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"Les perdus, les perdants et les peureux" : qui sont les électeurs de l'extrême droite en Flandre ?

Le Vlaams Belang est annoncé à près de 30% aux élections en Flandre le 9 juin prochain. Ce serait du jamais vu. Les électeurs du Vlaams Belang considèrent la Belgique "comme une erreur historique". Pour tenter de les comprendre, Christophe Deborsu a enquêté durant un an au coeur de l'extrême droite flamande. 

RTL info : Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l'extrême droie flamande ? 

Christophe Deborsu : Le Vlaams Belang, c'est le parti qui, pour l'instant, fonctionne bien dans les sondages. Ils sont à 27,8 en Flandre, ce qui est du jamais vu. Leur record précédent était de 24,3% en 2004. Depuis lors, ils avaient beaucoup baissé, mais là, ils remontent et atteignent des scores qu'on n'avait pas vus depuis la guerre pour un parti d'extrême droite.

En plus, c'est un parti indépendantiste qui pèse sur l'opinion publique en Flandre. On s'est demandé pourquoi la Flandre se tourne vers l'extrême droit ? Cette question revient souvent : comment est-ce possible qu'une région si riche vote pour un parti comme celui-là ? Ce à quoi on va essayer de répondre dans ce documentaire.

Connaissiez-vous déjà ce parti avant de préparer ce documentaire ? 

Bien sûr. Je suis ce parti depuis 1991, depuis le début. Je suis journaliste politique et je me suis toujours beaucoup intéressé à la Flandre. Je connais bien le parti et je suis son évolution. Par exemple, j'étais là lors de leur victoire électorale en 2009 pour RTL info à l'hôtel de Londerzeel. Ils revenaient de loin, passant de 5,8% à 18,6%.

Combien de temps a duré votre immersion ? Et comment vous êtes-vous préparé ? 

Cela a duré un an au total. Bien sûr, j'ai fait d'autres choses en même temps, mais j'ai suivi leurs réseaux sociaux et leurs interviews... Ils ont même une application. J'ai beaucoup travaillé sur ce sujet, car comprendre le Vlaams Belang est crucial pour comprendre la Flandre aujourd'hui. J'ai suivi leur évolution depuis leur première percée, quand ils ont atteint 10% lors du "dimanche noir" (ndlr : le 24 novembre 1991, le Vlaams Blok récoltait 12 sièges au parlement fédéral). J'ai aussi travaillé sur eux pour mon roman, donc j'ai vraiment une longue expérience avec ce parti, c'est le fruit de toute ma carrière.

Était-il difficile de rentrer en contact avec eux ?

Oui, ce n'est pas simple. Par exemple, je n'ai jamais pu prendre rendez-vous avec Tom Van Grieken (ndlr : le président du Vlaams Belang). J'ai dû aller là où il était et espérer qu'il accepte de me parler. C’est plus difficile qu’avec d’autres partis.

Avez-vous été bien accueilli en tant que journaliste francophone par le Vlaams Belang ? 

Je connais bien les gens du parti parce que j'ai couvert beaucoup de sujets sur eux, même les marches dans les années 90 contre les francophones. L'avantage, c'est que je suis un peu connu en Flandre donc, c'est aussi pour ça que je suis assez bien accueilli, ils savent qui je suis, et ça aide que je parle néerlandais, ce qui est très important pour eux.

Que va-t-on découvrir dans ce documentaire ?

Le documentaire montre ce qu'est vraiment ce parti, quelles sont ses idées et qui vote pour lui. J'ai d'ailleurs identifié trois groupes principaux parmi leurs électeurs : les "perdus" (racistes purs et durs et fascistes), les "perdants" (ceux en difficulté sociale et financière) et les "peureux" (ceux qui ont peur de perdre leur statut). On rencontre également leurs leaders qui sont d'une nouvelle génération, qui sont des personnes bien habillées, qui parlent extrêmement bien, avec des beaux diplômes et éduquées, ce qui les rend plus dangereux, car plus séduisants.

Comment réagissent-ils aux accusations de xénophobie et de racisme ?

Ils jouent toujours sur deux niveaux, ils vont toujours dire blanc et puis gris. Ils vont dire quelque chose d'extrême, puis le relativisent en disant que c'était de l'humour ou qu'on les a mal compris. Ils savent manipuler leur message pour plaire à un public large.

Comment se définissent-ils dans l'histoire de la Belgique ?

Ils se voient comme ceux qui vont mettre fin à la Belgique, c'est aussi simple que ça. Ils veulent l'indépendance de la Flandre et considèrent la Belgique comme une erreur historique. Ils ont même un plan en cinq ans pour obtenir l'indépendance.

Avez-vous appris des nouvelles choses malgré votre connaissance déjà approfondie sur le parti ?

J'ai réalisé à quel point ils étaient encore plus efficaces que je ne le pensais, surtout sur les réseaux sociaux et avec les jeunes. C'est vraiment une machine bien huilée qui fait peur par son efficacité.

Comment résumeriez-vous ce parti ?

C'est un parti totalement d'extrême droite qui exclut les francophones et les immigrés. Ils ont réussi à moderniser leur communication et à être très efficaces sur les réseaux sociaux, particulièrement auprès des jeunes. C'est un parti bien plus dangereux qu'il y a 15 ou 20 ans.

Faut-il avoir peur de ce parti en vue des prochaines élections ?

Oui, il faut s'inquiéter de leur progression. En même temps, je pense que je suis très optimiste, en 2024, ils ne seront probablement pas au pouvoir. C'est surtout 2029 qui me fait peur, car ça pourrait être différent. C'est une évolution mondiale inquiétante.

Retrouvez le documentaire "Les Flamands sont-ils d'extrême droite ?" dans Dossiers tabous, ce vendredi soir à 19h55 sur RTL tvi et RTL play.

 

 

 

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