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En attendant l'assaut russe, Kiev en "pause" le temps d'un couvre-feu

Derrière ses sacs de sable et l'arme au pied, Kiev attend. Au 27ème jour de l'invasion, l'avancée des troupes russes semble figée au nord-ouest et à l'est de la capitale ukrainienne, à nouveau sous couvre-feu ce mardi.

Sirènes de bombardements et détonations dans le lointain ont résonné à intervalles réguliers toute la journée, étranges tambours de guerre dans une ville fantôme, baignée d'un soleil presque printanier qui fait briller les coupoles d'or de la cathédrale orthodoxe Sainte Sophie.

Pour ce troisième couvre-feu depuis le début de la guerre, imposé de lundi soir à mercredi matin, tous les commerces ont fermé. Chacun reste chez soi avec pour ordre de descendre "dans les abris quand les sirènes retentissent", selon le maire et ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko.

"Pour les gens, constamment sous pression depuis le début de l'invasion, c'est l'occasion de souffler un peu", assure Alexis, professeur d'allemand avant la guerre, qui guide une équipe de l'AFP dans la ville. "De toute façon, ils sont traumatisés, ils n'ont pas vraiment envie de sortir..."

- "Moral haut" -

Une grande partie des 3,5 millions d'habitants de Kiev, en majorité femmes et enfants, ont fui la capitale depuis le début du conflit le 24 février. Restent surtout des hommes mobilisés et quelques personnes âgées.

Ce couvre-feu est "comme une pause, avec la température qui se réchauffe", sourit Maxim Kostetskyi, avocat de 29 ans.

"On ne sait pas si les Russes vont continuer leurs efforts pour encercler la ville, mais nous sommes beaucoup plus confiants, le moral est haut et inspirant", assure ce membre d'une unité d'engagés volontaires.

Dans les rues désertées de la ville, seules circulent les voitures blanches striées de bleu de la police, quelques camions militaires et de rares véhicules civils filant en trombe, occupés par des hommes en armes ou en treillis.

"Armée russe, allez vous faire foutre!", "Gloire à l'Ukraine", ou simplement "Stop!", tagués à la peinture sur des blocs de béton posés sur la chaussée, annoncent les innombrables check-points qui jalonnent désormais la ville.

Dans l'ouest, le nord et l'est de la capitale, pas un coin de rue, une contre-allée ou un carrefour qui ne soit coupé par une muraille de sacs de sable ou des hérissons anti-chars, faits de barres de métal croisés en étoile.

Tranchées et postes de combats ont été aménagés au hasard du moindre axe de tir potentiel, au pied des barres d'immeubles ou dans des terrains vagues.

La forêt des faubourgs nord de la ville, où les habitants aimaient aller aux champignons le weekend ou manger en famille dans un "Rancho el Gaucho" aux allures de datcha, n'est plus qu'un vaste camp retranché où s'enterrent les militaires.

L'irruption d'un véhicule suscite immédiatement les regards soupçonneux des soldats et volontaires en faction, le doigt sur la gâchette, qui se détendent à peine en entendant le mot de passe qui permet de franchir les barrages.

- Drones et "saboteurs" -

Si les "saboteurs" russes infiltrés font moins parler d'eux ces jours-ci, la traque continue.

Après la frappe dimanche soir d'un missile russe sur un centre commercial ultramoderne du nord-ouest de la ville, où étaient camouflés munitions et pièces d'artillerie selon Moscou, la crainte est celle des drones-espions ou kamikazes, comme des photos sur les réseaux sociaux qui pourraient révéler les positions ukrainiennes.

Au moins une personne a trouvé la mort mardi dans une attaque d'un de ces drones russes de type Orlan, qui a touché un bâtiment du nord-ouest de la ville. Au total, 228 personnes, dont 4 enfants, ont été tuées dans la capitale depuis le début de l'invasion.

Une épaisse fumée noire s'élève en direction d'Irpin, à une dizaine de km au nord-ouest, où tonnent les canons. La localité est désormais interdite aux journalistes.

"Les militaires savent ce qu'ils ont à faire, ils connaissent leur job. Il y a une raison à ce couvre-feu", juge Olga Alievska, 38 ans, pour qui "les Russes ne veulent pas, et surtout ne peuvent pas prendre Kiev".

"Leurs bombardements visent plutôt pour l'instant des objectifs militaires, le temps des bombardements sur les civils n'est pas encore venu", analyse cette cadre en marketing, restée dans la ville.

Au cœur de la capitale, sur les collines dominant l'imposant et tortueux fleuve Dniepr, où seuls deux ponts restent ouverts à la circulation, la guerre paraît presque lointaine.

Au pied des murailles du célèbre monastère des Grottes de Kiev, armes et soldats se font plus discrets. Indifférente au couvre-feu, une sexagénaire promène ses chiens, comme si de rien n'était, sur les pelouses du Mémorial aux victimes de la Grande famine des années 1930, dominant la rive gauche du Dniepr et ses tours de béton.

Les barrages de sacs de sable sont de retour sur l’emblématique place Maïdan et quelques rues alentours, où sont abandonnées des voitures accidentées.

"Aujourd'hui nous sommes optimistes, même si nous n'avons pas le choix", reprend Maxim. "Nous protégeons notre pays contre quelqu'un, Vladimir Poutine, qui veut tout simplement détruire notre pays".

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