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"Unique", "mémorable", "historique", "inoubliable", "éternel"... les Argentins extatiques rivalisaient de superlatifs pour qualifier ce jour de parade des champions du monde dans les rues de Buenos Aires. Une ferveur démentielle au goût d'inachevé.
Tous, malgré l'écrasante chaleur de l'été austral, voulaient, se devaient, d'être là.
"Je veux voir Messi", répètent à l'unisson ceux convergeant vers l'Obélisque, lieu des rassemblements festifs, "emblème du peuple porteño" - où la première fois fut hissé le drapeau national dans la capitale, en 1812 - devenu ce mardi "le centre de l'Argentine", dit Agustin Deleriche, 23 ans, venu d'Avellaneda, en banlieue sud.
"Même si je ne vois Messi que de loin je m'en fiche", c'est "historique", dit Paola Zattera, 43 ans, fonctionnaire.
Des familles, des amis, n'ont pas hésité à faire des centaines de kilomètres à travers l'immense pays, comme Luciano Peralta, commerçant de 41 ans de Rosario, "la ville natale de Messi", à 300 km de Buenos Aires. Il loue "cette équipe nationale proche du peuple argentin" qui a pu "s'identifier à elle".
Lionel Messi est partout. Dans toutes les bouches, tous les chants, sur le dos des maillots. Inutile d'essayer de vendre ici un maillot floqué d'un autre nom... Tous sont là pour "voir" les héros de la "Scaloneta" mais plus particulièrement leur nouveau "D10S" vivant, leur messie, qui en ramenant brassard au bras et talent aux pieds le trophée après 36 ans de disette s'est installé au rang de "Dieu du football" en Argentine, au côté du défunt Diego Maradona, parti en novembre 2020, mais à jamais présent dans le coeur et l'âme argentins.
Les maillots de l'Albiceleste, revêtus par plus de 90% des gens grâce au bas prix des copies des vendeurs de rue, sont sur toutes les épaules. Ils se mêlent aux drapeaux argentins dans une vague bleu ciel et blanc qui ondule sans fin sous une houle de bonheur.
- "Un Mondial unit un pays" -
Sergio Barreras, 30 ans, originaire de Quilmes, en banlieue sud de la ville, est un des rares à porter le maillot d'un club, celui de Boca Juniors. "Je n'ai pas (le maillot de l'Argentine) mais je le porte en moi, dans mon cœur. Aujourd'hui on est tous d'Independiente, de Boca, du Racing, on est tous des Argentins", clame-t-il.
Son ami Agustin Deleriche porte lui celui de River Plate, le rival de Boca: "Quelles que soient les couleurs, de n'importe quelle classe sociale, les gens sont venus. C'est ça gagner une Coupe du monde, un Mondial unit un pays et ceux qui l'ont vécu ne l'oublient jamais".
"C'est beau de vivre ce moment, en tant qu'Argentin, de le partager avec d'autres Argentins", abonde Fiorella Lavia, 18 ans, étudiante.
"Voir l'Argentine remporter une Coupe du monde alors que je suis si jeune est une bénédiction", souffle Lautaro Rodriguez, 21 ans, venu avec sa petite amie de Berazategui, au sud de la capitale.
Nicolas Tort, 28 ans, artisan et danseur de tango d'Ayacucho, à 350 km de Buenos Aires, est arrivé au petit matin et a gagné l'Obélisque où il "espère que les joueurs arriveront, qu'on pourra les saluer" et "rentrer en pouvant dire +on les a vus+".
En vain. La boucle d'environ 70 km prévue en autobus à impériale s'est arrêtée au bout de quatre heures et quelques kilomètres à faible allure face à la pression populaire. Sans même pouvoir entrer dans la ville, sans passer par l'Obélisque ni même à la Casa Rosada, au balcon de la présidence où Maradona, lui, avait été en 1986.
"J'aurais aimé que ça se termine différemment", dit, amer Roman Garcia, fonctionnaire de 38 ans. "On est heureux, pour les gens, pour tout. Mais un peu déçu parce qu'une fois de plus on a montré que nous, Argentins, on ne peut rien organiser", renchérit Jorge Ortalli, de Campana, au nord de Buenos Aires.
Ferveur excessive pour le football et à la fois dure réalité: sous toutes ses facettes, l'Argentine s'est affichée ce mardi, décrété férié, qui restera dans les mémoires et les livres d'histoire avec ce rassemblement record de plus de 5 millions de personnes venues fêter ce "rêve devenu réalité" d'une troisième étoile.