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Des parlementaires boucs émissaires ? S'ils n'auront pas à se prononcer sur la réforme des retraites, nombre de députés de la majorité craignent de subir les frais d'un 49.3 décidé à l’Élysée et d'une contestation radicalisée.
Signe de temps agités, vendredi, un déplacement en Bretagne du ministre du Travail Olivier Dussopt a été reporté. Même chose pour Gérald Darmanin, Christophe Béchu et Marc Fesneau qui étaient attendus en Gironde sur le thème des incendies.
Forcément moins protégés que les ministres, les parlementaires de la majorité sont, eux, exposés en première ligne. De quoi raviver de mauvais souvenirs d'un premier quinquennat Macron déjà très agité pour les députés, de la contestation des "gilets jaunes" à celle contre le pass sanitaire: agression en foule, menaces de mort, coups de fusils devant le domicile, voitures incendiées...
Dès jeudi soir, alors que des incidents éclataient à Paris et dans plusieurs villes de France, la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé a rendu public un courrier au ministre de l'Intérieur lui demandant de renforcer la protection autour des parlementaires.
Vendredi, la députée Renaissance du Loiret Stéphanie Rist, rapporteure du texte sur les retraites, voyait sa conférence de presse quelque peu perturbée par une bruyante manifestation syndicale devant sa permanence. D'autres députés, qui ne veulent pas tous être cités, ont vu leur locaux tagués, voire dégradés. "Il y a eu des permanences attaquées, il faut une protection", glisse une source au sein de l'exécutif.
"Ce débat sur les retraites a été d'une énorme violence. Des têtes de ministres sur des ballons de football ensanglantées, des effigies du président de la République, de la Première ministre, d'Olivier Dussopt brûlées en place publique", a énuméré vendredi M. Darmanin, qui a également fait état de "pressions très fortes exercées contre les symboles de l’État" dans la nuit de jeudi à vendredi, avec 310 interpellations à la clé dans l'Hexagone.
-"Pas une fonction sacrificielle"-
"Être parlementaire, ce n'est pas une fonction sacrificielle", a-t-il cru bon de rappeler.
"Ça va être une période complexe, tendue. Mais notre rôle c'est aussi d'aller au contact des concitoyens". "Cela dit je ne vais pas forcément aller au cœur de la manif. Ce serait un peu inconsidéré", explique un député Renaissance.
Curieux paradoxe: les députés n'auront pas à se prononcer sur la réforme des retraites. Leurs opposants les plus virulents ne pourront pas faire circuler de listes de ceux ayant approuvé cette réforme si contestée. Mais le remède du 49.3 paraît presque pire que le mal.
"La politique, c’est le choix entre deux mauvaises solutions. Soit il y avait un risque de désordre politique majeur en perdant le vote. Soit on paraît brutaliser le corps social", résume un compagnon de route d'Emmanuel Macron.
Alors que bon nombre de députés souhaitaient aller au vote, quitte à le perdre, c'est la seconde option qui a été retenue. "C'est quand même une manière de suicider son propre camp. Les députés Renaissance vont porter l'opprobre de cette réforme refusée par une majorité de Français", estime l'historien Jean Garrigues.
Une décision de l’Élysée et de Matignon qui risque de laisser des traces en Macronie. D'autant que le président a expliqué qu'il n'était "pas celui qui risque sa place ou son siège" dans cette crise politique. "Les députés étaient remontés contre l’exécutif" jeudi, relève un conseiller.
"Un aveu d'échec", pour le député Christophe Marion. "Il y en a évidemment parmi les députés qui sont tout autant déçus que moi de l'utilisation du 49.3" dont "le gouvernement, l'exécutif ne ressortent pas renforcés". "Nous devons faire attention à ne pas rompre le lien entre le peuple et ses représentants", a averti l'élu du Loir-et-Cher au micro de France 3.
"Il faudra réoxygéner le gouvernement pour trouver un nouveau souffle avec les Français", renchérit Richard Ramos, électron libre du groupe allié MoDem, en précisant qu'il n'a pas de calendrier.
"Maintenant, il faut apaiser les choses. Ne pas mettre d'huile sur le feu, trouver les bons mots, les bons textes de lois", se projette le député Renaissance du Gers Jean-René Cazeneuve, qui était favorable au 49.3.
bpa-parl/reb/dch