Partager:
Des ménages aux industriels, les Français ont freiné en 2022 leur consommation de gaz en réaction à la flambée des tarifs et grâce à un hiver plus clément, mais l'année restera celle aussi où la France n'avait jamais autant brûlé de gaz pour produire de l'électricité.
La flambée des prix du gaz dans le sillage de la guerre en Ukraine, les appels à la sobriété qui ont suivi, et une douceur exceptionnelle peu propice au chauffage: tout a convergé pour faire baisser la consommation de gaz dans le pays, et de manière "très significative", a indiqué Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz, le gestionnaire des autoroutes du gaz en France.
Comparé à des températures normales de saison (en données corrigées du climat), la consommation de gaz chez les ménages, les entreprises (hors gros industriels), dans le secteur tertiaire a reculé de 6,2% en 2022 par rapport à 2021.
"D'ordinaire, on observe plutôt une baisse annuelle de 1%, donc c'est tout à fait significatif", a commenté Thierry Trouvé auprès de l'AFP.
"C'est dû au civisme mais aussi au fait des prix très élevés que nous avons connus", a par ailleurs résumé le dirigeant de GRTgaz sur France info. Mais à ce stade, "il n'existe aucune étude" qui permette de quantifier "ce qui relève d'une sobriété choisie ou subie", a-t-il précisé à l'AFP.
La reprise économique en 2021 après la pandémie de Covid avait déjà tiré les prix du gaz vers le haut, sur fond de tensions d'approvisionnement qui se sont aggravées après le début de la guerre en Ukraine et la fermeture progressive des gazoducs russes vers l'Europe.
Dans ce contexte, la France est devenue grâce à ses terminaux portuaires un "point d'entrée majeur du gaz naturel liquéfié en Europe", très convoité par des pays historiquement dépendants du gaz russe, en particulier l'Allemagne. En France, les entrées de GNL ont plus que doublé en 2022, pour la consommation du pays ou des voisins européens.
- Sobriété subie ou choisie -
L'Union européenne a finalement évité des pénuries grâce à cette diversification des approvisionnements en gaz et des appels aux économies relayés dans tous les pays, ce qui a permis de remplir les stocks à un niveau très haut avant cet hiver et de les préserver tout du long. La consommation de gaz naturel de l'Union européenne a ainsi chuté de 20,1% sur août-novembre par rapport à la moyenne des cinq années précédentes pour cette même période, soit plus que son objectif de 15%, selon Eurostat.
En France, la baisse de la consommation de gaz mesurée elle sur l'ensemble de l'année traduit "un changement de comportement chez les consommateurs finaux", sachant que le plan gouvernemental de sobriété n'a été annoncé que début octobre.
En données brutes, la consommation de gaz totale en France a baissé de 9,3%, à 430 TWh (contre 474 en 2021), ce qui entraîne une baisse des émissions de gaz à effet de serre. Mais la France aurait pu mieux faire dans ce domaine: les difficultés du parc nucléaire, qui fournit en moyenne 70% du courant aux Français, ont nécessité le recours à plus de gaz (+54,4%) pour alimenter les centrales électriques. En France, l'essentiel du gaz est d'origine fossile même si cela change peu à peu avec la montée en puissance du gaz renouvelable.
"C'est historique, on n'a jamais utilisé autant de gaz pour produire de l'électricité", a relevé M. Trouvé auprès de l'AFP.
Dans le détail, la baisse, en données brutes, a principalement été tirée par une moindre consommation chez les ménages et professionnels de l'ordre de - 16,6% et de - 11,5% dans les grosses industries énergivores. Les industries pétrochimique (-19%), métallurgique (-19%) et automobile (-18%) sont celles qui ont le plus réduit leur consommation.
"Il y a eu de la bonne sobriété, et une autre plus problématique pour l'économie car des entreprises ont aussi dû ralentir leur production en raison des prix ou partir produire ailleurs", a souligné Thierry Trouvé.