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"Vous viendrez voter?", s'époumone sur scène un présentateur devant des centaines d'étudiants. A un mois du référendum constitutionnel en Ouzbékistan, les autorités s'affairent à légitimer cette réforme, censée ouvrir une nouvelle ère de développement. Et, surtout, consolider le pouvoir du président.
Si ces jeunes de la ville de Djizak (centre) n'ont pas tous l'air convaincus, l'issue du scrutin prévu le 30 avril ne fait en tout cas guère de doute dans ce pays d'Asie centrale n'ayant que peu goûté à la compétition politique depuis son indépendance de l'Union soviétique.
En ces premiers jours de printemps après un hiver rigoureux marqué par d'importantes coupures d'électricité, l'heure est aux sourires, sincères ou forcés dans cette ville située à 250 kilomètres au sud de la capitale Tachkent.
Plusieurs étudiants indiquent à l'AFP être présents à la demande de leurs professeurs, qui leur ont distribué des drapeaux ouzbeks, des pancartes avec des slogans et des casquettes. Et pas question de s'en aller: les audacieux qui tentent de s'éclipser se voient intimer l'ordre de "faire demi-tour".
Lors de cette campagne à sens unique, le pouvoir ne lésine pas sur les moyens, faisant appel à des chanteurs, sportifs et autres célébrités. Objectif: vaincre l'"indifférence" ambiante.
- "Extrêmement important" -
Des efforts qui semblent porter certains fruits. Nigora, étudiante qui refuse de donner son nom de famille, assure qu'"il faut soutenir le président et la Constitution. Pour moi et pour mon pays, ce référendum est extrêmement important".
Le président de l'Ouzbékistan Chavkat Mirzioïev, au pouvoir depuis 2016Il n'est évidemment pas question de s'attarder sur la remise à zéro des mandats du président Chavkat Mirzioïev et le passage au septennat, ce qui lui permettra en théorie de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2040.
Cela ne dérange pas Oïbek Alijonov, un entrepreneur de 45 ans venu participer au meeting et qui "ne voit aucun autre leader que le président. Il est originaire de la région. Je soutiens sa politique à 200%".
"Je suis plus confiant (dans le futur) après les changements apportés par cet homme (M. Mirzioïev) dans l'ère du +Nouvel Ouzbékistan+, je soutiendrai cet homme encore pendant deux mandats", poursuit-il.
Des formules qui résonnent avec celles utilisées au Turkménistan ou au Tadjikistan, voisins centrasiatiques aux dirigeants inamovibles.
Ici comme dans des rassemblements similaires organisés dans des stades, des universités ou des casernes militaires, on vante les bénéfices de cette nouvelle Constitution, qui apportera, selon les autorités, développement et bien-être aux quelque 35 millions d'habitants du pays.
Deux heures durant, ces quelques centaines d'étudiants ont scandé les mêmes slogans: "La Constitution est à toi, à moi, à nous!", "Oui, nous viendrons voter".
Et pour assurer le spectacle --et permettre aux jeunes de souffler--, la chanteuse Goulsanam Mamazoïtova --un million d'abonnés sur Instagram-- a été dépêchée pour assurer un concert gratuit.
- "Pas d'accord" -
Mais, hors caméra, le ton change. Azimjon Okmourodov, étudiant rencontré par l'AFP à Djizak après le meeting, reconnaît "apprécier certains amendements sur le système judiciaire".
"Mais je ne suis pas d'accord avec le passage du quinquennat au septennat. Au final, ce sera une fois de plus la même et unique personne qui dirigera le pays pendant longtemps", regrette-t-il.
Un avis partagé par Saera Iakhchilikova, une étudiante qui estime qu'"il ne faut pas modifier la durée du mandat présidentiel".
"Une personne ne devrait pas être au pouvoir jusqu'à un âge avancé. Les présidents devraient être remplacés par des élections".
Si le pays s'ouvre depuis la fin du règne de l'impitoyable Islam Karimov, décédé en 2016 après un quart de siècle au pouvoir, toutes les habitudes autoritaires n'ont pas disparu.
Car le projet de référendum constitutionnel avait démarré dans un bain de sang.
En juillet dernier, 21 habitants de la république du Karakalpakstan, territoire pauvre du nord de l'Ouzbékistan, avaient été tués dans la répression de manifestations contre un amendement constitutionnel qui aurait réduit l'autonomie de cette région.
Et depuis, plus de quarante personnes ont été condamnées à des peines de prison ferme pour leur participation à ces troubles.