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"Indigne" et "illégal": la ville de Liège avoue réclamer des redevances de stationnement injustement... mais continue malgré tout

Julien, un policier de la route qui maîtrise bien le code de la route, se retrouve piégé par des redevances de stationnement illégitimes dans sa propre ville. En cause : une signalisation modifiée, reconnue par la commune elle-même... qui continue pourtant de sévir pour cette même raison.

Julien, dont nous tairons le vrai prénom par souci de confidentialité, nous relate sa mésaventure qui commence en 2023 : "En octobre et novembre, je me suis arrêté sur le côté gauche de la rue Sohet à Liège", commence le Liégeois, policier de la route.

"En janvier, je reçois un avis de la commune. Elle me réclame deux fois quarante euros pour m'être stationné sans avoir honoré l'horodateur", se rappelle-t-il.

Intrigué, Julien vérifie la signalisation : "J'ai contesté la redevance sur sept points, un seul de ces points a suffi pour obtenir l'annulation de la redevance : il n'y a pas de signalisation de ce côté de la chaussée." Le policier de la route étaye son propos avec l'article 70.2.2. du code de la route : "Les signaux E1, E3, E5, E7 et E9a à E9j ont effet du côté de la voie publique où ils sont placés et à partir du signal jusqu'au prochain carrefour".

Nous avons consulté les archives de Google Maps. En 2013, les deux côtés de la rue Sohet sont payants. À un moment entre 2019 et 2023, le côté gauche de la rue Sohet passe en parking réservé pour les riverains sur 30 mètres. La rue étant plus longue, le stationnement n'est pas payant après 30 mètres.

La ville de Liège, par courriel, reconnaît : "Suite aux derniers aménagements, la rue Sohet est une zone à la fois à emplacements riverains et à emplacements payants. Le motif de la redevance est caduc, celle-ci n'est pas maintenue", avoue le service du contrôle du stationnement."Cela fait des années qu'ils réclament illégalement de l'argent aux usagers", s'indigne Julien.

Des erreurs reconnues... mais qui persistent

Fort de cet aveu écrit, notre témoin pensait que l'affaire en resterait là. Mais Julien sera confronté au même problème plus d'un an plus tard : "En janvier 2025, je reçois un nouvel avis pour trois stationnements au même endroit (trois fois quarante euros). Or, il n'y a toujours pas de signalisation qu'ils avaient pourtant reconnue comme absente voici un an !"

Des centaines de personnes à qui la ville a réclamé de l'argent

Malgré ses nouvelles contestations, la ville de Liège persiste à lui réclamer le paiement. "Aussi, j'ai demandé la preuve de ma redevabilité comme l'exige le Code civil. Ils ne m'en ont toujours pas remis et persistent à me faire payer." Face à un montant de "seulement cent vingt euros" pour ces dernières redevances, notre témoin hésite à engager des frais d'avocat. "Aussi, il y a des centaines de personnes à qui la ville a réclamé de l'argent. Mais c'est toujours le pot de terre contre le pot de fer. Je trouve leur manière de faire indigne d'un service public."

Un policier de la route "particulièrement sensible à l'injustice"

Notre alerteur trouve cette situation particulièrement injuste : "Je suis membre de la police de la route. Je ne suis pas réactionnaire. Mais je suis particulièrement sensible à l'injustice. Alors quand elle vient de l'autorité...", déplore-t-il.

Pour les redevances plus récentes de 2024, Julien les a à nouveau contestées, mais n'a pas encore reçu de réponse du service de la ville concerné.

RGPD et manque de preuves

Notre témoin s'interroge également sur le partage de ses données personnelles. En effet, l'infraction est constatée par un policier au volant de la scan car : "Le collègue qui est dans la scan car donne toutes les informations à la commune. À deux reprises, j'ai demandé à la ville de me donner une copie du protocole d'accord entre la zone de police (policier dans la scan car) et la commune de Liège qui gère les redevances. Ma demande est restée lettre morte. C'est fort opaque."

Il a cependant constaté une évolution troublante dans les documents de la ville : "En 2024, comme par enchantement, leurs documents n'indiquent plus que c'est un policier qui a constaté quoi que ce soit. Mais c'est bien un policier qui est dans la scan car."

Il pointe également le manque de preuves de son infraction : "Pour une contravention, si je dépasse une ligne blanche, c’est à moi de prouver que je ne l'ai pas franchie. Mais pour une redevance, ils doivent prouver que vous êtes redevable, avec une photo de l'infraction par exemple". Or, selon lui, la ville de Liège ne lui a jamais fourni de telles preuves. "J'ai demandé de quel côté de la rue j'étais, si je suis à l'arrêt ou en stationnement, on ne me répond pas non plus."

Un seul objectif: faire rentrer de l'argent

Bruno Gysels, avocat spécialisé en droit de roulage, déplore le bourbier légal en matière de redevances de stationnement. "C’est d’une complexité extraordinaire. À se demander si ce n’est pas fait exprès". L'avocat, qui a récemment suivi une conférence sur ce sujet-même, souligne le ridicule de la situation : "La conférencière, qui avait ciblé les redevances à Bruxelles, disait elle-même, avocate, s’adressant à d’autres avocats, que cette matière est très difficile à comprendre, alors je ne vous dis pas pour les justiciables !"

Pour Bruno Gysels, ces procédures ont souvent un objectif purement financier. "Toutes ces procédures ont pour moi un seul objectif, c’est faire rentrer de l’argent. Il y a 10-20-30 ans, dire cela, c’était un peu léger. Aujourd’hui, c’est flagrant de chez flagrant." Il dénonce également certaines pratiques des communes qui affirment que le paiement est obligatoire même en cas de contestation, ce qui est inexact.

On s'attend à ça d'entreprises mafieuses

Concernant le cas de notre témoin, Julien, Bruno Gysels n'est pas surpris par l'attitude de la ville de Liège. "Je ne suis pas étonné par son histoire. On s’attend à ça d’entreprises privées ou mafieuses, mais pas du service public. Tant que les gens payent… C’est assumé par ces administrations."

Face à ces situations, dont l'avocat a fait son cheval de bataille, Bruno Gysels se dit démuni : "Les juges, malheureusement, traite les dossiers au cas par cas. Le juge ne va jamais dire qu’il y a un problème plus général. Moi, je n’ai pas d’autres solutions, je n’en ai pas encore trouvé pour dénoncer ce comportement."

Contactée par nos soins, la ville de Liège n'a pas été en mesure de fournir une réponse dans l'immédiat.

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