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Les syndicats appellent les médecins à déposer bistouris et stéthoscopes le 7 juillet, dans le cadre d’une grève nationale. À l’origine de cette mobilisation ? Un profond malaise face aux réformes portées par le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), jugées menaçantes pour l’autonomie des soignants et la stabilité financière des hôpitaux.
L’Association belge des syndicats médicaux (ABSyM) invite ainsi les blouses blanches, généralistes comme spécialistes, à cesser le travail lundi prochain, de 8h à 18h, en assurant uniquement les soins urgents. Une démarche rare dans le secteur. « Cela fait plus de vingt ans que les médecins n’ont plus appelé à la grève », rappelle Patrick Emonts, président de l’ABSyM. « Ce n’est pas un simple coup de colère, mais un mouvement de fond pour défendre une médecine libérale aujourd’hui mise à mal par l’avant-projet de loi-cadre du ministre. »
Sur le terrain, les hôpitaux s’activent et les réunions s’enchaînent. Des directions ont demandé à leurs praticiens d’indiquer à l’avance s’ils comptaient participer à l’action. Une partie a répondu présent, tandis que d’autres préfèrent maintenir leur activité pour ne pas pénaliser les patients ni rallonger encore des délais déjà très longs pour certains examens ou consultations. Plusieurs médecins porteront un brassard en guise de solidarité avec le mouvement.
La Fédération des maisons médicales, elle, a déjà pris ses distances avec l’action, estimant qu’une réforme du système était bel et bien nécessaire.
Reste que l’avant-projet de loi-cadre touche des nerfs sensibles dans la profession. Le premier point de crispation concerne la volonté du gouvernement de plafonner les suppléments d’honoraires à 125 % dans les hôpitaux et à 25 % en ambulatoire. Présentée comme un moyen de rendre les soins plus accessibles, cette mesure est perçue par les médecins comme une atteinte à leur liberté tarifaire. Elle constituerait aussi, selon eux, une menace pour le financement indirect des hôpitaux, qui s’appuient sur ces suppléments pour garantir la qualité des soins et investir dans du matériel de pointe.
« On ne comprend pas pourquoi le ministre s’attaque aux suppléments d’honoraires alors qu’une réforme de la nomenclature est déjà en cours », souligne Patrick Emonts. « Il faut d’abord fixer des tarifs de référence clairs pour les actes médicaux, et ensuite définir un plafond cohérent pour les suppléments. Les choses doivent se faire dans le bon ordre. » Le ministre répond que les deux réformes sont effectivement liées et que la réforme finale n’entrerait en vigueur qu’en 2028.
Autre sujet sensible : la suppression du conventionnement partiel. Les médecins seraient contraints de choisir entre un conventionnement total ou aucun. Pour l’ABSyM, cette mesure risque de produire l’effet inverse de celui recherché, en poussant de nombreux praticiens à se déconventionner.
S’ajoute à cela la volonté de conditionner l’octroi des primes et aides financières de l’Inami aux seuls prestataires conventionnés. « Qu’un médecin soit conventionné ou pas, il supporte les mêmes charges, notamment liées aux logiciels, au matériel informatique ou aux contraintes administratives », rétorque Patrick Emonts.
Enfin, la possibilité de retirer le numéro Inami d’un médecin suscite la plus vive opposition. Le ministre affirme que cette mesure vise à cibler les fraudeurs et les charlatans. Mais pour l’ABSyM, c’est une ligne rouge. « C’est une atteinte à la séparation des pouvoirs et à la démocratie. S’il y a des escrocs, ils doivent tout simplement être poursuivis devant les tribunaux. »
En toile de fond, c’est la crainte d’une étatisation progressive de la médecine qui traverse la profession, à l’image du système de santé britannique. « Regardez le NHS : il est au bord de la faillite. On y observe une médecine à deux vitesses, où ceux qui ont les moyens sont soignés rapidement tandis que les autres patientent indéfiniment. La Belgique pourrait basculer dans le même schéma », avertit le président de l’ABSyM.
« Une mobilisation massive le 7 juillet »
Plusieurs praticiens s’inquiètent également des conséquences pour les patients. Dans un système trop centralisé, ces derniers pourraient perdre la liberté de choisir leur médecin et être contraints de consulter celui qui leur serait attribué en fonction de leur lieu de résidence.
« Ce qui est certain, c’est qu’on se dirige vers moins de liberté, moins de souplesse et moins de qualité, avec en parallèle une mainmise politique de plus en plus forte sur l’organisation de la médecine », prévient Patrick Emonts. « C’est précisément pour cela que nous appelons à une mobilisation massive le 7 juillet. »
De son côté, le ministre Vandenbroucke se dit prêt à revoir sa copie, à condition que le système qui en résulte soit plus lisible et plus transparent, garantissant une rémunération correcte pour les soignants et une meilleure sécurité tarifaire pour les patients. Une concertation est encore prévue avec les syndicats jeudi soir.
Si elle est confirmée, la grève du 7 juillet marquera la première action nationale des médecins depuis 2001, un événement rare dans une profession peu habituée aux mouvements collectifs. Les dentistes se sont également joints à l’initiative. En Flandre, le syndicat de médecins ASGB prévoit aussi des actions, sans pour autant paralyser les soins.



















