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Après la défaite de l'EI, les Afghans d'Achin pansent leurs plaies

Les combattants du groupe Etat islamique ont abattu le fils de l'une, décapité d'autres, torturé, terrorisé des villageois, miné la zone... à peine libéré du joug des extrémistes, le district d'Achin, dans l'est de l'Afghanistan, se remet péniblement de cinq années de cauchemar.

Ils "ont commis beaucoup d'atrocités", raconte à l'AFP Gulnar Malik, une fermière de 55 ans, peu après que l'armée afghane a délogé les jihadistes, au terme de mois de combats dans les villages, de bombardements et de frappes aériennes américaines.

Habitant la province du Nangarhar, frontalière du Pakistan, cette mère de cinq enfants avait vécu son lot d'épreuves, dans un pays en guerre depuis quatre décennies. Mais rien n'aurait pu la préparer à l'orgie de carnages imposée à sa communauté pour imposer une version afghane du "califat".

"Ils ont abattu un de mes enfants et en ont blessé un autre. Mon fils essayait de s'enfuir en courant quand ils lui ont tiré dessus", se rappelle Gulnar Malik, les traits tirés sous un voile noir.

Son mari Abdul Malik a été détenu et torturé pendant trois semaines par les extrémistes. Lui raconte les prisonniers "massacrés comme des animaux" une fois jugés. "Cela me prendra des années pour revenir à la normale", observe ce sexagénaire à la longue barbe blanche et coiffé d'un calot.

Le couple a retrouvé son foyer le mois dernier, après l'annonce par l'armée de l'élimination complète de la branche afghane de l'EI (Etat islamique Province du Khorasan, ou IS-K) dans le Nangarhar.

Même si des responsables locaux sont moins convaincus que la victoire soit aussi définitive, elle marque effectivement un succès majeur pour les forces afghanes.

Les combattants de l'EI, comptant bon nombre de talibans déçus par leur mouvement, ont constitué leur première tête de pont en Afghanistan dans le district montagneux d'Achin à partir de 2015.

Ils ont démenti les prévisions des Américains sur une défaite rapide que leur infligeraient des frappes aériennes et des attaques des talibans. Et ont gonflé leurs rangs avec des jeunes attirés par l'argent ou leur idéologie islamiste radicale, répandue dans les universités. Kaboul accuse également le Pakistan voisin de les avoir soutenus.

Un correspondant de l'AFP s'est rendu récemment avec une unité de l'armée dans le petit village de Pekha, pour y constater les destructions induites par la présence de l'IS-K.

De nombreuses maisons en pierres du village, perchées sur les flancs d'une colline verdoyante, ont été réduites à des tas de gravats. Les murs encore debout sont marqués d'impacts de balles. Des carcasses de voitures jonchent le bord de la route.

"Nous avons été obligés de quitter nos maisons. En revenant, tous nos biens étaient détruits", se plaint Himatullah, 36 ans.

Il se souvient qu'à l'arrivée des combattants de l'IS-K, ils ont forcé des habitants à "s'asseoir sur des bombes", avant de les déclencher.

Une autre fois ils ont "coupé la tête" d'un homme accusé d'adultère. Un militaire a de son côté été décapité "la troisième nuit après son mariage", narre le père de la victime, Batoor Khan, 55 ans.

Même chassés, la présence passée des extrémistes laissera des traces profondes dans une population traumatisée.

"Daech a mis des mines partout, dans les écoles, les cliniques, les maisons", se lamente Himatullah, en utilisant un terme arabe désignant couramment l'EI.

- Ils se rendent en masse -

Selon une source militaire américaine, les opérations de l'armée afghane, avec le soutien aérien des forces menées par les Etats-Unis, ont créé les conditions pour que plus de 1.400 combattants de l'EI et leurs familles se rendent au cours des dernières semaines.

"Le succès des forces afghanes contre Daech dans l'est de l'Afghanistan est la preuve de ce qu'elles sont maintenant capables d'accomplir", affirme ce responsable.

Les militaires américains ne donnent plus de chiffres sur les effectifs de l'IS-K, estimés auparavant entre 2.500 et 4.000 combattants.

"Nous mesurons la menace en termes d'intentions, de capacités et de trajectoire, pas en nombre", poursuit le responsable.

Mais si l'IS-K a été vaincu à Nangarhar, il reste des poches de résistance, et des éléments susceptibles de se regrouper, remarque-t-il. "Au bout du compte, Daech reste une menace... ils ont la volonté et l'intention d'exporter la terreur en dehors de l'Afghanistan".

Herat Khan, un ancien du district d'Achin, estime que seulement 10% des familles du village y sont restées pendant l'occupation par l'Etat islamique. Il espère l'aide du gouvernement pour reconstruire les maisons détruites.

Selon lui, l'IS-K serait toujours visible dans deux endroits, ce que réfute le commandant de l'armée afghane Najibullah. "L'endroit est complètement nettoyé de leurs combattants", prétend-il, ajoutant qu'"ils ne reviendront pas".

L'IS-K reste pourtant bien présent, dans la province de Kunar par exemple, voisine de celle du Nangarhar.

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