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"La valeur de l'épargne des Belges s'effondre", s'inquiète Margot via le bouton orange Alertez-nous. "Mon mari et moi, nous avons perdu beaucoup d’argent", confie cette retraitée de 63 ans. Francophone, elle habite en Flandre occidentale avec Mohsen, son époux âgé de 70 ans.
Il y a de nombreuses années, ils ont chacun souscrit une épargne-pension via leur banque. "On épargne depuis 35 ans au moins", explique Margot. Cette année, en consultant leurs relevés trimestriels envoyés par leur banque, le couple a été très surpris. "On s'est rendu compte que, de trois mois en trois mois, ce n'est pas 10.000 mais 13.000€ qu'on a perdus ensemble. C'est un truc de fou", s’indigne la pensionnée. "Pourtant, nous avons un profil très défensif", ajoute-t-elle.
Qu’est-ce qu’une épargne-pension ?
Face à cette inquiétude, une première question basique se pose. Qu’est-ce qu’une épargne-pension ? Il s’agit d’une formule d’épargne à long terme que vous pouvez entamer dès l’âge de 18 ans. Elle permet de constituer vous-même une pension complémentaire à votre pension légale. Si vous respectez certaines conditions (âge, durée, résidence), vous pouvez bénéficier d’un avantage fiscal. Grâce à cette réduction d’impôts, vous pouvez récupérer 25 ou 30% du montant investi, selon les cas.
Un compte auprès d’une banque
Comment faire pour posséder une épargne-pension ? Il faut savoir qu’il existe plusieurs possibilités. Margot et Mohsen ont souscrit une épargne-pension auprès de leur banque. Ils ont donc opté pour un compte d’épargne-pension. "Nous, c'est un fonds dans notre banque avec des actions et des obligations", indique la sexagénaire, qui s’est renseignée récemment à ce sujet auprès de son banquier. Dans ce cas-là, vous ne bénéficiez pas d’un rendement annuel minimum garanti puisque ce fonds est une sorte de portefeuille d’obligations et d’actions dont l’évolution dépend de la bourse.
"Des fonds d’épargne-pension prennent la forme d’organismes de placement collectif et sont soumis à la performance des marchés financiers", explique le service presse de Febelfin, la fédération du secteur financier.
"En concertation avec votre conseiller financier, vous pouvez choisir différents types de fonds d’épargne-pension en fonction de votre profil de risque et de votre âge/horizon, allant du défensif au dynamique", ajoute-t-il. Vous pouvez donc choisir entre un fonds "défensif", "neutre" ou "dynamique". Vous prenez ainsi moins ou plus de risques par rapport au rendement de vos investissements.
Un contrat d’assurance
Une autre possibilité, c’est de choisir une assurance d’épargne-pension auprès d’un assureur. C’est donc un contrat d’assurance pour lequel vous demandez une réduction d’impôt. Concrètement, votre assureur s’engage à vous verser un capital à votre retraite en échange de vos versements. Et pas de surprise, le rendement annuel minimum est alors garanti. De plus, vous pouvez éventuellement recevoir une participation aux bénéfices qui dépend des résultats financiers de votre assureur. Les assureurs appellent ce type de formule sans risque un contrat de la branche 21.
Il est également possible de signer pour un contrat de la branche 23. C’est une assurance à laquelle un fonds d’investissement est associé. Dans ce cas, vous percevrez le rendement de vos investissements quand votre contrat arrivera à échéance. Le résultat final dépend alors de l’évolution de la bourse. Vous prenez donc un risque sans garantie de récupérer votre mise. Mais à long terme, vous pouvez espérer un rendement potentiel élevé. Enfin, sachez qu’une combinaison des deux branches (21 et 23) est possible. Les frais liés à ces contrats d’assurance sont parfois élevés et peuvent varier d’une compagnie d’assurance à l’autre. Mieux vaut comparer les coûts demandés.
C’est dramatique pour une personne qui a un contrat à durée limitée
Febelfin souligne aussi une différence de taille entre les fonds et les assurances d’épargne-pension. Le moment du retrait de votre capital n’est pas le même. "Avec les fonds d'épargne-pension, ce choix est libre et il n'y a aucune obligation de retirer les fonds à l'âge de la retraite. Avec l'assurance épargne-pension, il n'y a pas de choix du moment de sortie, et elle prend généralement fin à l'âge de 65 ans", indique la fédération. "En outre, le traitement fiscal des produits est également différent", ajoute Febelfin.
