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Neuf ans après son dernier film, Kim Chapiron, co-fondateur du collectif Kourtrajmé, fait son retour en salles mercredi avec "Le Jeune imam", visant notamment à réhabiliter cette profession qui a "aussi le droit d'appartenir au monde de la fiction".
Pour ce film d'01h38, le réalisateur à l'origine de "Sheitan" a fait interpréter son scénario, co-écrit avec Ladj Ly ("Les Misérables"), par des acteurs n'ayant quasiment aucune expérience cinématographique, afin d'imprégner son histoire du "réel".
Principalement tourné à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, quartiers généraux du collectif Kourtrajmé, le long-métrage est inspiré d'une histoire vraie.
"Ce sont surtout les histoires contemporaines qui m'inspirent, et celle-ci mélange beaucoup d'éléments qui permettent de raconter notre époque", a déclaré à l'AFP le cinéaste de 42 ans.
A 14 ans, Ali, adolescent à la dérive, est renvoyé par sa mère au village dont elle est originaire, au Mali, afin qu'il soit élevé "dans la tradition et dans la foi" en suivant des cours religieux à l'école coranique.
Il est de retour dix ans plus tard dans le quartier de son enfance, à Montfermeil, où il se heurte de plein fouet à l'absence de perspectives professionnelles, avant de devenir le nouvel imam du quartier, capitalisant sur ses études d'islamologie.
Vivant avec son temps, il manie habilement les réseaux sociaux et profite de ses prêches pour diffuser une image "apaisée" de l'islam, religion "au cœur de tous les débats".
Mais le scénario vire au cauchemar lorsque le "jeune imam" tombe naïvement dans le piège d'un groupe d'escrocs délivrant des visas frauduleux pour un pèlerinage à La Mecque, qu'Ali souhaitait organiser pour des habitants du quartier ayant "économisé toute leur vie pour ce voyage".
- "S'éloigner le plus possible des clichés" -
"Je souhaitais traiter ces arnaques au pèlerinage, ces histoires dont on ne parle presque jamais parce qu'elles touchent surtout des personnes âgées", peu enclines à chercher réparation, explique Kim Chapiron.
"Au-delà de ça, j'avais aussi pour objectif de filmer la religion musulmane en m'éloignant le plus possible des clichés, des stéréotypes et des caricatures, qui nous étouffent quand on aborde ce sujet", renchérit-il.
Pour être préservé de ces maux, le cinéaste a son remède: confier les rôles à des acteurs qui ont une vie proche de celle des personnages qu'ils incarnent.
"J'ai moi-même été envoyé par mes parents à la madrassa quand j'étais adolescent pour y étudier le Coran", explique à l'AFP Abdulah Sissoko, qui joue le rôle de l'imam Ali.
"A l'époque, je leur en voulais beaucoup mais, aujourd'hui, je les remercie. Peut-être que, sans cette expérience, je n'aurais pas été retenu pour le rôle", ajoute celui qui a été formé au théâtre au réputé Cours Simon mais n'avait jamais eu d'expérience sur grand écran.
Cela s'inscrit dans la philosophie du collectif Kourtrajmé, qui s'emploie à mettre le pied à l'étrier à des talents de milieux défavorisés à travers les écoles éponymes, gratuites et sans condition de diplôme, implantées à Montfermeil, Marseille, Dakar et bientôt dans les Caraïbes.
Plusieurs acteurs du film ont d'ailleurs été formés à l’École Kourtrajmé, dont Moussa Cissé, qui joue le personnage de Corona, proche cousin de l'imam.
Les autres ont été trouvés "sur le tas". "J'utilise toujours le réel comme ingrédient dans mes films puisqu'il permet de toucher directement les cœurs des spectateurs", justifie Kim Chapiron. "Le +casting sauvage+, comme on dit, c'est toujours comme ça que je fonctionne".