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De la "choré écolo"? Le Français Jérôme Bel, enfant terrible de la danse contemporaine, boycotte désormais l'avion pour ses tournées ainsi que les spectacles d'artistes peu engagés contre le réchauffement climatique.
"flygskam", la honte de prendre l'avion
A l'heure du phénomène Greta Thunberg, des manifestations de jeunes pour l'environnement et du mouvement "flygskam" (la honte de prendre l'avion en suédois), le chorégraphe expérimental à la carrière internationale fait partie des rares artistes qui affirment bouder ce moyen de transport pour contribuer à la réduction de l'empreinte carbone.
C'est en février, alors qu'il ajustait le chauffage dans son appartement parisien "pour économiser autant d'énergie que possible", que Jérôme Bel réalise qu'au même moment, quatre de ses assistants voyageaient à Hong-Kong et à Lima pour remonter une de ses créations. "C'est alors que je me dis que je suis un hypocrite, que je me mens à moi-même, que ma vie n'est que du mauvais théâtre", raconte l'artiste de 54 ans à l'AFP.
Répétition en télé-conférence
Il décide alors que son travail "ne peut pas continuer à détruire la planète ainsi" et que ni lui ni la compagnie ne prendront plus l'avion, semant au départ la panique chez ses collaborateurs. "Cela a changé complètement ma façon de travailler et c'est très stimulant", dit-il.
Ainsi, pour "Isadora Duncan", sa nouvelle création sur la pionnière de la danse moderne (au Centre Pompidou du 3 au 5 octobre), il a travaillé à Paris avec la danseuse française Elisabeth Schwartz. Mais pour la version du spectacle aux Etats-Unis, il répète par téléconférence avec une danseuse basée à New York, Catherine Gallant.
"Il y aurait donc deux versions de la pièce: une qui tournerait en Europe et une autre dans le nord-est des États-Unis. Toutes deux ne voyageant qu'en train", précise le chorégraphe. Une précision évoquée même sur le site internet du Centre Pompidou "en raison de considérations écologiques".
Pour son prochain projet, le chorégraphe dont le travail se rapproche plus de la performance va également "travailler simultanément avec différentes interprètes à Berlin, Paris, Sheffield et New York".
Les spectacles d'autres compagnies boycottés
Malgré les aléas problèmes de connexion, coût du transport en train, difficulté de transmettre des pas via Skype -, Bel va encore plus loin dans son engagement écologique et dit ne plus assister à des spectacles de compagnies qui "prennent encore l'avion ou qui ne s'engagent pas assez écologiquement".
"Comme Greta Thunberg, qui a commencé la grève de l'école, je fais la grève des spectacles et des compagnies de danse qui continuent de polluer!", dit-il.
Sa prise de conscience ne date pas de la jeune Suédoise: en 2007, de retour d'une tournée à Melbourne où ses 20 danseurs ont présenté "The Show Must Go On", un de ses plus gros succès, il lit à bord de l'avion un article sur l'empreinte carbone et décide de ne plus voyager avec toute la compagnie.
"Pratiques destructrices"
Aujourd'hui, des chorégraphes à l'étranger reconstituent ses créations à partir des partitions, des vidéos et de répétitions en téléconférence.
"En 2014, une programmatrice d'un important théâtre parisien me parle d'un spectacle sur l'écologie qu'elle a invité. Enthousiasmé, je demande d'où vient cette compagnie. "D'Australie", me répond-t-elle. A ce moment là précis quelque chose se fissure en moi: comment peut-on exprimer quelque chose de façon artistique tout en produisant exactement son contraire?", souligne-t-il.
Pour Jérôme Bel, les artistes doivent se saisir de leur pouvoir symbolique pour que "ces pratiques cessent d'être destructrices pour l'environnement et la planète".
Peu d'artistes refusent de prendre l'avion
En Suède, où le mouvement "flight shame" est important, la salle de concert de Helsinborg, qui invite uniquement des orchestres et des musiciens qui accepteront de voyager en train, est une des rares institutions dans le monde engagées en ce sens.
Si beaucoup d'artistes sont très engagés pour l'environnement, très peu, comme Bell ou encore la metteure en scène britannique Katie Mitchell, refusent de prendre l'avion. Pour Jérôme Bel, il est "insupportable" que les chorégraphes notamment de sa génération "signent des pétitions sans produire aucune action. Ils ne sont pas du tout différents des politiciens (...) alors que la catastrophe est imminente".