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Le candidat de centre gauche Carlos Alvarado a largement remporté la présidentielle au Costa Rica, au terme d'une campagne marquée par de profondes divisions sur le mariage gay et la place de la religion.
Avec 60,74% des voix, selon des résultats portant sur 95,58% des votes annoncés officiellement dimanche soir, cet ex-ministre du Travail de 38 ans devance au second tour son adversaire, le pasteur évangélique Fabricio Alvarado, 43 ans, qui a obtenu 39,3%.
Les deux hommes n'ont pas de lien de parenté bien que portant le même patronyme.
A l'annonce du résultat, les partisans de Carlos Alvarado massés sur une place de la capitale ont hurlé de joie, agitant drapeaux jaunes et rouges aux couleurs du Parti action citoyenne (PAC), formation au pouvoir créée en 2000 et qui remporte ainsi sa deuxième présidentielle consécutive.
"Cette élection nous a permis, en tant que pays, de nous regarder dans un miroir", a lancé le vainqueur à la foule. "Dans ce miroir, nous avons vu un pays divers, qui a différents points de vue, qui connaît des inégalités, qui doit travailler pour donner plus d'opportunités à certaines parties du pays. Notre tâche doit être d'unir le pays".
"C'est la victoire du candidat qui prônait un discours d'amour et de tolérance", s'est réjoui Rodrigo Echeverria, 48 ans, sorti dans la rue fêter le résultat.
Le débat sur le mariage gay s'était imposé dans l'élection. Fervent défenseur des droits de l'homme, Carlos Alvarado a affiché son soutien au mariage homosexuel --actuellement interdit dans le pays-- auquel s'opposait son adversaire, également ancien député et candidat du parti Restauration nationale (RN, lié aux églises néo-pentecôtistes). Les deux rivaux étaient au coude-à-coude dans les sondages.
L'évangélique était arrivé en tête au premier tour, se détachant du peloton des 13 candidats grâce à une prise de position très ferme contre le mariage entre personnes de même sexe après une récente décision de justice qui affecte tout le continent.
Le 9 janvier, la Cour interaméricaine des droits de l'Homme (Cour IDH), institution émanant de l'Organisation des Etats américains (OEA), avait exhorté les pays de la région à reconnaître le mariage homosexuel, marquant une évolution majeure en Amérique latine. Le candidat évangélique s'était dit prêt à retirer son pays de la Cour.
Le pasteur avait modéré son discours entre les deux tours pour élargir son électorat mais aussi après une décision de la justice électorale qui a sanctionné pour la deuxième fois son parti en lui interdisant d'invoquer la religion pour séduire des électeurs.
Carlos Alvarado, élu pour quatre ans, est favorable à la laïcité de l'Etat dont il prône plus d'intervention dans l'économie. Il a déclaré vouloir "unir" le pays pour le faire "aller de l'avant".
- "Un gouvernement pour tous" -
Le président élu doit s'entretenir avec les responsables des principaux partis pour former un gouvernement d'union.
"Nous avons entendu le message des citoyens: un gouvernement pour tous", a déclaré Carlos Alvarado.
Son adversaire malheureux l'a félicité, soulignant qu'il "peut compter avec nous" alors que son parti, le RN, représente la deuxième force parlementaire à l'Assemblée législative avec 14 députés sur 57.
Les divisions liées au mariage gay et à la place de la religion étaient sensibles durant le scrutin.
Lundi, alors que votait Fabricio Alvarado, des femmes manifestaient dans la rue contre son conservatisme religieux, vêtues de rouge et blanc comme dans la série TV "La servante écarlate" adaptée du roman de Margaret Atwood décrivant une société dominée par une secte, où les femmes fertiles sont transformées en esclaves sexuelles.
"Nous protestons contre le fondamentalisme", a expliqué à l'AFP Gabriela Clark, militante du mouvement "Nous nous appartenons".
"C'est la première fois qu'une élection au Costa Rica se polarise sur des sujets religieux et de droits de l'homme", a souligné l'analyste Gustavo Araya, de la Faculté latino américaine de sciences sociales (Flacso).
La quasi-égalité dans les sondages des deux candidats avant le deuxième tour a montré selon lui que "la population ne sait pas encore quel modèle de développement elle souhaite" pour ce petit pays centre-américain vivant de l'écotourisme et réputé pour sa tradition démocratique et sa stabilité politique.
Le Costa Rica est considéré comme un des pays les plus progressistes de la région, avec un taux d'alphabétisation de 97,5% et un investissement supérieur à 7% du PIB dans l'éducation, selon l'Unesco.