous-marins nucléaires de Cherbourg.

La concertation préalable ouverte le 22 décembre a pour le moins été houleuse. Les opposants ont empêché des réunions publiques de se tenir. Le représentant d'EDF a été insulté. Et la concertation a été suspendue entre début février et le 20 juin. Les contributions sur internet prennent fin vendredi soir.

"Stop à l'enfumage des ploucs", "La poubelle est pleine", "Marre des vieux mecs qui décident pour nous", pouvait-on lire mercredi soir sur des pancartes brandies lors d'une manifestation qui a rassemblé environ 150 personnes devant la salle de réunion.

Les opposants réclament un "débat public", procédure gérée directement par la commission nationale du débat public (CNDP), alors que les concertations préalables sont conduites par le porteur de projet, EDF en l'occurrence, sous l'égide de la CNDP.

- "Concertation tronquée"-

"Cette concertation est tronquée. On aurait pu avoir d'autres choix" que celui de la piscine, comme le stockage "à sec" des combustibles, a estimé le conseiller régional EELV Guillaume Hédouin lors de la réunion.

"Il suffit de mettre les combustibles dans des conteneurs (spécifiques, ndlr). Orano en vend comme des petits pains, à l'étranger. Et il n'y a pas besoin d'eau et d'électricité en permanence comme pour les piscines", a assuré à l'AFP Yannick Rousselet, qui représentait Greenpeace à la manifestation.

Le stockage à sec, à côté de chaque centrale, "c'est tout à fait possible", "c'est ce que font beaucoup de pays aujourd'hui", a indiqué à l'AFP Igor Le Bars directeur de l'expertise sûreté à l'IRSN, le bras technique du gendarme du nucléaire français, en marge de la réunion. Le scénario reste toutefois à étudier dans le cas français.

Surtout, cela passe par l'arrêt du recyclage de combustibles qui emploie 4.800 personnes et implique un refroidissement prolongé des combustibles en piscine. Les combustibles usés français refroidissent ainsi dans les piscines de la Hague avant d'y être retraités en vue de la fabrication d'un nouveau combustible appelé le Mox, utilisé dans 22 réacteurs français.

Or la France entend développer le recyclage: 25 millions d'euros ont été investis via le plan de relance dans la recherche afin de l'étendre à davantage de matières nucléaires, a précisé M. Bouyt.

Orano "va monter à terme jusqu'à 30%" d'utilisation de combustibles recyclés dans les centrales françaises, contre 10% actuellement, a ajouté Jean-Michel Romary d'Orano.

Mais les opposants rappellent les difficultés de fabrication du Mox et le vieillissement de l'usine de la Hague, que le gendarme du nucléaire surveille de près.

"Vous paraissez assez irresponsable. Vous allez dans le mur. Vous allez être la risée du nucléaire", a ainsi estimé vendredi Serge, 62 ans, un ex-ingénieur en informatique favorable au nucléaire.

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