Accueil Actu

Un plan sécheresse pour la Wallonie: "Il faut faire en sorte que l’eau potable soit réservée à la consommation courante"

Céline Tellier, la ministre régionale de l'Environnement, était l'invitée de la Matinale Bel RTL ce mardi à 7h50. Avec Fabrice Grosfilley, elle a évoqué la sécheresse qui a touché la Wallonie cet été, ainsi que le plan qui est mis sur pied pour y faire face l'année prochaine.

On sait qu’une dizaine de communes ont pris des arrêtés de restriction d’eau, comme Rochefort et Libin, par exemple. La pêche est interdite dans certains cours d’eau, comme la Semois, on voit d’autres petits cours d’eau qui sont à sec. Est-ce normal ?

"C’est malheureusement une nouvelle normalité, ça fait quatre ans maintenant qu’on a des sécheresses à répétition, donc on peut considérer qu’on n’est plus dans l’ordre de l’exception".

Cela veut dire qu’on doit s’habituer ?

"On va devoir surtout s’adapter, on est vraiment face à un réchauffement climatique, à un dérèglement, avec des sécheresses à répétition et des inondations aussi qui vont, à contrario, être de plus en plus présentes, avec des hivers moins rigoureux, donc tout ça va avoir des impacts".

Sécheresse tous les étés et inondations tous les automnes : il faut qu’on se prépare à ça ?

"Pas nécessairement de façon automatique, mais en tout cas clairement des phénomènes plus extrêmes de cet ordre-là. Ça veut dire que notre agriculture va devoir s’adapter, ainsi que la façon dont on gère nos forêts, et toute la façon dont on pense les espaces urbains, notamment en les végétalisant davantage".

Aujourd’hui, il y a une réunion du centre régional de crise en Wallonie. On doit s’attendre à des mesures anti-sécheresse ou pas ?

"C’est une réunion qui se fait tous les quinze jours pour monitorer la situation, c’est important, on doit gérer cette sécheresse au plus près. Il n’y a pas, à ma connaissance, de mesure additionnelle en tout cas. A court terme, on a eu quelques épisodes de pluie aussi. Mon souci, c’est de travailler sur l’élément plus structurel, à la fois en atténuant les changements climatiques, c’est tout le travail que mène mon collègue le ministre Henry (le ministre wallon du climat, ndlr), et en préparant notre territoire à s’adapter".

Vous étiez venue au début de l’été, et vous étiez rassurante. Vous nous avez dit, on a des réserves suffisantes dans les nappes phréatiques, on ne doit pas prendre de mesure drastique. Vous maintenez aujourd'hui cette affirmation ?

"Oui, parce que les nappes souterraines qui sont fournies par les précipitation d’hiver sont globalement sous contrôle".

Pourtant, on entend les agriculteurs se plaindre. C’est tout de même une tendance lourde. Dans l’agriculture, on souffre cet été.

"Là, on est vraiment sur la question des précipitations et des eaux de surface, qui impactent directement notre agriculture et nos forêts. Moi, ce que j’ai entendu, cet été, c’est que les agriculteurs prennent conscience de ces dérèglements climatiques et sont prêts à adapter les modes de culture. C’est un élément sur lequel il va falloir travailler".

Cela veut dire remplacer l'escourgeon par du manioc ?

"En tout cas, on va devoir diversifier, et c’est le ministre Borsus (le ministre wallon de l'agriculture, nldr), qui est en charge de l’agriculture, avec qui on va pouvoir travailler de concert là-dessus. Il faudra diversifier les pratiques culturales, faire en sorte d’avoir des essences, comme en forêt d’ailleurs, qui soient plus adaptées aux changements climatiques, avoir aussi une réflexion par rapport au bêtes. On sait que la difficulté ça a été de les nourrir cet été, parce qu’on a un fourrage qui est asséché et on doit déjà utiliser les réserves de l’hiver. Donc on doit vraiment réfléchir avec les agriculteurs pour faire en sorte de travailler la résilience, notre capacité à rebondir par rapport à ce genre de choses".

Mon exemple est peut-être un peu caricatural quand on dit qu’on remplace l'escourgeon par le manioc, ça veut dire qu’on change notre agriculture ?

"Tout à fait. Changer à la fois les pratiques dans les types d’essences, mais aussi assurer un couvert végétal au niveau des cultures, qu’on ait moins de sécheresse, et donc revoir aussi nos façons de travailler la terre".

Vous lancez un appel pour revégétaliser le territoire, en langage concret, ça veut dire quoi ? Non seulement on a planté de haies mais on va devoir planter des arbres aussi ?

"Tout à fait, on sait qu’on a des différentiels de température très importants lorsqu'on est face à un environnement avec beaucoup d’arbres ou pas du tout, pour des questions d’ombrage. On a vu, avec le confinement, qu’on n’était pas tous égaux face aux espaces verts en ville. Mon souhait, et on travaille avec le ministre Henry dans ce sens, c’est de végétaliser nos villes, je sais que le ministre Dermagne (le ministre wallon du logement et des pouvoirs locaux, ndlr) a aussi des projets dans les cartons à ce niveau-là, et de faire en sorte que chacun puisse avoir accès à des espaces verts de qualité et que le droit à la fraîcheur durant ces épisodes de sécheresse soit bien accessible à tout le monde".

L'idée c'est quoi, il y a un appel à projet au niveau des communes et la Région wallonne va les aider ?

"La Région wallonne va effectivement lancer différents appels à projets pour faire en sorte de verduriser nos villes, nos villages également et les soutenir en ce sens pour donner accès à tout le monde à la nature".

C’est pour la sécheresse de l’année prochaine ou dans vingt ans ?

"Vous savez, la nature a un autre rythme que le rythme politique, bien entendu, il faudra attendre que ces arbres poussent, mais les appels à projets seront lancés dans les prochains mois".

Vous avez limité votre consommation d'eau cet été ?

"Moi j’habite en appartement, je n’ai pas de piscine, donc je n’ai pas ce genre de problèmes mais je pense qu’il est important que tout le monde fasse attention à sa consommation d’eau pour avoir une consommation raisonnée. Par rapport à la question des piscines, je le disais en boutade, mais mon souhait est de permettre le développement de zones de baignade en Wallonie, de zones de baignade naturelles qui vont permettre d’éviter ce genre d’achats qui peut être lié à la sensation de sécheresse".

Cela veut dire qu’il faut décourager l’acquisition et la construction de piscines en Wallonie ?

"Oui, en tout cas les piscines non naturelles. Je pense qu’on peut avoir des dispositifs naturels qui fonctionnent bien, mais on ne peut pas imaginer une consommation aussi accrue d’eau potable pour ce genre de pratiques. [...] Je suis en train de travailler sur un plan de sécheresse intégral pour l’année prochaine et on va intégrer une série de mesures, cela peut être des mesures de soutien, aux citernes à eau de pluie, ou autre".

Les piscines, ça peut être coercitif, il peut y avoir une taxe piscine ?

"Non, on n’est pas du tout en train de parler de taxe piscine, ne vous emballez pas, mais en tout cas, il faut faire en sorte que l’eau potable soit bien réservée à la consommation courante, c’est là l’objectif prioritaire".

Revoir l'interview dans son intégralité:

À lire aussi

Sélectionné pour vous