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Une "situation critique", un cap "extrêmement difficile à passer": à la veille de Noël, les autorités appellent les professionnels de santé à "l'union sacrée" pour soulager des hôpitaux affaiblis par le manque de personnel et débordés par les épidémies hivernales.
"On n'est pas au bord de la saturation, nous sommes totalement saturés", a alerté vendredi sur BFMTV l'urgentiste parisien Patrick Pelloux. "Du jamais vu" selon lui, même au plus fort de la crise du Covid-19.
A la diffusion à haut niveau du coronavirus sont venues s'ajouter une bronchiolite aiguë chez les nourrissons et une grippe particulièrement forte chez les personnes âgées.
Cette "triple épidémie hivernale" met sous tension extrême un système de santé déjà exsangue en raison d'un manque structurel de soignants, malgré les milliards d'euros déversés depuis 2020 dans le cadre du Ségur de la santé pour renforcer l'attractivité du secteur.
Evoquant une "situation critique", la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, Amélie Verdier, a lancé "un appel solennel aux libéraux, au secteur privé pour qu'il y ait une mobilisation de tous pour soulager les hôpitaux".
Une "espèce d'union sacrée", selon la formule du ministre de la Santé, François Braun, qui a rendu une visite nocturne au Samu de Paris puis aux urgences hospitalières de Saint-Denis. L'ancien urgentiste n'a pas caché son inquiétude, prédisant une situation "encore plus compliquée la semaine prochaine", "un cap extrêmement difficile à passer".
- Cinq heures sur le parking -
Appels au 15 qui explosent, passages aux urgences très supérieurs à la normale, patients devant rester de longues heures sur des brancards dans l'attente d'un lit d'hospitalisation... Les difficultés s'accumulent dans la plupart des régions.
Exténué voire excédé, le personnel soignant ne cache pas son exaspération, comme à Sarreguemines (Moselle), où une grande partie de l'équipe des urgences a engagé un mouvement de grève "bloquant".
"On ne voit que les patients graves", indique à l'AFP Emmanuelle Seris, cheffe des urgences de ce centre hospitalier. "La situation n'est plus tenable, elle est dangereuse pour les patients et pour les soignants", ajoute cette déléguée Grand Est du syndicat d'urgentistes Amuf.
Sapeur-pompier à Strasbourg, Cédric Hatzenberger évoque l'attente interminable des malades dans les véhicules de secours avant qu'ils puissent être admis aux urgences.
"Depuis les vacances de la Toussaint, c'est une véritable catastrophe", résume ce syndicaliste FO. "On peut aisément être à deux ou trois heures d'attente sur le parking des urgences, et c'est arrivé que ça aille jusqu'à cinq heures".
- 100.000 infirmières -
Successeur de François Braun à la tête du syndicat Samu-Urgences de France, Marc Noizet décrit "un système en situation de rupture". Et il appelle l'Etat "à déclencher une réponse nationale exceptionnelle, de type +plan blanc+", à l'échelle de l'Hexagone. Un tel dispositif imposerait des mesures d'organisation drastiques, avec notamment un report de congés.
En Île-de-France, la patronne de l'ARS écarte pour le moment un tel plan, relevant que "les établissements de santé ont souhaité que les soignants puissent prendre des congés bien mérités".
Mais elle a pris des dispositions temporaires pour éviter un engorgement supplémentaire des hôpitaux. Les samedis matin 24 et 31 décembre seront rémunérés comme des "permanences de soin ambulatoire" (PDSA) pour favoriser la prise de gardes en médecine de ville. Des centaines d'étudiants en santé vont venir renforcer les services hospitaliers. En outre, des solutions ont été trouvées pour des patients précaires ou âgés ne nécessitant plus d'hospitalisation, afin de libérer des lits, selon l'ARS.
Au-delà de décisions conjoncturelles, des mesures de long terme sont attendues. Un collectif de plus de 5.000 médecins, soignants et agents hospitaliers a exigé cette semaine, entre autres, un horaire défini et un ratio maximal de patients par infirmière. Ce qui nécessiterait d'embaucher "environ 100.000 infirmières" sur trois ans.
François Braun a redit jeudi soir qu'il reverrait "dès janvier" l'offre de soins, "territoire par territoire", sur la base des travaux du Conseil national de la refondation (CNR). Avec la promesse de "prendre à bras le corps le système de santé pour le réformer".