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"Je me suis fait embobiner": Geoffrey "escroqué de plusieurs dizaines de milliers d'euros" par un entrepreneur

En voulant faire rénover sa maison, Geoffrey se retrouve dans une situation "cauchemardesque". L'habitant d'une commune de la province de Namur a versé "plusieurs dizaines de milliers d'euros en guise d’acompte", le chantier est à l’arrêt, et l’entreprise a fait faillite. Que vont devenir les acomptes versés ? Quels recours sont possibles ? Des experts donnent plusieurs conseils à adopter.

Geoffrey, un habitant d'une commune namuroise, est en plein désarroi. Le projet de rénovation de son habitation s’est transformé en un véritable calvaire. Après avoir versé "des dizaines de milliers d'euros" à un entrepreneur, pour des travaux d’aménagement, le chantier est complètement à l’arrêt et l’entreprise a fait faillite.

En octobre 2023, Geoffrey indique avoir fait appel à un entrepreneur pour rénover la salle de bains et créer une annexe à l’arrière du bâtiment. "J’ai fait appel au même entrepreneur. Il a commencé les travaux, et en début d'année 2024, la société a fait faillite. Je l’ai appris via ses employés. Les travaux ne sont pas finis, et l’entrepreneur a empoché les acomptes, plusieurs dizaines de milliers d'euros."

Geoffrey s'est inquiété quand l'entrepreneur s'est "de moins en moins souvent rendu sur place""Je demandais régulièrement des nouvelles pour l’avancement des travaux. Ensuite, il ne prévenait pas qu’il ne venait pas. (...) Je me suis fait embobiner. On m’a dit que je n’allais pas récupérer mon argent, si je vais au tribunal. Une conciliation n’est plus possible pour moi", estime-t-il.

Quand une entreprise est en faillite, qu'en est-il des acomptes versés ? Nous avons posé cette question à deux spécialistes du secteur: Hans Van De Cauter, un avocat spécialisé en droit immobilier, et Sven Nouten, porte-parole d'Embuild, la fédération du secteur de la construction. 

Hans Van De Cauter:"Malheureusement, lorsqu'une entreprise tombe en faillite, il est très difficile pour les créanciers de récupérer leur paiement indu puisque ils seront très souvent considérés comme des créanciers chirographaires, ce qui veut dire qu'il doivent céder la priorité aux créanciers hypothécaires et privilégiés, le plus souvent l'Etat et les banques. Les maîtres d'ouvrage perdront donc en principe les acomptes qu'ils ont versés à l'entrepreneur. Ils pourront néanmoins introduire une déclaration de créances via le système Regsol, mais il est très peu probable qu'ils récupèrent quelque chose."

Sven Nouten: "Si l’entrepreneur a effectivement été déclaré en faillite, vous devez, en tant que créancier, introduire une déclaration de créance auprès du curateur le plus rapidement possible. Récupérer un acompte en cas de faillite est juridiquement possible via une déclaration de créance, mais les chances de remboursement effectif sont souvent limitées. Il est néanmoins essentiel de réagir rapidement et correctement afin de ne pas perdre ses droits. (...) Embuild plaide par ailleurs depuis longtemps pour une interdiction professionnelle plus rapide et plus large à l’encontre des entrepreneurs malhonnêtes, afin qu’ils ne puissent plus tromper les consommateurs."

Quels sont vos conseils au niveau des versements des acomptes (pour éviter la situation vécue par Geoffrey) ?

Hans Van De Cauter (avocat) : "Il vaut mieux travailler avec une entreprise fiable. Sinon, on prend toujours un risque d'autant plus qu’en région flamande (ce qui veut dire que lorsque la société de construction est établie en région flamande), il n'est plus requis d'avoir l'accès à la profession. Cela veut dire que n'importe qui peut créer une société de construction et offrir ses services dans toute la Belgique. Vérifiez donc la solvabilité de l’entrepreneur, consultez ses comptes et les dettes fiscales. Limitez l’acompte à 5%, et éventuellement, exigez une garantie bancaire de la part de l'entrepreneur. Demandez aussi au moins deux devis à deux entrepreneurs différents pour les comparer. Pour les travaux plus importants, il est conseillé de conclure un contrat d'entreprise détaillant le prix total, le délai, les garanties, la description précise des travaux, l'indemnité journalière en cas de retard ainsi qu’une clause qui permet de mettre en cause la responsabilité des administrateurs."