Dans le cas de Margot et Mohsen, ils ne sont donc pas obligés de reprendre leur argent maintenant puisqu’ils possèdent chacun un compte auprès de leur banque. "Heureusement pour nous. Mais c’est dramatique pour une personne qui arrive aujourd'hui à 65 ans et qui a un contrat à durée limitée puisqu’elle est obligée de reprendre son épargne. Ces gens-là perdent énormément. C'est ce que nous a dit le banquier", déplore Margot.
Des "conditions exceptionnelles"
Actuellement, les marchés financiers sont en effet très volatiles. "Les conditions de ces derniers mois sont exceptionnelles. En réponse à l'inflation élevée, les banquiers centraux relèvent régulièrement les taux d'intérêt, ce qui a toutefois un effet négatif sur la croissance économique et la valorisation des obligations et des actions", explique Febelfin. "Par conséquent, nous constatons que les produits plus "défensifs" ont également enregistré des performances plus faibles au cours de cette période".
Les fonds d’investissement belges, y compris d’épargne-pension, ont ainsi fortement chuté au premier semestre de 2022. Le marché des fonds connaît une mauvaise année avec une "très forte baisse" des actifs sous-jacents, révèle la BEAMA, l’association belge des asset managers constitutive de Febelfin. Ils ont diminué de 12,6% ou 34,6 milliards d’euros. Au deuxième trimestre, la guerre en Ukraine a joué un rôle négatif, en plus des inquiétudes post-Covid notamment en raison des problèmes dans les lignes d'approvisionnement et de la hausse des prix.
"Quand les actions et les obligations baissent, comme c'est le cas cette année, la valeur du fonds diminue. Pour la plupart des gens, cela n'est pas un problème. Ce n'est pas la première fois que cela arrive. Mais une perte de 13.000 euros, c'est beaucoup en fin de carrière", commente Nicolas Claeys, spécialiste financier chez Test-Achats.
Pas d’inquiétude à avoir "quand vous avez entre 20 et 50 ans"
En d’autres termes, pour les jeunes et les personnes qui ne sont pas proches de la retraite, il ne faut pas trop s’inquiéter. "Quand vous avez entre 20 et 50 ans, ce n'est pas top grave parce que vous avez le temps que la situation s’améliore", souligne le spécialiste. "Pour un jeune, un produit sans risque, ce n'est d’ailleurs pas forcément intéressant car le rendement sera limité. Le taux est faible. Une assurance avec risque, c'est ce qui rapporte le plus", assure Nicolas Claeys.
Febelfin présente la même analyse. La fédération du secteur financier rappelle que les fonds d’épargne-pension sont des "produits d’investissement à long terme". "Lorsque vous souscrivez une épargne-pension, vous vous engagez généralement pour plusieurs décennies, jusqu’au moins l’âge de la retraite. Il ne faut donc pas s’inquiéter si une période est plus difficile qu’une autre. Les nombreuses années que vous avez devant vous permettront en principe de compenser les effets négatifs des périodes moins favorables".
Mieux vaut commencer au début de votre carrière
En général, Febelfin conseille de commencer, si possible, à épargner au début de votre carrière professionnelle. "Le patrimoine constitué grâce à l’épargne pourra à terme être d’autant plus important. En effet, les fonds d'épargne-pension tirent parti des atouts de la capitalisation. Les produits sont réinvestis et génèrent de nouveaux rendements pour l'investisseur qui perçoit des "intérêts sur intérêts". Plus on entre tôt dans un fonds d'épargne-pension, plus on peut profiter de cet effet pendant de nombreuses années", soutient la fédération.
Ne reprenez pas votre argent trop vite
Autre conseil : mieux vaut continuer à investir même dans des périodes moins favorables, comme c’est le cas pour le moment. Et surtout, il faut investir uniquement de l’argent dont vous n’avez pas besoin pendant une longue période. Si vous demandez votre épargne après seulement quelques années, pour l’achat d’une maison par exemple, vous allez en perdre une grande partie parce que le fisc va vous pénaliser lourdement. Si vous prenez votre argent avant vos 60 ans, vous devrez payer des impôts sur le montant prélevé (en général 33%).
Il est de toute façon important d’épargner sur le long terme. D’après Febelfin, si on prend une perspective sur de longues années, les fonds d’épargne-pension permettent en général d’avoir des rendements positifs, "crise ou pas crise". "A titre d’exemple, fin juin 2022, le rendement théorique moyen des fonds d’épargne-pension sur une base annuelle était de +4,7 % pour une période de 10 ans et de +4,3% pour une période de 25 ans", indique la fédération.
