Accueil Actu

Quand Jacques Chirac est devenu "cool"

Clope au bec, sautant le tourniquet du métro ou faisant la bise à Madonna... Jacques Chirac, marionnette fétiche des "Guignols", était devenu à sa manière une incarnation du "cool" à la française, s'affichant même sur les T-shirts de jeunes branchés.

"On en vend encore tous les jours", affirmait jeudi à l'AFP Antoine Delomez, créateur de la marque Faux (Atelier Amelot), après l'annonce du décès de l'ancien président. Parmi ses best-sellers, figure toujours le T-shirt "Chichi la famille", avec le couple Chirac posant dans un train au design très années 80.

Pour l'entrepreneur, tout a commencé en 2013, avec la mode des portraits de rappeurs imprimés sur T-shirts.

En tombant sur des photos de Jacques Chirac fleurant la nostalgie des années 70-80, il décide d'exploiter son image et fait un carton. Au pic de la "chichimania", vers 2015, il vend autant de T-shirts à l'effigie de Jacques Chirac que du rappeur Kanye West.

Sans grande surprise, il est le seul ancien président français à jouir d'un tel traitement. "On a essayé de mettre en vente un T-shirt à l'effigie de François Mitterrand, on n'a eu que des réactions politiques. On l'a laissé 30 minutes", se souvient Antoine Delomez.

- Le swag -

Un succès lié à la nostalgie d'acheteurs ayant grandi "sous Chirac", mais dénué de tout sous-texte politique. "Ce qui les a marqués, c'est le personnage des Guignols, c'est les codes faisant penser à ceux d'un rappeur" d'aujourd'hui, à travers les photos le montrant entouré de jeunes femmes, vautré dans un fauteuil ou posant sur un yacht.

La toile regorge ainsi de sites, Tumblr et comptes Facebook rendant hommage au "swag" de Jacques Chirac, terme désignant à la fois le style et l'allure du personnage.

Tel est le cas de "Fuck Yeah Jacques Chirac", créé en février 2011, proposant des photos de l'homme politique. "Au revoir Jacques", pouvait-on lire jeudi sur la page Facebook aux 45.000 abonnés, déclinée également sur Instagram, Twitter et... en T-shirts.

Pour les concepteurs, il s'agissait surtout de saluer un "style spontané, des punchlines de haute volée, un appétit de vivre, une authenticité et une simplicité", expliquaient-ils en 2016 à l'AFP.

"Nous avons donc communiqué sur son charisme en publiant (au départ) une photo de lui chaque jour, commentée avec un humour un peu +franchouillard+ mais toujours fin".

Interrogée sur cette tendance lors d'un passage à la télévision, Claude Chirac, fille de l'ancien président, se montrait dubitative il y a trois ans, rappelant que des photos de gens fumant nous paraissent aujourd'hui "incroyables", mais étaient légion auparavant.

- "Mangez des pommes" -

Pour Romain Emiel, la vingtaine, à l'origine de "The Chirac Machine", Jacques Chirac, "c'est le président de notre enfance. Malgré ses responsabilités, il ne se sentait pas bridé et était capable de sorties qui semblent aujourd'hui inconcevables".

Ce générateur de citations en ligne permet, en cliquant sur un mot, d'apprécier et de réentendre l'usage de l'adjectif "abracadabrantesque" ou du mot "pschit" par Jacques Chirac.

Mais sans les "Guignols de l'Info", show incontournable des grandes années Canal+, le capital sympathie de Jacques Chirac n'aurait certainement pas été le même. En 1995, l'équipe de Canal+ a même été accusée d'avoir favorisé son élection en présentant sa marionnette, "Supermenteur", et son slogan "Mangez des pommes" d'une façon trop joviale, face à Édouard Balladur, son "ami" surnommé "couille molle".

Le running gag avec la marionnette répétant "putain, deux ans", avant l'échéance électorale de 1995, avait déjà beaucoup fait pour adoucir l'image de Jacques Chirac, qui apparaissait autrement plus agité dans le "Bébête Show".

L'ancien président avait confié en 2007 à l'AFP trouver "sympathique" sa marionnette, qui le représente en amateur de bières et appelant "Maman" sa femme Bernadette. Mais "j'espère que c'est aussi pour d'autres raisons que j'ai été élu", avait-il plaisanté.

Jeudi, la chaîne cryptée n'a pas manqué de lui rendre hommage en tweetant "Merci Monsieur Le Président", photo de sa marionnette à l'appui.

À lire aussi

Sélectionné pour vous