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Le Premier ministre Sébastien Lecornu sauve donc sa tête en suspendant la réforme des retraites… principale réforme de la présidence Macron. Est-ce de ce fait une victoire ou plutôt un échec ?
Les deux, mon général ! En éloignant la menace d’une censure du gouvernement – et donc d’une nouvelle dissolution – cette décision calme le jeu. Hier, à la tribune de l’Assemblée, lors de son discours, Sébastien Lecornu a prononcé à 15h23 le mot que retiendra l’histoire : « suspension ». La réforme des retraites, qui faisait passer l’âge de départ de 62 à 64 ans, est suspendue jusqu’à la prochaine élection présidentielle, en avril 2027. Elle n’est pas supprimée, mais gelée.
Comme en Belgique, où l’on va progressivement jusqu’à 67 ans, la réforme française ajoutait peu à peu quelques mois. On en était à 62 ans et 9 mois : on va en rester là pour le moment. Trois millions et demi de Français devraient ainsi partir plus tôt que prévu.
Mais cette suspension, il va falloir la financer et trouver des recettes pour maintenir à flot le système de pension par répartition. Et ça, ce sera le travail du Parlement, qui doit voter un budget avant le 23 décembre à minuit. Sébastien Lecornu s’est en effet engagé à ne pas utiliser l’article 49.3, qui permet de passer en force. Pour la première fois depuis 1958, ce seront donc les députés qui auront le dernier mot. « Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez », a déclaré celui qui se qualifie lui-même de Premier ministre le plus faible de la Ve République.
En attendant, il lui faudra quand même, demain matin, franchir l’obstacle de la motion de censure déposée par les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon et le Rassemblement national de Marine Le Pen. Sur le plan arithmétique, comme le PS, satisfait de la suspension, a annoncé qu’il ne voterait pas la censure, ça devrait bien se passer pour le gouvernement. RN, LFI et leurs alliés respectifs comptent au total 265 députés, alors que la majorité s’établit à 289.
Seulement, dans ce genre de vote, il y a toujours des surprises : quelques socialistes, quelques Républicains et même quelques macronistes pourraient voter la censure en dépit des consignes de leur parti. Quant aux non-inscrits, ce sont des électrons libres et toute prévision reste aléatoire.
Ainsi, en mars 2023, Élisabeth Borne n’avait sauvé sa tête qu’avec neuf voix d’avance. Comme l’écrivait Victor Hugo dans son poème Après la bataille, « le coup passa si près que le chapeau tomba ».
La bataille du budget ne fait que commencer. Demain, ce sera la première escarmouche. Il faudra attendre la fin de l’année pour savoir si l’on assiste à Austerlitz ou à Waterloo.


















