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Les Cubains tristes de dire adieu au dernier navire de croisière américain

"C'est vraiment super triste", se lamente Mario Diaz en voyant s'éloigner l'Empress of the Seas, le dernier paquebot de croisière américain à quitter Cuba après l'annonce de nouvelles sanctions de Washington contre l'industrie touristique de l'île.

A un arrêt de bus du Malecon, la célèbre avenue côtière de La Havane, Mario, DJ de 19 ans, était aux premières loges quand l'imposant paquebot a largué les amarres, mercredi après-midi.

Le président américain Barack "Obama était venu ici à Cuba et c'était historique, en 2016", se souvient le jeune Cubain. "Maintenant, on voit arriver (Donald) Trump, et du jour au lendemain tout repart en arrière", se désole-t-il, regrettant aussi ces touristes américains comme source de revenus "très importante" pour l'île.

L'Empress of the Seas (L'Impératrice des mers), battant pavillon des Bahamas et propriété de la compagnie américaine Royal Caribbean Cruises, avait accosté mardi au port de La Havane, pour une escale de deux jours.

Mais dès l'arrivée, douche froide: les Etats-Unis ont imposé de nouvelles sanctions à Cuba, en représailles de son soutien au Venezuela de Nicolas Maduro, et ont interdit aux Américains de s'y rendre en voyages de groupe, en croisière ou encore en avion privé.

Personne ne s'attendait à l'annonce de telles sanctions, entrées en vigueur mercredi. De nombreux passagers en ont été informés pendant leur visite de la capitale cubaine.

- "Véritable surprise" -

"Est-ce bien ou mal, nous n'en savons rien en tant que citoyens américains. Cela a été une véritable surprise pour nous", confie à l'AFP Linda Mensure, originaire du Texas.

C'est le rapprochement diplomatique entre les deux ex-ennemis de la Guerre froide, initié fin 2014, qui avait permis l'arrivée le 2 mai 2016 d'un navire de croisière américain, le premier depuis 1959.

Le pêcheur Fernando Santana, 50 ans, s'en souvient bien: avec son téléphone, il avait filmé l'événement et les cris de joie des Cubains sur le quai, pendant que le paquebot Adonia Fathom, de l'entreprise Carnival, faisait retentir sa corne de brume.

L'ambiance mercredi était nettement plus morose. Alors que le bateau prenait le large, ses passagers sont sortis sur le pont pour dire au revoir aux quelques habitants présents sur le Malecon, en agitant les bras et de petits drapeaux cubains.

"Obama a fait beaucoup de changements et essayé de rapprocher les deux peuples", mais "après est arrivé un abruti, et ce qu'avait fait son prédécesseur avec sa tête, il a tout cassé avec ses pieds", soupire Fernando.

Ces dernières années, la croisière était devenue le moyen préféré des Américains pour venir à Cuba sans s'attirer d'ennuis pour éventuelle infraction à l'embargo en vigueur depuis 1962: les touristes ne passent généralement qu'une journée à La Havane, puis font escale ailleurs dans l'île... mais sans dormir une seule nuit sur le sol cubain.

En 2018, sur les 877.000 touristes venus en croisière à Cuba, 38,9% étaient américains, selon les chiffres officiels. Ce qui a dopé les arrivées d'Américains en général, qui ont été plus de 250.000 à se rendre sur l'île au cours des quatre premiers mois de 2019, presque le double par rapport à 2017.

- 800.000 voyageurs affectés -

Cette parenthèse enchantée n'aura finalement duré que trois ans.

"Des gens ont programmé leur voyage pour la semaine prochaine et ne peuvent plus venir. C'est triste", déplore Jim Johnson, un touriste venu de Floride, à propos de compatriotes ayant acheté des billets pour des croisières incluant Cuba.

D'autres ont appris la mauvaise nouvelle alors qu'ils étaient déjà en route pour l'île.

"Je suis une parmi des centaines de passagers très en colère, à bord d'un paquebot de croisière au milieu des Caraïbes", a rouspété sur Twitter l'infirmière Cindy Hamilton. "Nous avions tous prévu cette croisière dans la perspective de faire escale à Cuba. Très déçue!"

Après quelques heures de confusion où les questions de clients fusaient sur internet, l'Association internationale des croisiéristes (CLIA) a clarifié les choses: les entreprises de croisière américaines "sont obligées d'éliminer la destination Cuba de tous les itinéraires, avec effet immédiat".

Selon l'association, ces mesures affectent "près de 800.000 voyages de passagers programmés ou déjà en cours".

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