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Les images de l'agression avaient suscité l'indignation sur fond de débat sur le harcèlement de rue: l'homme qui avait giflé fin juillet à Paris Marie Laguerre, une étudiante de 22 ans, a été condamné jeudi à six mois de prison ferme.
Le prévenu, qui devra également verser 2.000 euros à sa victime, n'aura quitté sa prison que pour le procès: le tribunal a ordonné son maintien en détention après l'avoir condamné à un an de prison, dont 6 mois avec sursis, avec mise à l'épreuve de trois ans. Il a de plus prononcé une obligation de soin et l'interdiction d'entrer en contact avec Mme Laguerre.
L'homme de 25 ans devra également suivre un stage de sensibilisation contre les violences au sein du couple et les violences sexistes.
"Ce qui m'apporte le plus de satisfaction, c'est l'obligation de suivre ce stage", a réagi Marie Laguerre en se félicitant d'une peine "équilibrée".
Le parquet avait requis 18 mois de prison, dont six avec sursis.
Il réagit violemment après lui avoir lancé des remarques sexistes
L'affaire avait éclaté fin juillet lorsque Marie Laguerre avait publié sur Facebook un billet racontant son agression devant un bar, images de vidéosurveillance à l'appui. Elle y accusait l'homme jugé jeudi de lui avoir adressé des bruits et remarques à connotation sexuelle.
"J'ai donc lâché un 'ta gueule' en traçant ma route. Car je ne tolère pas ce genre de comportement", écrivait-elle. L'homme lui avait alors jeté un cendrier, avant de la gifler violemment devant des témoins, en pleine journée.
Les images ont fait le tour du monde et Marie Laguerre a été interviewée par des médias américains, australiens ou japonais.
Grave aguicheuse
A la barre, le prévenu a reconnu avoir lancé un cendrier et admis avoir giflé la jeune femme. Mais il nie avoir tenu des propos obscènes. "Je lui ai dit: 'Le rouge te va très bien' (Marie Laguerre portait une robe rouge, ndlr). J'écoutais de la musique, je chantais", a-t-il affirmé au tribunal, provoquant un sourire ironique de la victime. "N'importe quel homme a déjà parlé à une femme dans la rue", a-t-il plaidé. "Vous cherchez la petite bête", a lâché le jeune homme, souvent insolent, à la présidente qui l'interrogeait.
Aux policiers, lors de sa garde à vue, il avait expliqué que Marie Laguerre était "grave aguicheuse", "qu'elle se dandinait". Mais il nie désormais avoir dit cela.
Un sans-abri déjà condamné par le passé
Sans-domicile fixe, le prévenu avait déjà neuf condamnations à son casier judiciaire et a fait de la prison pour proxénétisme et des violences contre sa mère. Mais il se défend d'être violent ou impulsif.
En août, il avait été hospitalisé 22 jours sous contrainte en psychiatrie. Le tribunal avait donc demandé une expertise psychiatrique, mais il aurait refusé de s'y soumettre.
Pour son avocate, Karima Tadjine, ce dossier est d'une "banalité affligeante". "Faites en sorte qu'il ne devienne pas le symbole des violences faites aux femmes. C'est un costume beaucoup trop grand pour lui", a-t-elle plaidé.
Pas de poursuite pour outrage sexiste: le délit n'existait pas encore dans la loi à l'époque
Mais cette affaire est surtout devenue le symbole du harcèlement de rue, même si le prévenu était jugé uniquement pour "violences". L'outrage sexiste est devenu un délit avec la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, votée le 3 août, soit environ une semaine après l'agression de Marie Laguerre.
"Il y a 2 mois et demi, il n'y avait pas d'interdiction pour ce genre de comportement", résume Noémie Saidi-Cottier, l'avocate de Marie Laguerre. "Nous ne pouvons plus tolérer ces agissements", a-t-elle plaidé. "Des femmes n'osent plus porter de robe, baissent les yeux, changent de trottoir", a déploré l'avocate.
Marie Laguerre se félicite de sa "chance incroyable": "Très peu de personnes ont leur harceleur qui se retrouve jugé au tribunal". Or "chaque fois que l'on dénonce ces comportements, c'est une avancée".