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La Russie a revendiqué samedi le "contrôle total" d'Avdiïvka, dans l'est de l'Ukraine, la Maison Blanche établissant un lien entre ce succès symbolique concédé à la Russie par les Ukrainiens et le blocage d'une aide militaire supplémentaire à Kiev par le Congrès américain.
Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a informé le président Vladimir Poutine de la conquête de cette cité industrielle qui était "un puissant nœud défensif des forces armées ukrainiennes", selon un communiqué de son ministère.
C'est "une importante victoire", a réagi le président russe.
L'armée ukrainienne avait annoncé dans la nuit de vendredi à samedi son retrait d'Avdiïvka après des mois de rudes combats et d'intensification des attaques russes en vue de s'emparer cette ville en grande partie en ruines. Et ce malgré des pertes en hommes et en matériel très élevées.
Cela été une "décision juste" destinée à "sauver le plus de vies possibles", a déclaré samedi le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Conférence de Munich sur la sécurité.
"Afin d'éviter d'être encerclés, il a été décidé de se retirer sur d'autres lignes", a-t-il ajouté.
- L'"inaction" du Congrès américain -
Confrontée à un manque de moyens croissant en raison notamment du blocage de l'aide militaire américaine, l'Ukraine pouvait difficilement éviter ce retrait face à la Russie qui poussait ses troupes, plus nombreuses et disposant de plus de munitions, à obtenir un succès sur le champ de bataille à quelques jours du deuxième anniversaire du début de l'invasion, le 24 février.
Dans une conversation téléphonique samedi avec son homologue ukrainien, le président américain Joe Biden a à cet égard critiqué l'"inaction du Congrès" américain, tout en réitérant auprès de M. Zelensky "l'engagement des Etats-Unis à continuer de soutenir l'Ukraine", selon un communiqué diffusé à Washington.
"Ce matin, l'armée ukrainienne a été contrainte de se retirer d'Avdiïvka après que les soldats ukrainiens ont dû rationner leurs munitions en raison de la diminution des approvisionnements, un résultat de l'inaction du Congrès, ce qui a donné lieu aux premiers gains (territoriaux) notables de la Russie depuis des mois", a déploré le président américain.
"C'est le coût de l'inaction du Congrès", a renchéri la porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Adrienne Watson, qui a appelé les parlementaires à adopter sans délai cette assistance.
L'Ukraine espère depuis des mois le vote d'une aide cruciale de 60 milliards de dollars voulue par le gouvernement du démocrate Joe Biden, en campagne pour un deuxième mandat, mais entravée au Congrès par l'opposition républicaine, sous influence de Donald Trump.
Joe Biden a ajouté samedi soir avoir dit à son homologue ukrainien sa "confiance" dans la poursuite de l'aide militaire américaine à Kiev. "J'ai parlé à Zelensky cet après-midi pour qu'il sache que j'étais confiant dans le fait que nous allons avoir cet argent", a déclaré M. Biden à des journalistes.
"Je suis heureux de pouvoir compter sur le plein soutien du président américain. Nous croyons également en la sage décision du Congrès américain", a commenté dans la soirée le chef de l'Etat ukrainien sur Telegram.
- Une "bonne décision" -
"Dans la situation où l'ennemi avance en marchant sur les cadavres de ses propres soldats et a dix fois plus d'obus (...), c'est la seule bonne décision", a commenté à propos du retrait d'Avdiïvka le général ukrainien Oleksandre Tarnavsky, le responsable de cette zone.
Il s'agit de la première grande décision sur le terrain du nouveau commandant en chef des armées ukrainiennes Oleksandre Syrsky depuis sa nomination à ce poste le 8 février. Il l'a expliquée par la volonté de "préserver" la vie de ses hommes.
Peu avant l'annonce de cette mesure, le général Tarnavsky avait reconnu la capture de "plusieurs soldats" ukrainiens par des troupes russes "en surnombre en matière d'effectifs, d'artillerie et d'aviation".
Interrogé par l'AFP sous couvert d'anonymat, un militaire ukrainien présent sur le front Est a également qualifié le retrait d'Avdiïvka de "bonne décision compte tenu du manque d'armes et d'obus d'artillerie". "Car si nous ne sauvons pas la vie des soldats, nous n'aurons bientôt plus personne pour combattre", a-t-il dit.
- De nouvelles lignes de défense -
Samedi, près du village de Progres, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest d'Avdiïvka, des journalistes de l'AFP ont vu des Ukrainiens établir de nouvelles lignes de défense avec des pelles et du matériel de chantier.
Une frappe russe sur la ville de Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, a quant à elle touché samedi des maisons, faisant au moins deux morts, selon les autorités locales. Des journalistes de l'AFP sur place ont vu des sauveteurs emporter un corps dans un sac mortuaire, tandis que d'autres déblayaient les décombres.
Quant à Avdiïvka, qui ne comptait plus que quelque 900 habitants ces derniers jours contre environ 34.000 avant la guerre, sa chute a une valeur symbolique importante.
Moscou espère que sa prise rendra plus difficiles les bombardements ukrainiens sur la grande ville voisine de Donetsk, la capitale des séparatistes prorusses dans l'est de l'Ukraine depuis dix ans.
La chute d'Avdiïvka, qui était brièvement tombée en juillet 2014 aux mains de séparatistes pilotés par Moscou avant de retourner sous contrôle ukrainien, est survenue au moment où Volodymyr Zelensky effectuait une tournée européenne pour obtenir plus de soutien.
A la Conférence sur la sécurité de Munich, il a regretté samedi le manque actuel dans les forces ukrainiennes d'armes de longue portée et de munitions qui favorise selon lui la progression des Russes.
La veille, M. Zelensky avait signé à Berlin puis à Paris des accords de sécurité bilatéraux.