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Xiaomi ne se limite plus aux smartphones et gadgets : sa voiture électrique SU7 fait sensation en Chine. Avec des performances bluffantes et une connectivité poussée, elle vise 300.000 livraisons en 2025. Son arrivée en Europe est attendue d’ici 2027. Tesla doit-elle s’inquiéter ?
Si vous pensiez que l'entreprise chinoise Xiaomi vendait des smartphones pas chers et de petits appareils électroniques, vous avez 5 ans de retard. Effectivement, Xiaomi est monté en gamme sur le marché du téléphone premium (voir mon test du Xiaomi 15 Ultra), et s'il continue de sortir des produits "électro" au sens large (de la bouilloire au lave-vaisselle en passant par les compresseurs pour gonfler des pneus et les trottinettes), il s'est attaqué à un marché pourtant hyper complexe: la voiture électrique. Et le pire, c'est qu'il (sur)performe déjà sur ce marché...
Une deuxième usine, déjà
Sur le stand (chaque année un peu plus grand) de Xiaomi au Mobile World Congress de Barcelone, j'ai pu monter à bord de la SU7 Max, et j'ai contemplé la SU7 Ultra, deux variantes de la voiture électrique qui attirent l'attention des observateurs et les regards des milliers de visiteurs, pourtant exclusivement des professionnels, du plus grand salon des technologies mobiles :

Une voiture qui connait un succès inattendu sur son marché chinois, le seul endroit où elle est actuellement disponible. "Le projet a commencé il y a 4 ou 5 ans, et c'est vraiment une vision de Lei Jun (CEO et fondateur), qui est un passionné de voitures. Il a pris le projet en main et à partir de là, ça a été très vite", m'a confié Michael Cige, directeur des activités Benelux de Xiaomi.
La maison mère annonce un chiffre d'affaires lié à la voiture approchant les 10 milliards de RMB (1,29 milliard d'euros) et une marge bénéficiaire brute de 17,1 % au troisième trimestre 2024. La série SU7 de Xiaomi a vu ses volumes mensuels dépasser 25.000 unités en décembre 2024, avec plus de 135.000 véhicules livrés en 2024. Visant 300.000 livraisons en 2025, Xiaomi étend sa capacité de production, et son réseau de vente, qui comprend désormais 216 centres répartis dans 64 villes chinoises. La première usine, entièrement gérée par Xiaomi, a déjà sorti près de 140.000 voitures en 2024 (uniquement pour la Chine, donc). A titre comparatif, la marque VW a vendu 100.000 ID.3 dans le monde en 2024, l'ID.3 étant son modèle électrique phare, le plus accessible.
Face à ce succès "qui dépasse clairement nos attentes", Xiaomi est donc en train de construire une nouvelle usine. Cette agilité typiquement chinoise – être capable de transformer un projet de voiture électrique en usine qui livre 140.000 modèles en 4 ou 5 ans) – est une claque pour l'industrie automobile traditionnelle, empêtrée dans des stratégies schizophrènes au coeur de pressions politiques, écologiques, économiques et financières. Seul Tesla a une vision similaire à celle de Xiaomi, finalement - des voitures uniquement électriques, construites autour du logiciel, et sans freins régulatoires - avec le succès qu'on lui connaît aux Etats-Unis et en Europe.

