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L'écrivain new-yorkais Paul Auster tente, dans un court essai agrémenté de photos de lieux de massacres aux Etats-Unis, une autopsie de son pays meurtri par la violence par arme à feu, sans toutefois y apporter de solution.
"Bloodbath Nation" (Grove Press) -- traduit en français "Pays de Sang, une histoire de la violence par arme à feu aux Etats-Unis" (Actes Sud) -- paraît mardi aux Etats-Unis et le 8 février en France.
Un texte factuel, sombre et démonstratif, en forme de terrible état des lieux sur une centaine de pages, par le célèbre romancier de 75 ans.
Le récit est accompagné des clichés du photographe Spencer Ostrander, 37 ans et également new-yorkais.
L'une des explications à cet essai paru dans une collection de science politique figure dès les premières pages: un secret de famille que l'écrivain n'a découvert que jeune homme.
"Le 23 janvier 1919 (...) ma grand-mère a tiré sur mon grand-père et l'a tué", quand le père de Paul Auster n'avait que six ans et que son oncle, témoin du meurtre, en avait à peine trois de plus, révèle-t-il.
La grand-mère de Paul Auster fut jugée dans le Wisconsin (nord des Etats-Unis) mais acquittée pour "démence temporaire" et s'installa avec ses enfants dans le New Jersey, près de New York. "L'arme avait provoqué tout cela; non seulement les enfants n'avaient plus de père, mais ils vivaient en sachant que leur mère l'avait tué", écrit Auster.
- "Symbole" -
Comme avant lui nombre d'associations de victimes et de partisans d'une régulation des armes, l'intellectuel fait le compte: plus de 40.000 personnes tuées par an par arme à feu, dont la moitié se suicident, soit depuis 1968 plus d'un million et demi d'Américains morts de la sorte dans un pays où l'on compte plus d'armes à feu que d'habitants (393 millions contre 338 millions).
A l'appui de ce constat, le photographe Spencer Ostrander y a ajouté une quarantaine de clichés en noir et blanc de lieux de massacres aux Etats-Unis comme celui de la boite de nuit LGBT+ Pulse d'Orlando en Floride, où 50 personnes sont mortes en 2016.
Un supermarché, un immeuble, un lieu de culte, une route, un parking, des voitures, mais sur ces photos, jamais un être humain ou un animal.
"J'ai choisi de me concentrer sur le site d'une fusillade, comme un symbole. Qu'il ait été reconstruit, rasé, laissé délabré, c'est un symbole de l'importance que les Américains attachent à cette question" expliquait Spencer Ostrander, en octobre, au magazine Publishers Weekly, cité par le communiqué de Grove Press.
"Les fissures de la société américaine s'élargissent continuellement pour devenir de vastes gouffres d'espace vide", conclut Paul Auster dans "Bloodbath Nation".