Sven Nouten (Embuild): "Demander un acompte est une pratique courante dans le secteur de la construction, mais il s’agit alors souvent d’une avance de 20 à 30 %. Il n’existe pas de cadre juridique pour les acomptes, et ce n’est ni souhaitable ni approprié. Il faut préserver la liberté contractuelle. Parfois, il est possible de justifier des avances de 20 ou 30 %, par exemple lorsque l’entrepreneur doit payer l’achat de tous les matériaux de construction à l’avance ou lorsqu’il s’agit de travaux sur mesure. Embuild conseille toutefois aux consommateurs d’éviter les avances très élevées et de verser les acomptes en fonction de l'avancement des travaux."

Quelles sont les possibilités en cas de litige ?

Hans Van De Cauter (avocat): "En cas de litige, vous pouvez essayer de résoudre le contrat à l'amiable. À défaut, vous pouvez tenter une médiation, qui n'a souvent pas d'effet, selon mon expérience. Vous pouvez aussi envoyer une mise en demeure afin de réclamer des dommages-intérêts ou l'exécution en nature de la convention. Vous pouvez ensuite lancer une citation contre l'entrepreneur lorsque celui-ci ne s'exécute pas. En cas de litige, il est souvent important de faire constater les éventuels vices de construction par un huissier de justice ou par un expert."

Vers une évolution de la loi Breyne

En Belgique, il existe par ailleurs la loi Breyne qui encadre la construction d'habitation. Elle a été introduite en 1979 et protège les personnes qui achètent une maison neuve. Lorsqu'un contrat est signé, l'acompte ne peut pas dépasser 5 % du montant total. Le reste est payé par tranches et ne peut pas être supérieur à la valeur des travaux déjà réalisés. Les entrepreneurs qui ne respectent pas la loi Breyne s'exposent à des amendes pouvant aller jusqu'à 400.000 euros. "On peut regretter l’absence de protection en matière de rénovation", souligne Hans Van De Cauter, l'avocat spécialisé en droit immobilier.

Mais cette loi va-t-elle évoluer pour également s'adresser aux personnes qui rénovent (comme Geoffrey) ? "Le principal problème de la loi Breyne est qu'elle ne s'applique pas aux personnes qui rénovent une maison ou achètent un bien en gros œuvre fermé. Ces catégories ne sont donc pas couvertes par cette législation", indique Jef Beckers, le porte-parole de Rob Beenders, le ministre de la Protection des consommateurs. "Au cours de cette législature, nous voulons mettre en place un cadre juridique afin que ces personnes bénéficient de droits équivalents. Une meilleure protection des consommateurs est d’autant plus importante que les obligations en matière d’efficacité énergétique se multiplient."
 
La réforme de la loi Breyne est un projet qui ne peut pas être mis en œuvre immédiatement. "Son application est prévue d’ici la fin de la législature. Nous étudions, par exemple, la possibilité d’étendre le régime des acomptes actuellement en vigueur pour les logements neufs. Nous travaillons également à la suppression de toutes les failles juridiques", conclut Jef Beckers.

Julien Vandenborre, le porte-parole de David Clarinval, le ministre de l’Emploi, indique de son côté que l’accord du gouvernement stipule que "spécifiquement pour les casco et les grands projets de rénovation, nous introduisons, après concertation avec le secteur et les organisations de protection des consommateurs, un système de protection légale qui organise une meilleure protection du consommateur qui souhaite transformer ou rénover. Mais, il est trop tôt pour communiquer sur la manière dont le nouveau gouvernement mettra en œuvre ce point."

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