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L'Enquête de la rédaction: ils ont souvent entre 13 et 17 ans, qui sont ces "petites mains" du trafic de drogue?

La drogue est à l'origine des violences qui ont de nouveau marqué l'actualité et notre capitale cette semaine. Intéressons-nous aux petites mains du trafic de drogue : des dealers parfois mineurs, exploités par les réseaux criminels. Qui sont ces jeunes ? Comment sont-ils recrutés ?

Ces jeunes sont chargés de livrer la drogue aux consommateurs ou encore de défendre le territoire d'un gang. Selon Europol, ces mineurs d'âge ont souvent entre 13 et 17 ans et ils sont présents dans 70% des organisations criminelles en Europe. Qui sont ces jeunes ? Comment entrent-ils dans ces milieux ? Pourquoi acceptent-ils ces missions, souvent sans imaginer les tortures qui les attendent ?

Aux abords de la station Clémenceau il y a quelques jours, une équipe RTL rencontre plusieurs jeunes dealers, tous majeurs. La plupart sont sans papier. "Je suis arrivé en Belgique il y a deux mois, on est tous perdus ici, personne n'est heureux de faire ça. Mais c'est facile, mon ami là-bas par exemple, tout le monde le connaît, il attend dans la rue et les gens viennent à lui", nous explique-t-on.

Tous connaissent des dealers plus jeunes encore. Ils sont réfugiés, viennent du Maroc ou de l'Algérie, ils sont arrêtés chaque jour par la police, puis ils sont rapidement relâchés. "Nos équipes arrêtent tous les jours des dealers, mais ce sont à la fois des personnes sans papier ou alors des personnes qui n'ont pas beaucoup de matières sur eux parce qu'ils sont bien organisés. Des dealers qui sont utilisés comme de la chair à canon par les réseaux. Donc c'est vraiment des personnes qui sont interchangeables. Quand on en arrête un, il est remplacé dans un quart d'heure par quelqu'un d'autre", explique Fabrice Cumps, bourgmestre d'Anderlecht.

Ces jeunes sont recrutés sur les réseaux sociaux. Les organisations leur promettent de belles sommes d'argent : 100 euros par jour pour faire le guet ou prévenir de l'arrivée de la police, 180 euros pour vendre du cannabis, 200 euros pour des drogues dures et jusqu'à 1000 euros pour tirer dans une façade ou sur une personne. "Ils vont être hébergés par ces groupes criminels qui les ont recrutés. Ils sont hébergés dans des squats. Ils sont maltraités. Il y a beaucoup d'agression, de la violence. Ils sont drogués, donc ils doivent prendre des médicaments, des drogues pour les rendre dociles et pour qu'ils ne se posent pas trop de questions", explique An Berger, porte-parole de la police fédérale.

Les narcotrafiquants ont besoin d'une main d'oeuvre docile et interchangeable. François Bertrand travaille dans une association pour ces jeunes, il explique : "C'est un rôle de première ligne, presque d'enfants soldats. D'ailleurs, une partie d'entre eux sont mineurs. Ce sont les petites mains du bout de la chaîne de l'acheminement des drogues. Ils sont complètement instrumentalisés par des réseaux qui doivent écouler à tout prix des quantités plus importantes de drogues, surtout ici depuis les années d'après-Covid". S'ils ne rapportent pas assez d'argent, les jeunes sont rapidement menacés.

Le problème est partout en Europe : penons la direction de Marseille. Dans un centre de réinsertion, un constat : les mineurs actifs dans le narcotrafic sont de plus en plus jeunes. Il y a 15 ans, ce type de profil, ils avaient 16, 17, 18 ans. Dans la grosse délinquance, que ce soit des braquages, des tentatives de meurtre, des contrats, tout ça, maintenant ils ont 14, 15, 16 ans", note un éducateur spécialisé.

Comment les sortir de la délinquance alors  ? Ici, une cinquantaine de jeunes sont pris en charge et le but est de leur construire un autre avenir. Ici, ils découvrent de nouvelles activités, parfois toutes simples. "On fait des gâteaux, on apprend à faire du vélo. Alors effectivement, vous me direz, 'c'est des grands'. Oui, mais c'est des grands qui n'ont jamais joué à des jeux de société. C'est des gamins qui ne savent pas nager. C'est des gamins à qui il faut apprendre à être un enfant avant de devenir adulte", note une autre éducatrice. 

Retour à Bruxelles où nous retrouvons un juge dans un quartier difficile, celui du Midi à deux pas d'Anderlecht. A côté de l'accompagnement, il réclame plus de moyens pour sanctionner les jeunes, comme de nombreux magistrats. "Aujourd'hui, on sait qu'il y a des places en IPPJ qui ne sont pas disponibles. On a une liste de 100 jeunes sur liste d'attente. Donc vous imaginez qu'il y a un sentiment d'impunité très important à ce niveau-là", note Denis Goeman

Dans la capitale, plusieurs centaines de jeunes mineurs sont embarqués dans ces trafics. Un chiffre sans doute sous-estimé et un problème qui prendra du temps à être géré.

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