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À quelques semaines de Noël, plusieurs dizaines de sans-papiers ont été appelés à quitter un hôtel de l'avenue Fonsny. Ils occupaient l'établissement depuis plus de deux ans.
Une trentaine de personnes sont menacées d'expulsion d'un hôtel de Saint-Gilles situé sur l'avenue Fonsny, en face de la gare du Midi. Plusieurs occupants nous ont contactés via le bouton orange Alertez-nous. "Je suis logée depuis avril 2022", explique Dalal. "Il y a une semaine, j'ai reçu une demande de quitter les lieux pour maximum le 10 décembre", continue-t-elle.
Et elle n'est pas la seule. En tout, ils seraient presque quarante à vivre dans l'hôtel. La nouvelle est tombée comme un couperet : "Ils ne nous ont même pas prévenus à l'avance, ils ont dit il y a une semaine que ce serait le 31 décembre, deux jours après, on nous dit que c'est le 10 décembre finalement. On ne savait même pas !", déplore Aziz, lui aussi résident de l'hôtel. "Normalement, il faut prévenir, qu'on puisse faire nos affaires, pour trouver une solution."
En l'état, les quarante occupants ont reçu une notice d'expulsion du propriétaire sur un papier blanc A4, sans en-tête, sans signature : "Le papier qu'ils ont collé au mur n'a pas de tampon officiel, il n'y a pas de signature", explique Aziz. Sur le papier, un message sommaire indique : "La Région bruxelloise, occupant officiel de l'hôtel depuis janvier 2024, n'est plus en mesure d'occuper les lieux. Par la présente, vous êtes donc sommés de quitter l'hôtel immédiatement", peut-on lire sur une photo qui nous a été relayée par les résidents de l'immeuble.
Au-delà de cette date butoir, une éviction forcée par la police pourrait être appliquée. Les résidents ne comprennent pas ce revirement de situation. "Où est-ce qu'on va aller ? Personne ne dort, tout le monde est perturbé et choqué. Les filles ne dorment pas de la nuit, elles font des cauchemars. Si nous quittons cet hôtel, beaucoup d’entre nous ne survivront pas", craint Aziz. "Je fais des crises d'angoisse", ajoute Dalal.
Les gens vont mourir
Des travailleurs sociaux seraient venus pour proposer de rapatrier les femmes de l'hôtel au Samusocial, mais elles craignent le pire : "C'est dangereux là-bas, il y a des drogués, on a peur de se faire agresser, des femmes se sont fait agresser au couteau, des gens volent des affaires, on a peur, on ne peut pas battre des gens comme ça, on veut juste un endroit pour avoir la paix", souffle la quadragénaire originaire du Maroc. L'autre solution, être à la rue, reste peu enviable aussi : "Je ne peux pas sortir dans ce froid-là, les gens vont mourir", martèle Dalal qui assure vouloir trouver une solution plus pérenne. "On veut une situation stable aussi. On cherche à avoir nos papiers pour pouvoir travailler comme tout le monde, pas en noir, pas avec des gens qui ne paient pas finalement, ou qui donnent 20 ou 30 euros pour toute la journée", assure-t-elle. "Si on a un revenu stable, on pourra louer un bien."
Réaction du bourgmestre
Contacté par notre rédaction, le bourgmestre socialiste de Saint-Gilles admet que la situation n'était plus tenable : "Le site a servi de lieu d'accueil, au bout de deux ans et demi, on doit y mettre un terme, explique Jean Spinette. C'est un hotspot, près de la gare du Midi où tout le monde se fait agresser par des consommateurs de crack. Je suis atterré, on a vraiment essayé. Ces gens (les résidents de l'hôtel, NDLR) sont aussi des victimes. J'ai interpellé Fedasil, il faut un plan fédéral de répartition".
Un manque d'encadrement et de normes qui aurait eu raison de l'occupation temporaire de l'hôtel : "Il peut y avoir des incendies la nuit et nous avons la responsabilité pénale de prendre toutes les mesures si l'établissement prend feu", martèle le bourgmestre de Saint-Gilles qui ne souhaite pas vivre de drame sous sa gouverne.
Toutefois, le bourgmestre tempère, une expulsion imminente ne serait pas d'actualité : "Nous avons pris un arrêté pour mettre un terme à l'occupation, mais l'expulsion n'est pas encore programmée", explique-t-il. Des solutions de relogement ne sont pas prévues pour tout le monde : "Pour six ou sept femmes, des solutions existent", explique-t-il, sous-entendant que rien n'est prévu pour l'instant pour les autres résidents.
Concernant les questions de timing, le bourgmestre se défend encore : "Cela fait six mois qu'on demande des actions, après on dira : 'C'est les élections', puis on dira qu'il n'y a plus de gouvernement...", craint Jean Spinette.