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Mèche rebelle et humour grinçant, le Suédois Ruben Östlund, qui présidera en mai la 76e édition du Festival de Cannes un an après avoir raflé sa deuxième Palme d'or, a imposé en une poignée de films son oeil caustique et son goût pour la satire.
Cinquante ans après sa compatriote Ingrid Bergman, le cinéaste de 48 ans, grand habitué de la Croisette, aura pour tâche de choisir la prochaine Palme d'or avec les autres jurés.
Il est le troisième réalisateur doublement palmé à devenir président du jury, et le tout premier à endosser ce rôle l'année suivant son sacre, avec "Sans filtre", satire jouissive des super-riches et du luxe.
Dans son sixième film, le Suédois se livre à une critique sans concession du capitalisme et de ses excès fustigeant les dérives d'une société ultraconsumériste, où prévalent les apparences.
Elevé par une mère communiste, se définissant lui-même comme "socialiste", ce grand bavard n'a pas cédé à la facilité de "décrire les riches comme méchants" mais plutôt à "comprendre leurs comportements", assurait-il dans un récent entretien à l'AFP.
A travers son oeuvre, qui laisse souvent un sentiment de malaise, il dissèque toujours plus les moeurs occidentales modernes, cherchant à rester fidèle "à l'aspect intellectuel de l'art du cinéma qui veut déclencher une discussion".
"Au fond la thématique est la même: le jeu des rapports sociaux", analyse pour l'AFP le critique suédois Björn Jansson.
En 2011, dans "Play", où cinq enfants noirs volent trois enfants blancs, Östlund s'attaquait au racisme systémique et ses représentations.
Il connaît le succès international avec "Snow Therapy" (2014), qui dézingue la famille moderne avec un père fuyant une avalanche, son téléphone portable à la main mais laissant femme et enfants face au danger.
Cette tragicomédie, récompensée d'un prix du Jury dans la catégorie Un Certain regard à Cannes, lui avait aussi ouvert les portes de l'industrie cinématographique américaine.
C'est toutefois avec "Sans filtre" qu'il signe son premier film entièrement en anglais, quittant "la position de l'intéressant réalisateur de film en langue étrangère".
- Ski et YouTube -
Faux modeste, Östlund se verrait bien remporter une troisième Palme d'Or.
"Je veux rester humble, mais c'est possible maintenant de gagner une troisième Palme. Personne ne l'a fait avant. Je ne veux pas être arrogant mais c'est une possibilité", a-t-il avancé auprès du Los Angeles Times.
En 2017, il avait fait crier de joie le public du palais des festivals de Cannes en remportant la Palme d'or pour "The Square", où un directeur d'un musée d'art contemporain prépare une exposition sur la tolérance mais se heurte à ses propres limites en la matière.
Pour Östlund, ce sont les situations plus que les personnages qui font le film. La presse suédoise l'a décrit comme "un kleptomane. Il vole des situations de sa propre vie, de celles de ses amis et, pas des moindres, de YouTube pour en tirer des fictions".
Pour "Sans filtre", il a confié s'être inspiré de nombreuses anecdotes rapportées par sa femme, photographe de mode. Et c'est à sa belle-mère allemande, aphasique après un accident cérébral il y a quelques années, que l'on doit la phrase "In den Wolken", inlassablement répétée par l'une des personnages du film, paralysée elle aussi.
Né du côté de Göteborg, la deuxième ville de Suède, en avril 1974, Östlund y a étudié la réalisation et y travaille encore aujourd'hui.
Avec ses allures de jeune premier, il est arrivé au cinéma après avoir réalisé des films de ski, une de ses passions, lorsqu'il était saisonnier dans les Alpes dans les années 90. Il a confié avoir gardé de ces années "une persévérance incroyable".
La profusion des prises constitue l'une de ses marques de fabrique.
Quand il fait refaire une quarantaine de fois une même prise, il s'excuse désormais à demi-mots. Une habitude qui lui vient de l'enfance, pendant laquelle, de son propre aveu, il se comportait en "dictateur empreint d'une certaine notion de justice".