Que faire si vous approchez de la retraite ou si vous êtes retraités ?
Mais quels conseils donner à Margot et son époux, qui sont tous les deux âgées de plus de 60 ans ? "Dans leur cas, puisqu’ils possèdent un compte épargne-pension, il y a deux possibilités. Soit reprendre l'argent, accepter la perte et se consoler peut-être en regardant ce que cela représente par rapport à l'investissement total. Soit espérer que la situation financière s'améliore et que les actions remontent d'ici quelques mois ou années", conseille le spécialiste financier chez Test-Achats.
En temps de crise, comme aujourd’hui, mieux vaut donc plutôt attendre. "Si vous avez atteint l’âge de 65 ans, vous n’êtes pas obligé de récupérer votre investissement immédiatement si la valeur de votre fonds d’épargne-pension est temporairement plus basse. Il est en effet possible de laisser le placement en l’état pendant un certain temps et de retirer le montant plus tard, lors d’un moment plus propice. Il est également possible de ne retirer qu’une partie du capital-pension et de retirer ultérieurement l’autre partie", confirme Febelfin.
Attendre en espérant une reprise… imprévisible ?
Évidemment, la bourse reste un domaine imprévisible. Il est donc difficile de prédire l’avenir. Par exemple, selon la fédération, les fortes baisses de valeur qui se sont produites en printemps 2020 lors de la pandémie ont été éliminées un an plus tard. "L’évolution d’une crise est difficile à prévoir. La reprise ne l’est pas non plus. Après une chute intense et violente au début de la pandémie, on a observé une reprise relativement rapide et étonnamment forte", indique Febelfin.
Aujourd’hui, la fédération assure que l’impact négatif de la crise énergétique et de l’inflation associée sur le marché boursier est plus progressif. "En raison de l’imprévisibilité des circonstances extérieures, il y a également beaucoup de volatilité sur les marchés. Par conséquent, la moindre bonne nouvelle peut déclencher un petit rallye, mais inversement, une mauvaise nouvelle peut l’annuler immédiatement. Par conséquent, il est particulièrement difficile d’estimer le moment où un creux se forme. Il est donc tout aussi difficile de prévoir le moment et la durée de la reprise", révèle Febelfin.
A l’approche de la retraite, pensez à sécuriser votre argent
Par contre, tout le monde ne peut pas simplement attendre et espérer. Certaines personnes ont besoin de reprendre cet argent épargné au fil des ans. "Vers l'âge de la retraite ou après, si vous avez besoin de votre argent pour compléter votre pension légale, vous allez en perdre. Vous êtes coincé. Pour éviter ça, c'est possible de réaliser un transfert d'un fonds avec risque vers une formule sans risque. C'est important de sécuriser son argent à ce moment-là pour éviter de subir des fluctuations de 10-15%", conseille Nicolas Claeys.
A partir de 50 ans, il est donc recommandé de revoir son épargne-pension et de passer à un profil défensif. Test-Achats vous conseille de transférer la totalité de votre avoir pour ne pas payer une amende fiscale. Vous pouvez donc passer d’un fonds d’épargne-pension à un autre et d’un contrat d’assurance à un autre. Soit vous restez dans la même banque ou chez le même assureur, soit vous décidez de changer. Mais, avant tout changement, renseignez-vous auprès d’un conseiller pour savoir les frais éventuels, en fonction de votre situation personnelle.
Enfin, vous pouvez aussi arrêter de verser de l’argent sur un compte d’épargne-pension et signer un nouveau contrat d’assurance sans risque.
"Nous ne poussons pas suffisamment les personnes à l’approche de la retraite vers des formules sans risque. C’est le reproche que nous faisons au système actuel", ajoute le spécialiste financier de l’association de consommateurs.
Margot confirme cette situation. "Bien que je sois quelqu'un de rigoureux dans les papiers, cela fait 35 ans que l'on a souscrit à cette épargne et je ne savais plus si c’était un contrat avec une date limitée ou pas", confie la sexagénaire. "Et nous ne sommes pas le seul couple à réagir comme ça. On se dit qu’on épargne chaque mois et une espèce de tranquillité s’installe. Mais ce n'est pas forcément vrai, c’est important de vérifier", souligne la pensionnée qui espère une reprise rapide.