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L'Eglise de scientologie, considérée en France comme une secte par plusieurs rapports parlementaires, inaugure samedi, à quelques mois des Jeux olympiques, un nouveau centre de formation aux portes de Paris, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Sur la façade du grand bâtiment vitré, dans le quartier d'entreprises de La Plaine, à 300 mètres du Stade de France, étaient déployées vendredi deux grandes banderoles verticales avec les inscriptions "Dianetics" (le concept du fondateur L. Ron Hubbard) et "Scientology", a constaté une journaliste de l'AFP.
"Eglise de Scientology & Celebrity centre du Grand Paris", est-il encore écrit au-dessus de la porte.
L'acteur et figure de la scientologie Tom Cruise et l'actuel chef de l'Eglise, David Miscavige, sont venus en région parisienne la semaine dernière, selon une source proche du dossier, précisant que leur présence pour l'inauguration n'était pour l'heure pas prévue.
Dans son dernier rapport datant de 2021, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) soulignait que ce choix de localisation à Saint-Denis n'était "pas anodin".
"Le bâtiment de cinq étages se situe à proximité du Stade de France, du futur village olympique et de l'autoroute A1 d'où le mouvement pourrait rendre visible la croix à huit branches, son symbole", écrivait la Miviludes.
"Il y a régulièrement un risque, autour des grands événements sportifs, d'opérations de tractage par des organisations connues", a ajouté à l'AFP le chef de la Miviludes, Donatien Le Vaillant.
L'organisme a enregistré 33 saisines concernant l'Eglise de scientologie en 2021 et relevé dans son rapport une "stratégie de reconquête à grande échelle" et un "manque de transparence du groupe".
Une déclaration de manifestation concernant l'inauguration du lieu a été reçue en préfecture, a indiqué à l'AFP une source policière. D'après une invitation dont l'AFP a pris connaissance, l'inauguration doit débuter à 11h00 samedi. Un office est également prévu dimanche à 11h00.
L'Eglise dispose déjà de deux centres plus petits à Paris et de deux autres en France, à Angers et Clermont-Ferrand.
- "Risques de dérives" -
"La mairie subit cette ouverture et regrette que cet immeuble n'ait pas été préempté quand la Scientologie l'a acheté. L'erreur fondamentale (a été commise) à cette époque", a déclaré à l'AFP la mairie socialiste de Saint-Denis.
La ville s'était lancée dans une "bataille administrative âpre" avec l'Eglise depuis l'acquisition de l'immeuble par une société immobilière en 2017.
En 2019, l'ancienne municipalité communiste avait refusé la création d'un établissement recevant du public, invoquant des manquements en matière de sécurité incendie et d'accessibilité.
Après une première annulation de l'arrêté municipal, la justice administrative avait confirmé cette décision en appel en décembre 2021, estimant que le refus de travaux relevait d'un "détournement de pouvoir".
La mairie a indiqué être vigilante aux tentatives de prosélytisme, après avoir constaté des démarchages près du métro et des terrasses de café. Saint-Denis est "une ville d'émancipation, de progrès et de savoirs", souligne son communiqué.
M. Le Vaillant s'est dit "conscient des risques" de prosélytisme, en assurant que "les services de l'Etat ont, avec la préfecture, une action pour sensibiliser aux risques de dérives sectaires" dans leur ensemble.
L'association Caffes (Centre d'accompagnement familial face à l'emprise sectaire) a elle lancé un "appel à la vigilance" sur cette installation "à la veille des JO" de Paris (du 26 juillet au 11 août), événement mondial "propice au recrutement".
Une autre autorisation de manifestation, d'opposants cette fois, a été déposée auprès de la préfecture par un ex-scientologue.
"Ils veulent faire passer le message que c'est en train de croître alors que le mouvement s'effondre un peu partout dans le monde", a critiqué auprès de l'AFP Ludovic Durand, pendant vingt ans membre du personnel du centre du 17e arrondissement à Paris.
L'Eglise de scientologie n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.
En 2022, le mouvement fondé en 1952-1953 revendiquait auprès de l'AFP "40.000 à 45.000 membres toutes catégories confondues (du plus assidu au moins impliqué)" en France.
Un bon connaisseur du dossier, se fondant sur des témoignages d'anciens adeptes, estime lui ce chiffre à "quelques centaines au maximum".