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Contrôleurs, médecins: ces collectifs qui débordent les syndicats

Ils mènent une grève des contrôleurs à Noël ou suscitent une fermeture "historique" des cabinets médicaux: des collectifs prennent le pas sur les syndicats en organisant de fortes mobilisations, profitant d'une crise des institutions dont les "gilets jaunes" ont été un symptôme.

"C'est une grève qu'on n'a pas vue arriver, ni nous ni les syndicats". L'aveu émane du PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, avant le premier week-end de décembre, qui a sonné la mobilisation des contrôleurs de train.

Depuis, ces "chefs de bord" ont maintenu la pression pour obtenir une meilleure prise en compte de leur métier, et la moitié d'entre eux devraient être en grève lors du week-end de Noël. S'il est rendu possible par des préavis déposés par les fédérations CGT-Cheminots et SUD-Rail, ce mouvement social semble échapper au contrôle syndical.

Aux commandes une structure informelle, "le Collectif national ASCT" (agents du service commercial trains), qui a rassemblé environ 3.500 contrôleurs sur les réseaux sociaux.

"Que les agents nous suivent, je ne suis pas surpris. On n'a rien à vendre, on n'a pas de couleur politique. On veut juste une reconnaissance significative", expliquait à l'AFP il y a quelques semaines Nicolas Limon, un des fondateurs du collectif, à l'écart des "habituelles guerres syndicales".

Cette prise de distance vis-à-vis des appareils syndicaux se manifeste aussi dans la santé. Et pas seulement dans le secteur public, où avaient fleuri des collectifs "inter-hôpitaux" et "inter-urgences". C'est dans un milieu peu coutumier des mobilisations, celui des généralistes libéraux, que s'est constitué à la fin de l'été le collectif "Médecins pour demain". Le groupe rassemble désormais plus de 15.000 praticiens via Facebook, symptôme d'une colère sourde face à la dégradation des conditions d'exercice de la médecine de ville.

"Notre démarche n'est pas en opposition aux syndicats, mais nous ne trouvions pas dans leur communication des réponses à nos préoccupations de terrain", souligne Christelle Audigier, sa présidente.

- "Alerte" pour Berger -

Le collectif a signé un premier coup d'éclat: son mot d'ordre de fermeture des cabinets médicaux les 1er et 2 décembre a entraîné une baisse d'activité d'environ 30% chez les généralistes, selon l'Assurance maladie. Il a rallié à sa cause plusieurs syndicats soucieux de ne pas se couper de leur base, comme l'UFML et la FMF, qui lui ont même cédé une place à la table des discussions avec la "Sécu".

Cette coalition a appelé de nouveau à l'arrêt des consultations entre le 26 décembre et le 2 janvier, un mouvement qui devrait toutefois être moins suivi.

Ces collectifs parfois maximalistes dans leurs revendications ou leurs modes opératoires (un doublement du tarif de consultation à 50 euros chez les médecins, une grève dure à Noël pour les contrôleurs) vont-ils creuser la tombe des syndicats ?

Le dirigeant du premier d'entre eux, Laurent Berger (CFDT), ne le croit "pas du tout", mais prend au sérieux l'"alerte" que constituent ces nouvelles formes de mobilisation, en évoquant le précédent des "gilets jaunes".

"Si on ne considère pas le fait syndical, (...) les représentants des salariés élus à leur juste place, on aura ce type d'initiative qui se développera", a-t-il mis en garde jeudi sur BFMTV/RMC.

Ces groupes se heurtent toutefois à l'écueil de la représentativité, comme l'a illustré le collectif des contrôleurs, qui a échoué à organiser une consultation en ligne crédible.

Et "quand commence la négociation, qui négocie? Au nom de qui ? Quel est le mandat ? On ne peut pas échapper à des formes démocratiques", observe Jean Grosset, directeur de l'Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès.

Taillées pour mener une lutte sociale, ces nouvelles formes de contestation ne le sont pas pour aller "au-delà", estime le politologue Jean-Marie Pernot. "C'est pour ça que les syndicats arrivent à perdurer à travers le temps. Ils peuvent être mis en cause dans un conflit par des salariés qui estimeront qu'ils n'ont pas fait le job, mais ils finissent par reprendre la main".

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