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La commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager sera auditionnée mardi au Parlement européen au sujet de la nomination controversée de l'Américaine Fiona Scott Morton à un poste clé pour la régulation des géants de la tech.
Cette nomination comme nouvelle économiste en chef à la Direction générale de la concurrence a été jugée scandaleuse par des eurodéputés qui réclament des explications.
Des élus, essentiellement en France, ont épinglé ses anciennes fonctions de responsable de l'analyse économique à la division antitrust du ministère américain de la Justice, entre 2011 et 2012, ou de consultante pour des grands groupes de la tech comme Amazon, Apple et Microsoft.
Ils dénoncent de possibles conflits d'intérêts et le risque d'une ingérence de Washington dans des décisions de l'UE.
La Commission européenne avait adressé vendredi une fin de non-recevoir au gouvernement français, qui réclame l'annulation du recrutement de cette professeure d'économie à la prestigieuse université de Yale.
L'audition de Mme Vestager, prévue mardi en fin d'après-midi, sera ouverte à tous les députés européens et devrait être retransmise en direct sur le site du Parlement.
"Nous attendons des réponses claires à des questions précises concernant ce choix inédit", a déclaré à l'AFP l'eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin (Renew, centristes et libéraux), à l'initiative de cette audition.
"Comment se fait-il qu'une candidate qui a été lobbyiste des Gafam n'ait pas été exclue d'office d'un poste aussi élevé au sein de la direction qui va réguler ces Gafam? Comment la Commission ne pouvait-elle pas imaginer que cela puisse créer un conflit d'intérêts et susciter un scandale? A-t-elle été naïve ou coupable?", s'interroge l'eurodéputé Geoffroy Didier (PPE, droite).
La commissaire à la Concurrence "apprécie" cette opportunité de dialogue, "c'est une bonne occasion de pouvoir défendre cette décision prise par le collège des commissaires", a expliqué à l'AFP un responsable de l'exécutif européen, sous couvert de l'anonymat. "Nous avons surtout vu des réactions françaises", a-t-il souligné.
- "Annuler cette décision" -
Au Parlement européen, les chefs des groupes PPE, S&D (sociaux-démocrates), Renew et Verts ont écrit vendredi à Mme Vestager pour lui demander "d'annuler cette décision".
"A l'heure où nos institutions font l'objet d'un examen minutieux face aux ingérences étrangères, nous ne comprenons pas que des candidats non-européens soient pris en considération pour un poste aussi stratégique et de haut niveau", ont déclaré l'Allemand Manfred Weber, l'Espagnole Iratxe Garcia Perez, le Français Stéphane Séjourné et le Belge Philippe Lamberts.
Mais ce dernier a depuis changé d'avis et soutient finalement la nomination après avoir pu échanger avec Mme Scott Morton.
Sollicitée par l'AFP, celle-ci n'a pas souhaité faire de commentaires.
La puissante Direction générale de la concurrence est chargée de veiller au bon fonctionnement de la concurrence dans l'Union européenne (UE) et d'enquêter notamment sur les abus de position dominante des géants du numérique, qui ont donné lieu à des amendes record ces dernières années.
La nomination de Mme Scott Morton survient au moment où l'UE doit mettre en œuvre de nouvelles législations ambitieuses pour réguler ce secteur. Elle nourrit les critiques contre Mme Vestager et Mme von der Leyen, considérées comme très atlantistes.
La Commission relativise toutefois les responsabilités qui seront assumées par Mme Scott Morton, assurant qu'il ne s'agit pas d'un poste décisionnaire mais seulement d'une fonction de conseiller auprès de Mme Vestager.
Bruxelles écarte aussi tout risque de conflit d'intérêts. L'économiste en chef ne sera pas impliquée dans des dossiers sur lesquels elle a travaillé ou dont elle a eu connaissance dans son emploi précédent, a-t-on expliqué.
Mme Scott Morton a reçu lundi le soutien d'une quarantaine d'économistes de renom, dont les Français Philippe Aghion et Olivier Blanchard.
"Nous, Européens, avons beaucoup de chance d'avoir attiré quelqu'un de son calibre", ont-il estimé dans une tribune commune, estimant qu'elle avait "œuvré sans relâche pour convaincre les législateurs américains de moderniser la régulation des grandes entreprises technologiques".