Des prix très intéressants en Chine, mais en Belgique ?
La SU7 Ultra, cette petite bombe jaune de 1547 chevaux (!) qui a bouclé le record d'un tour du célèbre Nürburgring en Allemagne pour une berline 4 places, est en vente au prix de 70.000€. Le modèle standard, cependant, ne coûte que 27.640€, contre 31.500 pour la version Pro, et 38.400€ pour la version Max (les différences se situent au niveau des puissances totales du ou des moteurs, de la taille des batteries et de la vitesse de chargement).
Bien entendu, il s'agit de prix en euros issus des prix pratiqués en Chine, le seul endroit où cette voiture est vendue. Il est certain que, comme c'est le cas des smartphones, traverser le monde après avoir obtenu les certifications et homologations nécessaires devrait augmenter le prix d'au moins 25%. On se rapprocherait des 50.000€ pour la version Max (la plus vendue actuellement), soit le prix d'une Tesla Model 3 - mais vous allez le voir, avec une technologie et une connectivité embarquée beaucoup plus poussées.
Element essentiel: il est difficile de savoir quand cette voiture débarquera en Europe. Sur le stand et lors d'une interview, j'ai entendu de la part d'employés de Xiaomi (plus ou moins) bien informés différentes échéances. "5 ans", "2,5 ans", "Aucun plan concret donc aucune date". Cependant, le patron, sur la scène de la conférence de presse du lancement du dernier smartphone, a dit que la voiture arriverait "prochainement". Et peu après, dans un entretien à la presse chinoise, William Lu, président de Xiaomi, a évoqué "le marché international d'ici 2027". Son arrivée en Europe est donc une quasi-certitude, mais la différence de prix avec la concurrence sera la clé de son succès.
Elle a quoi se spéciale, cette voiture ?
C'est une Tesla au carré. Plus performante, elle embarque davantage de connectivité et de technologies, la rendant encore plus smart. Et surtout, elle s'intègre dans l'écosystème de Xiaomi, dont le slogan est toujours Human x Car x Home. Une manière de faire comprendre au monde entier les ambitions étendues au niveau de l'interconnectivité des nombreux appareils de la marque. J'ai eu droit à quelques démonstrations convainctes au MWC: mode miroir du smartphone sur le grand écran tactile, contrôle des appareils connectés de la maison à partir de l'interface de la voiture (y compris visionner les caméras), tablette Xiaomi optionnelle (mais le support est incorporé dans le siège avant) pour les passagers à l'arrière, qui peuvent ainsi contrôler la climatisation ou la musique de la voiture (en plus d'avoir une tablette Android à disposition) :

Loin du design épuré des Tesla, Xiaomi propose à l'intérieur une voiture très chinoise, avec un tas d'écrans et de boutons, et même deux "yeux" au-dessus de l'écran principal, qui simulent un clin d'oeil ou affichent des données de conduite :

Au niveau "mécanique", Xiaomi a déjà développé plusieurs moteurs électriques visiblement très efficaces, notamment un design breveté pour les stator/rotor, composants essentiels du V8s. Les performances sont, sur le papier et surtout pour la version Ultra, très impressionnantes. On parle d'un 0 à 100 km/h en 1,89 ou 1,98 secondes, quand les Tesla les plus puissantes sont à 2,1 secondes. Le design extérieur de cette berline 4 places (mais on peut voyager à 5 sans trop de souci) est assez sobre, selon moi, surtout pour la face avant, que je trouve assez insipide. L'arrière est plus typé, plus sportif. L'espace global est équivalent à celui d'une Tesla Model 3.

Enfin, sachez que la conduite autonome est "prête" à être déployée en Chine - mais elle ne l'est pas encore, ai-je appris lors de ma visite sur le salon. La SU7 est équipée de caméras et de lidar pour comprendre son environnement, et de toute l'électronique embarquée nécessaire pour se déplacer toute seule. Mais elle a un retard assez logique sur Tesla ou Waymo dans ce domaine, deux entreprises américaines qui ont dépensé des milliards de dollars pendant 10 ans pour arriver aux résultats actuels, soit une conduite (presque) entièrement autonome (aux Etats-Unis).
Conclusion
En résumé, l'arrivée de Xiaomi sur le marché des voitures électriques est loin d'être anecdotique. Avec la SU7, le géant chinois démontre sa capacité à innover et fabriquer, rapidement et efficacement. Son succès fulgurant en Chine, sa technologie maison et son écosystème connecté en font un concurrent redoutable pour les constructeurs automobiles traditionnels et les leaders du marché ; il se frottera directement à Tesla, avec comme argument supplémentaire un écosystème matériel très riche (smartphone, TV, électro, montres, tablettes, etc), qui pourrait se montrer utile, concrétisant le slogan Human x Car x Home du fabricant chinois.
Bien que son arrivée en Europe soulève encore des questions, notamment concernant le prix et la date de disponibilité, une chose est sûre : Xiaomi a placé la barre très haut. Son ascencion récente me fait penser à Huawei lors de la décennie précédente: parti de rien, il a failli devenir le N1 mondial du smartphone en 7 ans, grâce à des investissements colossaux dans la recherche et le développement, une intégration verticale de la chaine de valeur (Xiaomi et Huawei font tout eux-mêmes, ou presque), et des coûts de fabrication contenus.

