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Filmer la justice sans trahir sa nature : c’est le pari réussi de l’émission "Face au juge". Depuis dix ans, Julie Denayer et son équipe plongent les téléspectateurs dans les audiences pénales, avec l’accord des prévenus et sous l’œil bienveillant de magistrats comme Luc Hennart.
Quand Julie Denayer propose il y a dix ans de filmer des audiences judiciaires en Wallonie, l’idée paraît audacieuse, voire irréalisable. Si des expériences similaires existent en Flandre, ce n’était pas le cas dans le sud du pays. "Je suis allée en repérage dans les palais de justice pour voir si certains juges accepteraient le projet. Le juge Luc Hennart a été l’un des premiers à me faire confiance, sans savoir vraiment dans quoi il s’engageait", raconte la journaliste et présentatrice.
Le résultat, c’est "Face au juge", une émission qui montre la justice pénale belge telle qu’elle se déroule, sans mise en scène. Avec son ton direct, son côté pédagogique assumé et une humanité palpable, elle est devenue l’un des programmes les plus suivis du paysage audiovisuel belge.
Tournages : une année complète pour une saison
Contrairement à ce que l’on pourrait croire en regardant les séquences les plus marquantes de l’émission, chaque saison demande un long travail d'observation et de tri. "Il faut une année entière de tournage pour obtenir les épisodes quand on sort une saison", explique Julie Denayer. L’équipe assiste à de nombreuses audiences, avec un objectif : trouver les histoires justes, humaines, représentatives.
Mais toutes les images ne peuvent pas être utilisées. Chaque personne filmée doit donner son accord : "Nous installons nos caméras dans les salles d’audience. Les prévenus savent qu’elles sont présentes dès leur entrée, et nous leur reposons la question à la sortie. Je précise qu’ils peuvent encore se désister, même après avoir signé notre document de cession de droit à l’image, y compris jusqu’à la veille de la diffusion.".
Qui donne l’autorisation de filmer ?
L’accès aux audiences n’est pas automatique. C’est le président du tribunal qui autorise ou non la présence des caméras. Dans le cas de Luc Hennart, les choses ont été facilitées par le fait qu’il était à la fois juge des affaires filmées… et président du tribunal.
Mais cette ouverture ne signifiait pas pour autant un accord de façade. "Il n'y a pas eu de mise en scène. Julie a planté ses caméras dans ma salle d'audience et elle a filmé ce qu'elle a estimé devoir filmer, ce qu'elle a fort bien fait", confie Luc Hennart, aujourd’hui à la retraite.
Ce qui rend l’émission si singulière, c’est l’équilibre qu’elle parvient à trouver entre rigueur judiciaire et proximité humaine. "Quand on a créé l'émission, on voulait vraiment avoir ce côté didactique", précise Julie Denayer. Cette dimension pédagogique est assumée : les téléspectateurs apprennent, épisode après épisode, ce qu’est une peine avec sursis, une suspension du prononcé ou une procédure accélérée.
Luc Hennart le confirme : "Quand des gens m’interpellent dans la rue pour me parler d’un jugement qu’ils ont vu, ils posent des questions et m'interrogent sur la décision que j'ai prise. Ils veulent comprendre et je leur donne des explications".
Alors que la prochaine saison est attendue pour 2026, un livre vient prolonger l’expérience. "Face au juge – Dans les coulisses de la justice belge", publié aux éditions Racine avec RTL tvi, retrace l’aventure de l’émission, avec des portraits de juges et des affaires marquantes.


















