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La Banque centrale européenne (BCE) devrait à nouveau relever ses taux d'intérêt jeudi et même afficher sa volonté de poursuivre le mouvement pour combattre l'inflation, même si la zone euro est entrée en récession.
Une hausse des taux directeurs d'un quart de point de pourcentage, comme en mai, paraît acquise pour la plupart des observateurs.
Cette décision porterait le taux de dépôt, qui fait référence, à 3,5%.
Après une décennie d'argent pas cher, la BCE s'est lancée dans un cycle sans précédent de resserrement monétaire pour contrer la flambée des prix à la consommation dans le sillage de l'offensive russe en Ukraine. Elle a relevé ses taux d'intérêt de 3,75 points de pourcentage depuis juillet dernier.
L'enjeu de la réunion de jeudi porte davantage sur les signaux qui seront envoyés par la banque centrale européenne quant au cap monétaire des mois à venir.
La décision de la Fed, mercredi, de laisser ses taux inchangés après dix hausses d'affilée, a accru les attentes envers l'institution de Francfort.
Les responsables de la banque centrale américaine prévoient toutefois majoritairement de relever encore les taux d'ici à fin 2023.
Des annonces digérées difficilement par les marchés boursiers européens qui évoluaient dans le rouge jeudi matin.
Etant partie plus tard au combat que sa cousine américaine, la BCE a encore "du chemin à parcourir" pour combattre l'inflation, répète à l'envi sa présidente Christine Lagarde.
- Combien de temps ? -
La hausse des prix en zone euro est retombée à 6,1% sur un an en mai, loin du record à 10,6% atteint en octobre, mais loin également de l'objectif de 2% poursuivi par la banque centrale.
La BCE joue sa crédibilité dans la lutte pour ramener la stabilité des prix et elle n'a d'autre choix dans l'immédiat que de "resserrer davantage la politique monétaire", sans "compromis possible", juge Franck Dixmier, directeur mondial des gestions obligataires d'Allianz Global Investors.
Alors que le pic des taux semble se rapprocher, "le débat va bientôt se réorienter de la question du niveau des taux à celle de leur maintien dans la durée", a observé début juin Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE.
Pour décider combien de temps la politique monétaire doit rester restrictive, l'institution monétaire se basera notamment sur ses projections économiques, qui seront actualisées jeudi. La BCE tablait sur une inflation à 5,3% cette année, retombant à 2,1% en 2025.
Les économistes n'attendent pas ici de changement majeur.
L'inflation dite sous-jacente (calculée hors énergie et alimentaire), a poursuivi sa baisse en mai, à 5,3%, mais "rien ne prouve clairement" que cette dernière "ait atteint un pic", a récemment mis en garde Mme Lagarde.
Les pressions salariales se sont "encore renforcées", les salariés voulant récupérer une partie du pouvoir d'achat perdu en raison de la forte inflation, a-t-elle dit.
La BCE craint que ne s'engage une spirale salaires-prix qui pourrait ancrer l'inflation dans la durée.
- Equilibrisme -
La prévision de croissance pour 2023, actuellement d'1%, pourrait être revue en baisse alors que le PIB (Produit intérieur brut) des 20 pays partageant la monnaie unique a reculé de 0,1% entre janvier et mars, après une baisse de même ampleur lors du trimestre précédent, signifiant l'entrée en récession de la zone euro.
Cela est dû essentiellement au poids économique de l'Allemagne, dont le PIB s'est contracté au cours des deux derniers trimestres, quand d'autres pays comme la France ont repris le chemin de la croissance en début d'année.
La reprise difficile en Chine pèse sur la conjoncture européenne. La banque centrale chinoise a abaissé jeudi un taux de référence et injecté des milliards pour aider à relancer l'activité.
"Il nous faut juguler l'inflation sans peser trop négativement sur l'activité économique", a mis en garde M. Panetta, qui compte parmi les "colombes" du conseil des gouverneurs de la BCE, favorables à une politique monétaire souple soutenant l'économie.
Le Conseil des gouverneurs va en outre confirmer qu'il renonce à réinvestir à échéance les obligations acquises pendant les années de faible inflation.
En ajoutant des vagues de remboursements de prêts géants par les banques, cet arsenal va durcir encore les conditions de financement pour les entreprises et Etats, participant à la lutte contre l'inflation.