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Le Conseil d'Etat rendra sa décision jeudi sur le port du hijab dans le football féminin, une perspective qui a déclenché une avalanche de réactions politiques, la droite et l'extrême droite appelant le gouvernement à légiférer pour prohiber les signes religieux dans le sport.
La décision de la haute juridiction sera plus rapide qu'attendue. Lundi, le collectif des Hijabeuses y avait contesté l'article 1 du règlement de la Fédération française de Football (FFF) interdisant "tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale".
Et le rapporteur public, qui dit le droit et dont l'avis est généralement suivi, est allé dans leur sens au cours de l'audience. Selon lui, la FFF doit modifier son règlement.
"Le hijab dans le sport, c'est non ! Et nous ferons une loi pour faire respecter ça", a réagi mardi Marine Le Pen, la présidente des députés Rassemblemnt national (RN).
"Il faut la naïveté d'un rapporteur au Conseil d'État pour écrire qu'il n'y a +pas de prosélytisme, qu'il n'y a pas de provocation+ dans le port du voile pour jouer au foot", s'est indigné sur le patron des députés Les Républicains Olivier Marleix, qui a interpellé la Première ministre lors des questions au gouvernement à l'Assmeblée nationale.
"Je suis totalement mobilisée avec la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra pour le respect strict de nos principes républicains dans le sport, en particulier la laïcité et la neutralité du service public", a sobrement répondu Elisabeth Borne.
Sans dire s'il faudrait légiférer dans le sport comme à l'école pour interdire le foulard islamique, elle a assuré que le gouvernement allait "renforcer les contrôles à la rentrée" et n'hésiterait pas à fermer des clubs qui promeuvent "une idéologie radicale ou séparatiste".
Devant la presse, la ministre des Sports est allée un peu plus loin. "Nous n'excluons rien", y compris une "évolution du droit", a-t-elle déclaré. "On voit qu'il y a un besoin de clarification".
-"Coup de boutoir" -
De son côté, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est dit "très opposé" à ce que la plus haute juridiction administrative française donne raison au collectif. Il a dénoncé "les associations communautaristes" qui veulent selon lui donner "un coup de boutoir contre la République".
"Le conseil d'État est une instance extrêmement sage. J'espère profondément pour la République qu'ils garderont la neutralité sur les terrains de sport", a-t-il ajouté sur RTL.
Gérald Darmanin est pourtant accusé par la droite d'avoir reculé par le passé lorsqu'il s'était agi d'interdire les signes religieux dans le sport. A deux reprises, en 2021 et 2022 lors des examens de la loi séparatisme portée par le ministre de l'Intérieur et d'une loi sur le sport, le gouvernement et la majorité avaient empêché l'adoption d'amendements de la droite votés par le Sénat.
- "Exclues" -
Olivier Marleix a regretté que l'instance administrative soit "fidèle à ce qui a été son attitude en 1989", quand la question du port du foulard islamique à l'école s'était imposée dans le débat public. "Il a fallu que le législateur y vienne", a-t-il rappelé, à propos de la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires.
Interrogée lundi, Founé Diawara, présidente du collectif Les Hijabeuses, avait regretté au contraire qu'il existe "des femmes qui, chaque week-end, sont exclues des terrains parce qu'elles portent un voile".
Avec le règlement actuel de la FFF, les joueuses portant le voile doivent "renoncer à toute compétition et toute carrière", elles sont "exclues", a noté le rapporteur public devant le Conseil d'Etat.
Si son avis était suivi, la fédération serait amenée à modifier son règlement. Instance internationale du football, la Fifa autorise depuis 2014 les joueuses à évoluer en compétition internationale avec leur voile.
A gauche de l'échiquier politique, le coordinateur de la France insoumise (LFI), Manuel Bompard, a balayé les indignations de la droite. "Il y a des gens qui en ont assez d’être en permanence stigmatisés parce qu'ils veulent pouvoir pratiquer leur religion dans le respect de la loi", a-t-il déclaré à la presse.
Gérald Darmanin "pointe les musulmans du doigt" et se fait "le ministre de Marine Le Pen", a dénoncé de son côté la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.
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